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Publié le 24 avril 2017 Mis à jour le 24 avril 2017

Universités populaires - quelle motivation ?

Des valeurs, des principes pédagogiques et des motivations qui diffèrent !

Les universités populaires ont une origine lointaine. Le pédagogue danois Grundtvig en développe le principe dès les années 1830 : un apprentissage vivant, par le groupe, basé sur l'expérience et qui mélange les générations.

Selon les périodes et les universités, les principes vont changer. Nous vous proposons de découvrir trois époques qui ont marqué leur histoire. Pour chacune, les principes pédagogiques, les publics et les valeurs portées diffèrent de manière importante.

 Les universités populaires de la fin XIXe - le progrès social

En France, au XIXe siècle, des intellectuels comme Jean Macé ou Fernand Buisson militent pour une éducation populaire. Georges Deherme crée en 1899 la "Coopération des Idées". C'est un ouvrier typographe convaincu que l'éducation du peuple est une condition pour sortir de la "bestialité, de l'inconscience et de l'ignorance" des foules.

L'objectif de Deherme est en effet de créer une élite ouvrière, qui sera capable de guider la "masse moutonnière". Les propos sont durs, mais la pédagogie assez innovante. Ainsi le terme "coopération" renvoie au fait que la formation ne se fait pas dans un seul sens. L'ouvrier reçoit une méthode et des connaissances, mais l'intervenant se nourrit aussi des témoignages concrets des participants.

Les motivations des promoteurs sont alors claires : l'éducation vise l'émancipation du monde ouvrier. La culture et la connaissance peuvent amener le progrès social. Mais les attentes des ouvriers ne coïncident pas toujours. Ils veulent des formations plus pratiques. L'histoire de la musique et de la littérature leur semble une culture pour oisifs. Et bientôt, les programmes se complètent de cours d'électricité, de couture, de cuisine ou de puériculture.

Par ailleurs, les universités populaires proposent souvent des successions de conférences, parfois éloignées de l'idéal d'échange qu'avait souhaité Georges Deherme.

En 1901, on trouve plus de 100 universités populaires en France, mais  il n'en reste plus qu'une vingtaine après la Première Guerre mondiale.

le projet de Georges Deherme

L'expérience ATD Quart-Monde  : Respect, reconnaissance, participation et plaisir d'apprendre

Les motivations ont changé depuis la toute fin du XIXe siècle. Une très grande partie de la population a bénéficié du socle de l'école obligatoire. Les médias puis internet ont fait leur apparition, et sont souvent le premier mode d'accès à la culture et aux savoirs. Les ouvriers et les intellectuels qui portaient un idéal de progrès social ont laissé la place à une population qui se situe davantage dans une démarche personnelle.

Les universités populaires, parfois baptisées "forums des savoirs" ou "universités du temps libre" attirent une population très hétérogène même si la catégorie des retraités est plus représentée. ATD Quart-Monde s'intéresse pour sa part aux populations en situation d'exclusion.

La démarche d'ATD Quart Monde présente un parti-pris pédagogique innovant. Beaucoup d'universités populaires reproduisent le schéma universitaire classique de la "transmission d'un savoir". Au contraire, ATD Quart-Monde propose des lieux de construction de savoir.

Les participants sont aussi producteurs de connaissances par leur vécu concret, et ils entrent en discussion avec les intervenants. "Savoirs des sciences, savoirs et pratiques de l’action et de l’expérience de vie, aucun savoir ne se suffit à lui-même" lit-on dans la présentation du livre Le croisement des savoirs et des pratiques publié par l'association en 2008.

Miguel Benasayag qui a créé des universités populaires dans plusieurs pays insiste sur le fait que l'université populaire ne saurait se limiter à un cycle de conférences ou à une discussion de café où on estimerait que tous les savoirs se valent.

La reconnaissance et le respect manifestés aux participants sont sans doute un facteur de motivation essentiel, pour des personnes qui sont socialement dévalorisées. C'est ce qu'indique un militant dans la revue de l'association :

"À l’Université populaire Quart Monde, on ose prendre la parole. Au début ce n’est  pas facile, mais quand vous parlez, cela encourage d’autres dans leur combat. Vous savez que ce que vous avez à dire est important, alors vous ne pouvez pas  vous taire. Vous vous lancez. Dire la violence de la misère, c’est le début du changement. L’Université populaire est un endroit où on est écouté".

ATD Quart-Monde a gardé le mot "université", mais l'association vise à en faire un espace vivant et joyeux, où les personnes trouvent du plaisir à venir. Tout y est fait pour éviter le sentiment d'exclusion. Ainsi, les textes présentés sont lus à haute voix pour ne pas laisser de côté les personnes mal voyantes ou celles qui ne savent pas lire.

Universités populaire -ATD

Le développement personnel

Certaines universités populaires développent une autre approche. Le contenu enseigné est exigeant, et proche de celui dont bénéficieraient des étudiants. La population accueillie est hétérogène, même si les retraités sont plus représentés.

Les photos de l'université populaire de Caen affichent une estrade, un professeur qui arrive avec plus d'une dizaine de livres, et une salle attentive. Les podcasts des interventions de Michel Onfray sur la contre-histoire de la philosophie montrent que les "étudiants" restent silencieux. C'est le talent de l'orateur, sa capacité à interrompre sa lecture pour établir une complicité avec son public qui assurent le succès de l'ensemble.

Les motivations sont donc différentes. L'émancipation sociale n'a plus la même importance qu'à la fin du XIXe siècle. Le public n'a pas le même besoin de reconnaissance et de participation. En revanche, c'est le plaisir d'apprendre qui est essentiel, et que l'on retrouve chez certains auditeurs libres dans les universités.

Le lien social est un autre ressort de motivation. Michel Onfray parle d'une communauté des savoirs qui englobe une communauté des enseignants, une communauté entre participants et une communauté participants-enseignants. On rejoint ici le projet de Georges Deherme. Concrètement, cela signifie que les participants se retrouvent avant ou après les cours, échangent entre eux, se partagent leurs notes ou font du covoiturage...

Des motivations multiples s'ajoutent à cela. Le fait que Michel Onfray passe à la télévision et écrive des livres n'est pas étranger à son succès. Certaines personnes sont sans doute nostalgiques de leur période universitaire, ou ont le regret de ne pas avoir fait d'études et profitent ainsi de l'opportunité de compléter un vide. L'université populaire apporte le sentiment de comprendre et de suivre des cours d'un haut niveau.  Michel Onfray joue sur ce point en adoptant un ton complice avec son public pour se moquer de tel ou tel auteur incompréhensible ou de ceux qui arborent avec fierté leur agrégation. Vous ne comprenez pas Heidegger, Lacan ou Debord ? Pas de problème. La plupart des philosophes professionnels non plus.

Cette complicité avec l'animateur est source de motivation, c'est aussi la limite de ce modèle. Du haut de sa chaire, face à un public conquis, l'intervenant distribue des bons points aux philosophes qui ont marqué l'histoire, et à nos contemporains. D'autant que l'Université se prolonge d'un site où l'on peut visionner des vidéos du même intervenant.

université populaire - Caen

 Illustrations : Frédéric Duriez

Ressources

Feuille de route - journal d'ATD Quart-Monde - avril 2013
https://www.atd-quartmonde.fr/wp-content/uploads/2013/04/FDR427.pdf

Laurent DARTIGUES "L'Université populaire - retour sur une histoire à écrire" mis en ligne le 17 juin 2013 et consulté le 23 avril 2017
https://flanerie.hypotheses.org/333

Commune de Givors - http://www.givors.fr/Universite-Populaire consulté le 23 avril 2017

Sur YouTube :


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