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Publié le 09 octobre 2017 Mis à jour le 09 octobre 2017

Se lancer dans un apprentissage numérique

L'apprenance au coeur du début d'un apprentissage

Apprendre est consubstantiel à la vie. Chaque mouvement, chaque interaction avec notre milieu nous enseigne. Notre cerveau est particulièrement poreux à toutes les perceptions, sensations, informations dans lesquelles il baigne et qu'il génère.

Les biologistes nous enseignent comment le jeu des stimulis et réactions de notre cerveau et de l'environnement modifie nos câblages neuronaux et produit des schémas de reproduction des expériences vécues, des habitudes, des réflexes. C'est certainement pourquoi l'expression imagée "se jeter à l'eau" est tellement proche du réel.

Se lancer dans un apprentissage fait référence à l'apprentissage formel, conscient, en vue d'obtenir un résultat, un effet sur ce qui nous entoure.  Cet acte conscient est d'abord un acte de motivation une volonté d'explorer quelque chose que l'on ignore et qui nous attire. C'est donc une démarche volontaire, tendue vers un objectif, rien à voir avec l'apprentissage presque à son insu de sa langue paternelle ou maternelle qui participe plus d'apprentissage informel et largement inconscient.

L'idée ici est celle d'une volonté d'apprendre. Ce que le spécialiste des sciences de l’éducation Philippe Carré nomme l'apprenance, cette disposition à apprendre qui combine savoir, vouloir et pouvoir apprendre.

Déclinons l'apprenance avec les conditions numériques :

  • Savoir apprendre

    Apprendre est inné selon l'idée que chaque friction avec ce qui nous entoure induit des réactions en retour et stimule l'un des plus grands pouvoir de l'être humain : l'imagination.

    Certains affirment que l'on pourrait "apprendre à apprendre", ils imaginaient hier des solutions de remédiation cognitive, ils luttent aujourd'hui contre l'illectronisme, ou l'illiteracie numérique. Ils inventent des méthodes et des mises en situation qui aient des qualités d'affordance, c'est à dire dont les fonctionnalités sont particulièrement expressives.

    C'est l'exemple de la balançoire qui induit lorsqu'on la voit l'envie de se balancer. Si comme dans l'expérience de Sugata Mitra "the hole in the wall", la part innée de l'apprendre à apprendre se révèle, la plupart du temps ceux qui cherchent à faciliter  les apprentissages (les pédagogues) produisent des aides, des outils et des consignes qui s'avèrent parfois plus difficiles à comprendre que la tâche à maîtriser elle-même.

    Les concepteurs cherchent aujourd'hui à repenser leurs pratiques en imaginant une maîtrise d'usage, c'est à dire en tenant compte de l'avis de l'apprenant dans la situation d'apprentissage qu'il va être amener à vivre. D'aucuns parlent de remplacer des dispositifs d'apprentissage par la mise en place d'environnement capacitant.  

    Dans l'idée de se lancer dans des apprentissages numériques, il est ici possible d'évoquer les environnements personnels d'apprentissage. Le besoin d'un apprenant (mais seul lui sera en mesure de l'exprimer avec un point de vue singulier) sera peut-être de savoir s'il sait, s'il s'est bien organisé, s'il dispose des bonnes informations, s'il sait même bien utiliser les ressources qu'il connaît et sera aussi en mesure d'accéder aux ressources qu'il ne connaît pas.

    Apprendre est un métier disait Trocmé-Fabre que nous avons tendance à habiter avec nos habitudes scolaires. Les apprenants sont moins des cibles ou des objets à compléter que des sujets qui cherchent à se mettre en mouvement par eux-mêmes.

    Préconisations opérationnelles :


    - Associer les apprenants à la création même des contenus, séquences, objectifs qui les concernent, intégrer des activités où les apprenants sont actifs sur l’orientation de ces activités;

    - Intégrer des temps  où les apprenants construisent eux-mêmes leur cadre d’apprentissage, fabriquent leur espace en ligne, explorent leurs habitudes numériques;
     

  • Vouloir apprendre

    Le vouloir apprendre participe de l'apprenance. C'est la combinaison de la motivation (je dispose d'un motif valable pour apprendre), de la volition (je suis capable de me fixer un chemin et des objectifs intermédiaires pour satisfaire ma motivation, je peux m'auto diriger) et la persistance (ma motivation s'inscrit dans la durée et résiste à des aléas personnels ou professionnels).

    Dans un contexte d'apprentissage numérique, par exemple dans une formation à distance, il est aisé de s'inscrire à un MOOC, de se lancer dans l'apprentissage, mais ce lancement sera un court sprint si le vouloir apprendre tarde à s'étayer sur autre chose qu'un motif vite rattrapé par ses contraintes ou ses limites.

    Les aides en ligne, les bots d'apprentissage, les tuteurs virtuels, les groupes d apprenants, l'appui d'un tuteur ou de ressources aideront à consolider les trois dimensions de la motivation, de la volition et de la persévérance.

    Préconisations opérationnelles

    -Intégrer dans les dispositifs des temps réflexifs, des outils ou des aides en ligne qui aident à faire le point sur où l’apprenant se situe dans son chemin pour apprendre, disposer d’infographie de carte d’apprentissage pour se repérer et se situer;

    - Organiser des relances par mail, par vidéo-mails, des webconférences à des moments clés de dispositifs pour soutenir l’envie d’apprendre;

    - Organiser une progression pédagogique en donnant des jalons et des étapes à franchir avec des livrables à produire. Chaque étape fera croître le sentiment d’efficacité personnelle et donnera envie d’aller plus loin. Préférer de nombreuses étapes faciles qui permettent d’engranger de la confiance que quelques gros jalons.
     

  • Pouvoir apprendre

    Élément important du triptyque, disposer de temps pour son apprentissage, de matériel, d'une connexion, de logiciel, du soutien de son environnement personnel ou professionnel, de ressources humaines ou de tutoriels pour maîtriser l'ergonomie d'une plateforme sont autant de facteurs qui vont faciliter le passage à l'acte.

    Parfois, les outils numériques sont tellement attrayant qu'ils soutiennent ce pouvoir apprendre, parfois au contraire, leur ergonomie est si faible qu'ils rebutent et bloquent toute possibilité d'apprendre.

    Cela se passe comme si chaque étape devait se faire en traduisant dans une langue étrangère. Pour peu que le débit de connexion, les accès soient médiocres ou complexes, que les contenus soient présentés de façon peu progressive ou sans ordre apparent et l'apprenant à vite fait de se détourner de la solution proposée. Il perd le sens. Il est place en impuissance et intègre même l'idée qu'il n'aurait jamais dû se lancer.

    Préconisations opérationnelles :


    - Mettre à disposition des check-lists pour vérifier que le matériel et l’environnement physique sont adaptés que son organisation personnelle est adaptée à l’effort demandé;

    - Offrir un tutoriel de navigation dans la plateforme pour faciliter l’appropriation de son ergonomie;

    - Mettre à disposition un support humain qui réponde de façon appropriée (ce point est très important) et très réactive;

    - Aider à la création d’environnements et de culture soutenante de l’apprentissage autodirigée en situation de travail : management, tutorat technique et de contenu en situation de travail.
     

Se lancer dans un apprentissage est une aventure du désir, de la nécessité ou de la contrainte qui passe par un savoir, un vouloir et un pouvoir apprendre.

Dans le même temps, les possibilités numériques nous rendent d'immenses services, d'accès à des données, de mise en contact avec des pairs et des enseignants, mais engagent aussi de nouvelles limites celles des plateformes et de leur ergonomie, celles d'une multiplicité   D'informations dans lesquelles on finit par se perdre, ou de logiciel qu'il faut maîtriser avant de pouvoir accéder et interagir avec un contenu.

Pour ceux dont le métier est aujourd'hui d'enseigner ou de professer, il est temps de se reposer des questions sur le pourquoi des apprenants vont jusqu'au bout d'un dispositif et d'autres non, car si l'on mesurait mal les effectifs élèves endormis au fond de la classe ou les sautes d'attention, il n'en va plus de même aujourd'hui avec les traces qui sont laissées sur les LMS ou les plateformes de MOOC et qui révèlent des taux d'abandon élevé.

Pour que ces dispositifs soient des plateformes d'envol, il faudra répondre à la question de la motivation et des conditions de son développement. Pourquoi ne pas ajouter dans les objectifs d'un dispositif des objectifs ayant trait au pouvoir, savoir et vouloir apprendre?

Sources

L’apprenance - Storify Denus Cristol
https://storify.com/cristol/l-apprenance?awesm=sfy.co_p3lR

Philippe Carré – Wikipédia - https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Carr%C3%A9_(professeur)

Conférence Ted X - The hole in the wall – Sugata Mitra
https://www.ted.com/talks/sugata_mitra_shows_how_kids_teach_themselves?language=fr

Trocmé-Fabre – Revue Française de pédagogie - J'apprends, donc je suis. Introduction à la neuropédagogie   
http://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_1989_num_86_1_2451_t1_0117_0000_2


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