Au regard de ce qu’est une compétence, on peut s’interroger sur la validité des programmes qui ont mis de l’avant des formes d’enseignement qui prétendent développer des compétences.
L’acquisitions des connaissances, qu’elle soit conduite ou non sous la gouverne du socioconstructivisme, est loin de répondre aux critères de compétence. Développer un savoir-faire, c’est-à-dire un agir compétent, ne semble s’appliquer qu’à des actions posées dans différents contextes et dans des situations professionnelles.
L’alternance entre la réflexion sur l’agir et l’agir lui-même pose le défi de pouvoir analyser la pratique et de réinvestir le fruit de l’analyse dans une pratique ultérieure. Tout ce processus demande qu’on jette un regard lucide sur les méthodes de formation professionnelle et sur le processus de socialisation qu’elles impliquent.
Compétence et professionnalisation
Le savoir-faire des professionnels, leurs habiletés, leurs capacités d’induction et de déduction sont ce qu’on pourrait appeler leurs compétences. Celles-ci sont reconnues et sanctionnées par leurs pairs et se fondent sur un référentiel élaboré en fonction de l’évaluation. Leur agir compétent est issue d’une formation échelonnée sur plusieurs années et produite sur la base d’une alternance entre l’analyse réflexive de la pratique et la pratique elle-même.
On ne peut donc pas espérer développer une compétence par des exposés théoriques et par des travaux scolaires, là où seuls des critères particuliers sont mesurables. Or la compétence ne se développe qu’en situation réelle de travail, et dans un contexte où l’acteur (aussi le novice, le débutant) exerce ses habiletés dans la production d’un résultat plus ou moins affecté par l’évaluation.
Insertion professionnelle et réflexivité
La plupart des professions, sinon toutes, fondent maintenant leur formation sur un processus d’insertion professionnelle. Au cours des périodes de stages, avant leur entrée officielle dans la profession, les étudiants sont accueillis dans leur futur milieu d’exercice.
Dès cet instant s’enclenche un processus d’observation et de réflexion devant conduire l’étudiant à poser des gestes directement liés aux des tâches professionnelles. Le graphique suivant illustre un processus de prise de conscience des enjeux de la pratique professionnelle :
Il s’agit pour l’étudiant en insertion, tout autant que pour le professionnel d’expérience, d’un processus réflexif où l’action devient une source d’apprentissage.
L’ensemble des actes posés en lien avec sa profession, qu’ils soient réfléchis ou non, constitue une matière que le futur professionnel « internalise » comme un tissu duquel il peut abstraire du sens. Ainsi se construit la dynamique reliant action, sens et conscience. Un espace indistinct se crée où l’acteur posera légitimement des gestes sanctionnés par sa profession (externalisation), gestes dont il devra rendre compte devant ses pairs.
Mais où se trouve la compétence dans cette dynamique ? Elle se trouve dans la qualité des gestes posés issue non seulement des prises de conscience mais aussi de la sanction du milieu. Le parcours de formation est donc un parcours accompagné.
Un parcours accompagné
Au-delà de la formation initiale constituée par des cours théoriques qui livrent à l’étudiant un bagage de connaissances essentiels, ce sont les stages en milieu professionnel qui offriront à l’étudiant l’opportunité de développer des compétences. Les stages sont reconnus par le milieu professionnel qui accueille et conseille, sont supervisés la plupart du temps par des universitaires, et permettent la pratique aux débutants en les accompagnant plus étroitement, souvent par médiatisation numérique.
Une part importante de l’activité en stage est accordée à la réflexivité, donc à l’analyse des pratiques vécues afin de dégager la nature exacte des enjeux de l’action professionnelle. C’est sur cette base que se développe le savoir-agir, sur une période de temps plus ou moins longue pendant laquelle le professionnel fera un aller-retour entre sa pratique et sa réflexion.
Les profils de compétences essentielles
Cet article s’est intéressé à la réflexivité chez les professionnels ou futurs professionnels comme compétence essentielle à la pratique. Au sens plus large de compétence, et en ce qui concerne l’ensemble des métiers et professions, le gouvernement canadien publie des profils de compétences essentielles; plus de 350 profils y sont décrits en fonction des carrières choisies.
Ce site est riche de renseignements pour qui désire non seulement orienter une carrière mais aussi amorcer une formation appropriée. Les niveaux de complexité des tâches y sont décrits afin de bien distinguer les différences appréciables entre les professions (ou les métiers).
À consulter
Les outils en ligne pour accélérer le passage de la formation vers l'accompagnement - Denis Cristol - Thot Cursus
http://cursus.edu/dossiers-articles/articles/27715/les-outils-ligne-pour-accelerer-passage
Explorer des carrières par compétences professionnelles - Guichet Emploi - Canada
https://www.guichetemplois.gc.ca/ce_tous-fra.do?lang=fra
Références
Gérald B. L'approche par compétences en éducation : un amalgame paradigmatique. Connexions 2004/1 (no81), p. 25-41.
http://www.cairn.info/revue-connexions-2004-1-page-25.htm
Nonaka I., Takeuchi H. 1997. La connaissance créatrice – La dynamique de l’entreprise apprenante, Bruxelles : De Boek.
Wittorski, R. 2007. De la fabrication des compétences. Tiré de : http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/17/26/96/PDF/art-edpte-135.pdf
Wittorski, T. 2008. Professionnaliser la formation : Enjeux, modalités, difficultés. Formation emploi : Revue française de sciences sociales, no.101.
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