La réforme de l’évaluation professionnelle des enseignants en France met en avant l’accompagnement collectif des enseignants. Cette proposition est louable et bienvenue, mais la question de sa mise en pratique sur le terrain se pose.
Voici quelques éléments qui peuvent inspirer et soutenir cette démarche.
Une analyse des pratiques
Le Centre Alain Savary propose une analyse intéressante « accompagner : de la prescription à l’activité » qui se termine par trois aspects à préciser dans le cas d’un accompagnement d’équipe : les visées de l'accompagnement, ses modalités et la posture de l'accompagnateur.
1 - Les visées de l’accompagnement collectif
Avant le début de l’accompagnement, il paraît essentiel de préciser l’objectif visé par l’accompagnement.
- Est-ce pour aider une équipe pédagogique sur un projet particulier ?
- Est-ce pour analyser des pratiques ?
- Pour faire évoluer des pratiques ?
- Pour développer les compétences individuelles ou collectives de l’équipe ?
Toutes ces possibilités sont envisageables et l’accompagnement se passera d’autant mieux que les objectifs auront été clairement définis - voire négociés - en amont. Cette clarification est essentielle pour obtenir l’adhésion de l’équipe concernée.
2 - Les modalités de l’accompagnement
De même, il est essentiel de bien préciser les modalités de l’accompagnement : forme, durée, évaluation, rôle de chacun, … Tous ces éléments permettent aux parties prenantes de se situer et de bien comprendre les tenants et aboutissants de l’accompagnement.
'L’accompagnement d'un collectif de travail impose une forme de contrat explicite qui porte à la fois sur la forme, la durée, sur le rôle de chacun mais aussi sur le ou les objets de l'accompagnement.'
La place de l’accompagnateur dans la hiérarchie est un aspect à prendre particulièrement en considération : est-il un pair ? Un supérieur hiérarchique ? Quelle est sa pratique du terrain et sa légitimité pour réaliser l’accompagnement ?
Cette transparence aura des effets sur la confiance entre l’équipe et l’accompagnateur et l’implication de l’équipe dans l’accompagnement. En effet, il y a un risque de «peur de jugement» si l’accompagnement est réalisé par un supérieur hiérarchique qui peut être levé si c’est un pair qui intervient.
3 - La posture de l’accompagnateur
Le troisième aspect à définir est la posture de l’accompagnateur. Doit-il écouter et faciliter une analyse réflexive ? Viser l’émergence d’une dynamique collective puis se retirer ? Conseiller et apporter des éléments de réflexion en s’appuyant sur sa pratique ?
La réponse est parfois à la croisée de ces différentes possibilités, en laissant à chaque accompagnateur le soin de choisir son positionnement en fonction de sa sensibilité et de la relation qui s’établit avec l’équipe.
Un exemple de mise en œuvre
Le GIP-FTLV de Bourgogne a mis en place un accompagnement des équipes pédagogiques confrontées à la mixité de public (ce qui correspond à des groupes d’apprenants composés d’élèves scolaires, d’apprentis et/ou de stagiaires de la formation continue). Afin de faciliter le travail d’accompagnement et d’assurer une démarche cohérente pour toutes les équipes et sur tout le territoire, un guide d’accompagnement a été réalisé. Il précise les différents points abordés ci-dessus.
1 - L’objectif
L’objectif est d’aider les équipes confrontées à une situation nouvelle qui bouleverse leurs pratiques : «Comment gérer des apprentissages à des cadences différentes en partenariat avec les entreprises qui accueillent les apprentis ou stagiaires de la formation continue ?»
L’accompagnement est présenté comme un soutien face à une situation inconfortable et les enseignants apprécient majoritairement cette bienveillance de l’institution. L’objectif est de trouver une bonne organisation pour la situation donnée. En effet, même si chaque situation est différente, les démarches et organisations peuvent être adaptables ou transférables.
2 - Les modalités
Les modalités de l’accompagnement sont variées et détaillées :
- Une rencontre dans l’établissement d’une demi-journée.
Il est important que l’accompagnement commence dans le cadre habituel de l’équipe pour appréhender leur contexte de travail et tisser une relation de confiance. Idéalement, cette première rencontre se déroule avant le début de l’année scolaire et permet de définir les bases de l’organisation générale (calendrier d’alternance, organisation des progressions pédagogiques, relation avec l’entreprise, …)
- Plusieurs rencontres en ligne permettent de limiter les déplacements en s’appuyant sur le capital-confiance existant. Étalées sur l’année scolaire, ces rencontres permettent de répondre à toutes les difficultés qui peuvent émerger et assurer un ancrage des pratiques dans la durée.
- Un espace collaboratif en ligne permet de mutualiser les organisations mises en place par les différentes équipes. Cette base de connaissance devrait s’enrichir au fil du temps.
3 - L’accompagnateur
Le rôle de l’accompagnateur est clairement défini. Il doit analyser le dispositif existant pour repérer les améliorations possibles pour faciliter l’apprentissage de tous les apprenants et l’organisation pédagogique des équipes.
Pair expérimenté, il a déjà été confronté à des situations de mixité de public. Son expérience et sa position d’extérieur lui permettent d’avoir un regard critique et bienveillant sur les situations et d’apporter des éléments concrets pour aider à mener à bien ce projet : il partage des points de repères que l'équipe pourra s'approprier. Sa mission est clairement d’aider l’équipe à trouver sa propre organisation ; il doit être conscient des points de vigilance à surveiller (il peut pour cela s’appuyer sur le guide d’accompagnement) et force de proposition en s’appuyant sur son expérience et les retours mutualisés dans l’espace collaboratif.
L'académie de Toulouse propose aussi des accompagnements d'équipe dans le cadre du dispositif PILAR (Projet d'Initiative Locale Adossée à la Recherche) présenté comme suit :
«Le PILAR répondra de manière bien spécifique aux projets et besoins locaux afin d'apporter une réponse négociée et « cousue main » et permettra de créer ou soutenir un collectif enseignant / éducatif pour collaborer et agir en cohérence.»
Un séminaire académique annuel offre un cadre de restitution et de maillage des différents projets accompagnés.
Une opportunité d'affirmer la compétence : personnelle et institutionnelle
Mené dans de bonnes conditions, un accompagnement d'équipe peut s'avérer extrêmement riche pour tous les membres accompagnés en permettant le développement de compétences personnelles mais aussi d'une dynamique collective, basée sur le partage et la confiance.
Mais les fruits vont encore plus loin : pour l’accompagnateur, une telle mission est à la fois une reconnaissance par l’institution de sa compétence mais aussi l’occasion de questionner ses pratiques en se confrontant à de nouvelles situations.
L’accompagnement d’équipes devient alors une opportunité pour tisser des réseaux d'équipes et valoriser et consolider l’expertise d’acteurs du terrain.
Illustration Pixabay CC0
Références
Parcours professionnels, carrières et rémunérations - Réforme de l'évaluation professionnelle, Fiche 1 : l'accompagnement des enseignants, http://cache.media.education.gouv.fr/file/evaluation/72/9/1_PPCR_accompagnement_enseignants_698729.pdf
Centre Alain Savary : accompagner, de la prescription à l'activité. Dernière mise à jour 15/12/2016 http://centre-alain-savary.ens-lyon.fr/CAS/education-prioritaire/ressources/theme-5-perspectives-relatives-a-la-carte-de-leducation-pilotage/ce-quaccompagner-veut-dire-elements-de-problematisation
GIP FTLV de Bourgogne : Accompagner une équipe confrontée à une mixité de public, http://cache.media.education.gouv.fr/file/Mixite_des_publics/00/4/mixite_-_accompagner_une_equipe_545004.pdf
Académie de Toulouse : Adosser la formation à la recherche - le dispositif PILAR, http://www.ac-toulouse.fr/cid116674/adosser-la-formation-a-la-recherche-le-dispositif-pilar.html
Voir plus d'articles de cet auteur