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Publié le 04 avril 2017 Mis à jour le 04 avril 2017

Les mathématiques, une langue vivante comme les autres ?

Peut-on parler d'une langue mathématique ?

« En mathématiques, plus par plus font plus, alors que le mot oui multiplié par deux équivaut toujours à une négation. »

L’écrivaine Amélie Nothomb (romancière belge d’expression française, née en 1966) résume bien en cette phrase la logique des mathématiques dans son rapport à la langue.

Comment peut-on parler des sciences ? En quelle langue ?

Les mathématiques, elles-mêmes, ne sont-elles pas également une forme de langage universel ?

La langue des sciences         

Revenons plusieurs siècles en arrière, vers le VIIe siècle av. J-C., au moment où les grandes cultures antiques s’ouvraient aux connaissances et où les sciences se développaient. La science « s’exprimait » alors en langue grecque et était intimement liée à la philosophie. Elle réunissait bon nombre de disciplines comme les mathématiques, la chimie, la physique, la biologie, la mécanique, l’optique, la pharmacie, l’astronomie, l’économie, l’archéologie, la sociologie…

Étymologiquement, le mot « science » vient d’ailleurs du latin « scientia », qui signifie « connaissance », lui-même issu du verbe « scire » (« savoir »), qui désigne à l'origine la faculté mentale propre à la connaissance.

Outre le latin, une langue très importante dans le monde des sciences, mais surtout des mathématiques est bien l’arabe. C’est grâce d’ailleurs à leurs traducteurs que l’on peut, dès le XIIIe siècle, redécouvrir les auteurs grecs anciens, traduits de l’arabe vers le latin.

Après la Renaissance et le début de la désuétude de la langue latine, les langues communes commencent à prendre le pas dans le domaine des sciences, sans pour autant les multiplier à l’infini : bien que les lettrés européens étaient tous, plus ou moins à cette époque, polyglottes, il ne s’agissait pas d’entraver la circulation des idées par le biais d’obstacles linguistiques.

Au XIXe siècle, la science parlait donc anglais, allemand, français et italien. Un siècle plus tard, l’allemand dominait la physique et la chimie (notamment avec les travaux d’Albert Einstein) alors que les mathématiques devenaient majoritairement francophones. Dans la moitié du XXe siècle, au cours des deux guerres mondiales, les principaux protagonistes (la France et l’Allemagne) ont vu leur suprématie dans ce domaine relayée au second plan, en faveur des États-Unis qui ont donc pu imposer la langue anglaise comme dominante en sciences aussi bien que dans la culture mondiale.

Le russe et le japonais, ainsi que le suédois ont eu quelques moments de gloire, mais ont été rapidement évincés, là aussi, en faveur de la langue internationale : l’anglais, qui subsiste, de nos jours encore, la première langue dans le domaine scientifique.

Les mathématiques, une langue vivante comme les autres ?

Que faut-il pour être une langue ? Avoir une grammaire et des symboles, mais aussi être en constante évolution dans ses concepts et ses règles. En ce sens, les mathématiques apparaissent bien comme une forme de langue. Il convient toutefois de nuancer ce propos.

Le terme « d’écriture » mathématique semblerait plus juste que celui de « langage » du fait que celle-ci est quasiment exclusivement de forme écrite (il n’y a pas de forme mathématique orale) : contrairement aux langues traditionnelles qui n’ont pas forcément besoin d’être retranscrites pour être comprises, parler suffit, les mathématiques doivent être sous forme scripturale et pas verbale. Essayez d’écouter quelqu’un faire sa démonstration mathématique jusqu’au bout et vous verrez que c’est bien plus simple à lire qu’à entendre !.

La « grammaire » des mathématiques est assez minimaliste : ici, pas de sujet (dans une démonstration, le « je » est hors-sujet), mais plutôt une objectivisation : on manipule des objets, des formes, des figures, des concepts, des formules où tout sentiment personnel est annihilé. Aucune émotion ni subjectivité ne subsiste et où le seul temps dominant est celui du présent, qui représente la vérité intemporelle : le passé et le futur sont inexistants.

Le lexique et le vocabulaire propre aux mathématiques est sans aucune ambiguïté. Si en français, par exemple – ou même dans n’importe quelle autre langue, on raffole des sens multiples à un mot, en langage mathématique, impossible d’être approximatif : précision et exactitude sont les maîtres-mots.

En effet, souvenez-vous des Exercices de style (1947) de l’écrivain français Raymond Queneau qui racontait, de 99 façons différentes exactement la même histoire… maintenant, essayez de raconter de plusieurs manières différentes le théorème de Pythagore… impossible ! Les mathématiques sont une science exacte, la logique est là, avec un vocabulaire spécifique et adapté de façon unique et exclusive.

Finalement

Tour à tour grecques, latines, arabes, allemandes, italiennes, françaises puis anglaises, les sciences, et plus particulièrement les mathématiques ont pu expérimenter bon nombre de langues pour exprimer ses cncepts au fil du temps.

Cependant, il ne faut pas perdre de vue que les mathématiques, par leur rigueur, logique, objectivité et insensibilité peuvent néanmoins prétendre difficilement au titre de langue vivante à part entière. Certes, elles présentent plusieurs critères qui pourraient les laisser s’y assimiler, mais leur manque de personnalisation sensitive et leur rigueur de la précision crée un vide émotionnel qui manque alors à la vivacité d’une langue, car après tout, n’est-ce pas l’ambiguïté et la diversité qui font d’une langue toute sa beauté, sa poésie et sa souplesse?

Illustrations : Be rationnal, get real, Simplicité, Carré de l’hypothénuse,

Sources

La science, Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Science

Les maths sont-elles un langage ? http://webinet.cafe-sciences.org/articles/les-maths-sont-elles-un-langage/

La langue de chez nous, http://images.math.cnrs.fr/La-langue-de-chez-nous.html

 


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