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Publié le 25 septembre 2017 Mis à jour le 25 septembre 2017

Le procès de la classe inversée : retour sur une performance pédagogique. Interview d'Heloise Dufour présidente d'Inversons La Classe

Le théâtre comme ciment du débat et du développement professionnel.

Des anaphores pour s’ouvrir à l’altérité. Échange, partage, discussion, au travers de cet entretien Héloïse Dufour, présidente du collectif Inversons la classe, qappelle à construire ensemble un projet pour l'École. Dans un monde complexe, loin d’être des militants d’une méthode pédagogique magique, l’association souhaite faciliter le développement professionnel des enseignants et la réussite des élèves. Détracteur ou supporter, à vous de vous faire votre opinion.

Inversons la classe, c’est qui ou plutôt c’est quoi ?

Héloïse Dufour : Inversons La classe est un collectif qui rassemble des enseignants mais aussi des passionnés d’éducation. Fin 2016, pour vous donner des chiffres, nous étions un demi millier d’adhérents ! Inversons La Classe organise des espaces d’échange pour impulser, accompagner et nourrir la réflexivité enseignante.

C’est un outil au service de la communauté éducative ?

HD :Inversons la classe a trois axes d’action. Le premier est d’informer sur la classe inversée et d’expliciter la démarche pédagogique qu’elle sous-tend.

Le second est d’encourager une forme différente de socialisation professionnelle.

Notre collectif organise des espaces d’échanges et de rencontres afin de favoriser la discussion entre les acteurs du monde de l'Éducation. Il est important que les membres de la communauté éducative parlent entre eux pour s’enrichir des expériences de chacun et découvrir d’autres pratiques au travers d’actions comme le CLIC ou la CLISE.

Enfin, il y a l’aide à l’outillage des enseignants avec des interventions ciblées. Notre gros projet est le développement de la plateforme de partage CLIP. C’est un espace de dépôt et de mutualisation des ressources des enseignants à destination des élèves. L’idée est une nouvelle fois de favoriser l’échange de pratiques pédagogiques.

Qu’est-ce qui fait que cette animation pédagogique répond aux besoins des élèves ?

HD : Je pense qu’il faut répondre à deux niveaux en commençant par la classe inversée pour finir avec Inversons la classe.

Il n’y a pas une mais des classes inversées. On est loin d’un protocole, grâce à une variété et une multiplicité de pratiques. C’est une boîte à outils pour répondre aux services de la réussite des élèves . Dans la classe, il s’agit de mettre en place des activités qui permettent de résoudre les difficultés des élèves, de favoriser la collaboration et la différenciation pédagogique. Tous les élèves n’ont pas les mêmes besoins aux mêmes moments.

Pour résumer, les tâches cognitives les plus complexes en classe et celles qui sont plus simples en autonomie.

Pour répondre aux besoins des élèves, il faut répondre aux besoins des enseignants. Dans une structure en évolution, qui peut apparaître parfois comme verticale, Inversons la Classe organise des échanges horizontaux. Pour des enseignants qui peuvent parfois se sentir isolés, nous favorisons une démarche collaborative au service de la réussite des élèves.

Finalement, Inversons la classe est un outil de développement professionnel ?

HD : Tout à fait ! Nous souhaitons aider à faire évoluer le développement professionnel de l’enseignant. En adoptant une démarche de co-formation, nous aimerions aider le système éducatif à évoluer.

On est dans une vision globale, c’est l’enseignant et l’élève dans un même processus ? L’un et l’autre sont indissociables ?

HD : Bien sûr ! La classe inversée est un vecteur de changement des pratiques enseignantes dans lequel on a tendance à être dans le côte à côte plutôt que dans le face à face. Le collectif promeut la même démarche entre enseignants et acteurs du monde éducatif. Tout va ensemble.

Les réseaux sociaux sont animés de multiples controverses à propos des innovations pédagogiques comme la classe inversée. Certains pouvant aller jusqu’à vous comparer à des apprentis magiciens. Lors de l’Université d'Été #Ludovia14, votre association a organisé un procès de la classe inversée, était-ce une manière de répondre à vos détracteurs ou de convaincre des enseignants indécis sur le sujet ?

HD : La première chose est de s'intéresser au débat sur l’innovation pédagogique. Cela me paraît légitime et justifié que l’on questionne des pratiques qui peuvent apparaître nouvelles. C’est tout le débat autour du terme innovation. La classe inversée s’appuie sur des pratiques qui peuvent être très anciennes ; à partir de quand parle-t-on d’innovation ?

Effectivement, les inverseurs peuvent parfois être comparés à des apprentis magiciens. On le déplore évidemment. S’il y a un message que l’on essaye de porter, c’est que, en aucun cas, il n’existe une méthode pédagogique qui serait une baguette magique. Il n’y a pas de formule qui permet de répondre à tous les problèmes et qui donne toutes les solutions. C’est pour cela que l’on promeut les échanges et la réflexivité.

Je tiens à préciser que ce n’est pas l’association Inversons la Classe qui a organisé le procès. Le travail du collectif est de mettre en place des espaces où chacun peut s’exprimer.  Tout le monde est invité. Quand on organise le CLIC-X à Ludovia, il y a un appel à contributions. Toutes les personnes qui le souhaitent peuvent proposer des mini-conférences, des retours d’expérience, des ateliers ou des formes un peu différentes. Il y a eu, par exemple, un speed-dating pour que des enseignants puissent se rencontrer.

Dans le cas du procès de la classe inversée, c’est à l’initiative de Soledad Garnier. Il s’agissait de répondre aux critiques récurrentes que l’on peut entendre sur la classe inversée. Pour ceux qui la connaissent encore mal, cette méthode pédagogique est identifiée à un protocole. Le procès était l’occasion de donner matière à débattre et échanger. Il y a eu une tentative de répondre à des critiques qui sont adressées à la classe inversée.

N'y avait-t-il pas une forme de provocation ?

HD : Est-ce que c’est la meilleure méthode ? Je ne pense pas qu’il y en ait une bonne. C’est un travail de longue haleine et de dialogue. Je pense qu’il faut différentes formes d’échanges. C’est une manière originale pour engager le débat. Ce procès a permis de faire passer différents messages sur le sujet de la classe inversée. Ce n’est pas une baguette magique. Elle n’est pas plus inégalitaire que d’autres pratiques. Elle peut permettre d’aider des élèves en difficulté.

On a pu observer des attaques blessantes et parfois insultantes sur nos réseaux sociaux favoris. En faisant preuve d’humour et de créativité, était-ce une forme de posture pour instaurer un dialogue respectueux de chacun et une invitation à plus de sérénité au débat?

HD : Il y a eu, effectivement, des attaques blessantes et insultantes. On ne peut que le déplorer. Le plus important est de rester dans l’échange. Un des objectifs du procès était de donner la parole à ceux qui sont en désaccord. Il se trouve que c’est assez compliqué à mettre en place. On essaye d’inviter régulièrement nos détracteurs mais c’est compliqué de les faire venir. Je comprends que cela les positionne dans une situation délicate. Pourtant, le dialogue est la seule méthode pour faire avancer le débat sur l’innovation pédagogique.

La classe inversée a pu apparaître comme un mantra pédagogique, n’avez-vous pas peur, avec tous ces débats et controverses, d’une certaine fatigue chez les enseignants et chez les élèves ?

HD : Encore un fois, il est important de dire qu’il n’y a pas de baguette magique dans l’enseignement. Il n’y a pas de mantras ou de dogme à suivre. Je pense qu’il est crucial de le dire et de le redire. C’est un message que l’on porte mais que l’on a du mal à faire entendre.

Nous nous sommes spécialisés sur la classe inversée, mais le message n’est pas de promouvoir son utilisation généralisée. C’est un outil à la disposition de ceux qui en ressentent le besoin. A ce moment-là, notre rôle est de les aider, en gardant à l’esprit l'intérêt des élèves. Il faut garder en tête la diversité des pratiques. Une de nos recommandations auprès de l’éducation nationale est de ne pas rentrer dans une logique de promotion. Ce serait contre productif.

Je comprends tout à fait qu’entendre qu’on sorte le nouveau mantra pédagogique, ce soit lassant. Je pense que l’on travaille contre cela. Nous faisons en sorte qu’il y ait des débats, des réflexions sur comment, en tant qu’enseignant, on peut faire évoluer sa pratique. La preuve est, que lors de nos évènements, on travaille sur des sujets concrets et fondamentaux. Comment faire travailler les élèves en groupe ? Comment on modifie l’évaluation du travail des élèves ? Comment on accompagne au mieux les élèves et comment on différencie ? Il me semble que c’est le coeur de la pédagogie. Je ne crois pas que ces questionnements-là puissent être lassants.

Finalement, au delà de la vision caricaturale,  le rôle d’Inversons la classe dépasse largement le cadre de la classe inversée pour celui de créer du lien. N’êtes-vous pas dans une vision globale, à l’image de vos adhérents qui peuvent être dans plusieurs collectifs ?

HD : On peut parfois nous caricaturer comme des militants de la classe inversée alors que c’est une démarche plus large que cela. C’est le cas des autres collectifs enseignants aussi. Nous réfléchissons à faire avancer les modes de développement, la socialisation professionnelle de l’enseignant comme les mécanismes de co-formation. Ils peuvent être encore sous-utilisés aujourd’hui. C’est une démarche de soutien, de support et d’aiguillon dans laquelle sont engagés également les autres collectifs.

Quand on a commencé la semaine de la classe inversée, nous avons proposé des modèles de contributions ouvertes pour ceux qui souhaitaient échanger. Ce n’était pas un modèle courant dans toutes les académies. Aujourd’hui, le modèles se diffusent dans les plans de formation. On ne peut que s’en réjouir !

Dans la classe inversée comme dans beaucoup de collectifs, il y a une dimension d’empowerment des enseignants ?

HD : C’est tout à fait ça. Inversons la classe travaille à faire de l’empowerment des enseignants en les mettant en réseau entre eux et également en organisant cette mise en réseau. Cela ne se fait pas naturellement, il y a une question de mise en capacité, de réflexivité sur sa posture enseignante, de réflexion sur ses pratiques pédagogiques au service de la réussite des élèves.

Le Thot Cursus est un journal francophone, si j’ai envie de contacter Inversons la classe, que j’enseigne dans la francophonie et même au-delà, comment je fais pour vous contacter ?

HD : Nous sommes une association francophone car nous avons des correspondants dans une dizaine de pays. Il y a plusieurs modalité d’investissement. En vous rendant sur le site, vous pourrez adhérer et même, si vous le souhaitez, devenir coordinateur de la région où vous résidez si nous n’y sommes pas encore présent.

Vous pouvez rejoindre les collectifs qui existent déjà comme ceux de Belgique, du Maroc, aux Etats-Unis, au Canada ou le très actif du Liban (Un CLIC-X va y être organisé). Vous pouvez vous inscrire à l’infolettre, à la plateforme CLIP ou participer au tweetchat tous les quinze jours.

Pour finir cet entretien, je crois que la dimension du rêve est très importante en matière d’enseignement. Comment imaginez-vous l’école de demain ?

HD : Je pense que j’ai un peu le même rêve que chacun. C’est une école où chaque élève est accompagné selon ses besoins. Une École bienveillante où l’on aide les élèves à progresser à partir d’où ils sont et à aller plus loin. Je crois qu’il est important d’avoir une école qui donne les outils pour être des citoyens éclairés capable de prendre des décisions en faisant fonctionner leur esprit critique.  

Référence :

Inversons la classe, le site du collectif
http://www.laclasseinversee.com/


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