« Je ne suis ni Athénien, ni Grec, mais un citoyen du monde ». Bien avant l’heure de la mondialisation et de l’ouverture des frontières de notre monde contemporain, Socrate, ce grand philosophe grec du Ve s. av. J-C. semblait déjà avoir compris l’importance d’exister dans une société libre et ouverte, sans barrière ni frontière géographique, culturelle ou linguistique.
Mais qu’est-ce qu’un citoyen ? C’est une personne qui vit dans un État, considérée du point de vue de ses droits et de ses devoirs civils et politiques. Un citoyen, c’est aussi quelqu’un qui a le droit et le devoir de s’exprimer, de partager ses opinions et de dire ce qu’il pense de sa société.
Mais comment adapter le concept de citoyenneté à celui des langues ? C’est justement le défi relevé par un projet éducatif et linguistique intitulé « débats citoyens en langue étrangère ».
Le projet « débats citoyens en langue étrangère »
Créé en 2009 par l’Académie d’Amiens (France), ce concours annuel mobilise une trentaine d’équipes d’élèves de 3e de l’académie et a pour objectif de favoriser l’échange d’idées, sur des thèmes culturels et sociologiques, dans un esprit de respect mutuel et de convivialité, tout cela, en langue étrangère.
En effet, outre la possibilité d’affiner les compétences des étudiants en argumentation, ce projet leur offre surtout l’occasion de mettre à l’épreuve leurs compétences en langues puisque cela se fait entièrement en anglais, allemand, espagnol ou italien.
Depuis sa création, d’autres académies se sont intéressées à ce projet et ont, à leur tour, instauré ce concours chaque année, comme à Créteil, Montpellier, Caen, Dijon, Orléans, Poitiers, en Martinique… Il est donc maintenant facile de pouvoir y participer à l’échelle nationale. De même, d’autres langues se sont ajoutées et on peut maintenant également y entendre du portugais, du russe ou de l’arabe.
Comment ça marche ?
Le principe est simple : un sujet de société, présenté comme une affirmation ou une interrogation, est sélectionné et deux équipes de quatre élèves doivent en discuter, sous la forme d’un « affrontement » : l’une est pour, l’autre est contre. Le choix de leur position reste cependant aléatoire vu que celui-ci dépend d’un tirage au sort.
Chaque débat dure une vingtaine de minutes environ, décomposé ainsi :
- 5mn : présentation du point de vue défendu par chaque équipe;
- 10mn : échange libre entre les équipes;
- 2mn : préparation de la conclusion dans chaque équipe;
- 3mn : présentation de la conclusion.
Enfin, le jury en présence délibère et remet ses résultats, récompensant alors l’équipe qui a le mieux défendu ses arguments et qui a su se montrer la plus convaincante.
Comment évaluer le débat ?
Chaque groupe est évalué sur 5 critères :
- l’argumentation,
- la qualité de la communication,
- la courtoisie et la qualité d’écoute,
- l’introduction et
- la conclusion.
Les élèves sont donc évalués sur la variété et la richesse de leur argumentation, mais aussi sur leur aptitude à rebondir sur l’argumentation adverse et à l’exploiter. De même, la conviction et la compétence linguistique, ainsi que l’aptitude à poser la problématique, à reformuler et faire la synthèse entrent également en ligne de compte pour la note finale, donnée par le jury.
Il s’agit donc à la fois de noter les prestations linguistiques, mais aussi argumentatives et comportementales de chaque équipe : est-ce un vrai débat citoyen polyglotte ?
Pourquoi c’est utile ?
En se sachant confrontés à ce défi, les élèves savent qu’ils devront mettre à l’épreuve à la fois leurs compétences argumentatives, mais aussi linguistiques, communicatives et culturelles. L’enjeu est de taille !
Plusieurs critères rentrent en ligne de compte et la préparation aux débats devra être bien faite si ceux-ci peuvent espérer remporter la bataille. Lors de cette préparation, les étudiants devront donc peaufiner leur vocabulaire, les expressions courantes, la prononciation, l’argumentation… tout cela dans une autre langue que la leur. C’est en même temps un excellent exercice de simulation du baccalauréat, ce qui leur sera donc utile pour l’épreuve orale à ce moment-là.
Outre les évidences compétences scolaires acquises, l’élève apprendra également à développer son sens critique et ses aptitudes communicatives, à savoir l’écoute, la tolérance, la patience, le dialogue, la discussion et l’acceptation d’opinions différentes. Enfin, il devra apprendre à aiguiser son esprit de façon à pouvoir faire la part des choses et trancher, finalement, la fin du débat. Certes, la finalité linguistique est là, mais elle vise avant tout l’idée de citoyenneté et de partage des opinions.
Finalement
Les débats citoyens en langue étrangère ont rapidement fait des émules dans les différentes académies françaises du point de vue de leur originalité : leurs objectifs est à la fois linguistique, mais aussi civique : faire de l’apprenant d’aujourd’hui le citoyen de demain, et surtout l’intégrer à la société mondiale.
Tout comme Socrate, le jeune d’aujourd’hui ne peut plus se prétendre seulement Français, Canadien, Indien, Iranien, Australien, Brésilien ou Russe, non, il doit viser à devenir citoyen du monde !
Illustrations :
Finale du débat en anglais à Rouen,
L’équipe allemande du Lycée Flaubert de Rouen,
Débat citoyen, montage personnel
Sources
Le site de l'Académie d'Amiens
http://langues-vivantes.ac-amiens.fr/376-debats-citoyens-en-langue-etrangere-8eme-edition.html
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