L’école serait-elle matérialiste? Oui. Sans équipement, difficile de mettre en place un enseignement. Parce que les savoirs ont beau être intangibles, il devient ardu d’inculquer, par exemple, des notions de géométrie sans pouvoir les montrer à tous les élèves.
Alors, les tableaux et ardoises ont vite su se rendre indispensables. Les apprenants se sont dotés de papier pour noter et d’une panoplie de crayons et de stylos de toutes les couleurs afin de pratiquer et démontrer la maîtrise de leurs acquis. Avec la montée technologique, les écoles et enseignants ont dû suivre; désormais, le matériel est de plus en plus sophistiqué. Les vieux ordinateurs ont été dépassés et il faut être en mesure d’offrir des solutions répondant aux besoins d’aujourd’hui. Sans compter la présence d'appareils mobiles qui ne cesse d’augmenter chez les élèves.
Or, on le sait, l’inévitable virage numérique ne va pas à la même vitesse partout. Certains pays, établissements et même classes sont plus avancés que d’autres dans ce domaine. Comment de telles différences peuvent-elles être expliquées? Plusieurs recherches ont été faites, mais une réalisée en Belgique et aux Pays-Bas par Samsung Benelux se veut révélatrice. Publiée au cours de l’automne 2016, elle montre les différentiations, parfois importantes, entre régions et nations.
Différents profils
520 enseignants en Flandre, en Wallonie ou aux Pays-Bas ont répondu d’abord à un questionnaire en ligne sur l’utilisation de la technologie en classe. Ils ont ainsi pu classer le sexe, l’âge et l’approche des répondants par rapport aux TIC. Ensuite, ils ont effectué des entrevues avec eux pour mieux comprendre leur vision et leurs doléances.
Cela leur a permis de faire des profils d’enseignants utilisant, ou non, les technologies en classe. Ils lont attribué des noms à ces profils accopagnés d'un petit descriptif. Il y a Tania la traditionnelle (majoritairement des répondantes plus âgées) qui ne voient pas d’un bon œil l’usage de TIC en classe, qu’ils prendraient de trop de temps à mettre en place et que cela les stresse. Sophie la soucieuse (groupe contenant plus de femmes que d’hommes) veut bien se servir de technologies, mais elle aimerait avoir beaucoup plus d’encadrement qu’actuellement.
Selim, le satisfait est, comme son nom le dit, très à l’aise avec les technologies disponibles dans son établissement, qu’il y en ait beaucoup ou peu. Il ne ressent pas le besoin d’utiliser davantage les TICE, mais s’il avait à le faire, il s’en accommoderait. Ivan l’innovant (groupe plus masculin que féminin), au contraire, est à l’affût de toutes les dernières tendances et il essaie de l’intégrer dans son enseignement le plus possible. Enfin, il y a Nathalie la numérique qui s’efforce de déployer les TIC aussi souvent que possible. Toutefois, comme Selim, elle ne cherche pas non plus à ce qu’il y en ait plus et ne recherche pas les outils à la mode pour les ajouter à sa classe.
L'étude rappelle que ce n’est pas parce qu’on se sert des technologies qu’on est innovant. En fait, dans la plupart des régions sondées, elles sont surtout utilisées pour des méthodes classiques de pédagogique (exemple : cours magistral avec Powerpoint).
Inégal accès au matériel
Alors, qu’est-ce qui bloque les enseignants dans leurs usages? Il y a surtout un problème de matériel qui est tout sauf petit. Difficile de blâmer, par exemple, les professeurs wallons de ne pas se servir des TIC quand 53 % d’entre eux ont répondu qu’ils n’avaient pas accès à du matériel et à du wi-fi, contrairement à 39 % des collègues de Flandres et 4 % seulement aux Pays-Bas vivant le même genre de problèmes.
Il y a aussi toute la question du matériel pédagogique préparé. Là-dessus, personne ne s'entend. Certains qui sont moins à l’aise avec les technologies aimeraient des solutions clé en main qu’ils n’ont qu’à suivre. Les plus innovateurs, au contraire, désirent pouvoir utiliser les applications et le matériel de façon plus moderne et ne pas être obligés de se conformer à un parcours conçu par d’autres pédagogues.
L’autre point en lien avec le matériel est le support. Les profils de type Sophie la soucieuse ou Tania la traditionnelle sont exactement dans ce cas. Ils veulent (ou pas) se servir plus des technologies, mais sont inquiets. Ils ont peur des défaillances qu’ils ne comprendraient pas et des possibilités que les élèves soient déconcentrés par l’usage de ces TIC. Alors, à ces inquiets, la réponse est peut-être l’instauration d’un « buddy system » où les leaders et innovateurs pourraient accompagner leurs collègues et répondre à leurs interrogations.
Cette recherche ne concerne que la Belgique et les Pays-Bas et comme les chercheurs l’admettent, le fait qu’ils ont tout d’abord proposé un questionnaire en ligne a pu biaiser en partie les résultats envers des professeurs intéressés par la technologie. Néanmoins, ils ont permis de mettre la lumière sur des problèmes de matériel, particulièrement en Wallonie, aququel il est essentiel de répondre en priorité.
Le corps enseignant a besoin de pouvoir compter sur du bon équipement et de l'accompagnement chez ceux qui sont insécures avec celui-ci. Quand seront réunies ces conditions, peut-être pourra-t-on parler d'innovation dans l'enseignement avec les TIC?
Illustration : JenWaller via Foter.com / CC BY-NC-SA
Références
"Le Manque De Matériel Est Le Principal Obstacle à L’utilisation De La Technologie En Classe." Sudinfo. Dernière mise à jour : 2 novembre 2016. http://www.sudinfo.be/1708984/article/2016-11-02/le-manque-de-materiel-est-le-principal-obstacle-a-l-utilisation-de-la-technologi.
"Les Enseignants Veulent Utiliser La Technologie, Mais Se Heurtent à Des Limites." Samsung. Dernière mise à jour : 2 novembre 2016. http://www.samsung.com/be_fr/pagepresse/les-enseignants-veulent-utiliser-la-technologie-mais-se-heurtent-a-des-limites.
Voir plus d'articles de cet auteur