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Publié le 16 janvier 2017 Mis à jour le 16 janvier 2017

Les innovations de la pédagogie italienne au début du XXème siècle

Des principes qui valent encore cent ans plus tard !

Apprendre en faisant, par l'action, entre pairs, dans un cadre qui favorise la liberté, l'initiative et la bienveillance. Ce sont des grands principes que partagent la pédagogie de l'Attivismo et la pédagogie naturelle. Ces courants ont traversé l'Italie au début du XXème siècle grâce à des personnalités marquantes.

Les précurseurs

L'idée de l'apprentissage par l'action n'est pas nouvelle. Au XVIIIème siècle, Jean-Jacques Rousseau propose dans l'Émile une série de principes qui amorcent cette approche. Méfiant vis-à-vis des joutes intellectuelles de salon, passionné de botanique, Rousseau a exercé des métiers manuels et est aussi un autodidacte.

Ses difficultés dans la vie sociale et son propre parcours intellectuel influencent la vision de l'enseignement et de l'éducation qu'il défend. L'immersion dans la nature, l'activité manuelle, la découverte en autonomie sont des grands principes de son livre.

Néanmoins, c'est John Dewey que l'on retiendra davantage comme précurseur de l'attivismo. La formule "Learning by doing", "apprendre en faisant" qui lui est rattachée résume le principe. Il faut apprendre avec des activités réelles, plus que par des situations pédagogiques artificielles.

La différence avec Rousseau est importante : Dewey affirme que l'être humain est avant tout social. Il apprend mieux en groupe. Les pédagogues rattachés à l'Attivismo privilégieront aussi les activités en groupe.

 

Rousseau et Dewey

Il faudrait sans doute aussi citer Pestalozzi (1746-1827) qui affirme que la pédagogie passe par la tête, le coeur et les mains et tente de réaliser concrètement les principes de Rousseau.

Maria Montessori est sans conteste une des pédagogues les plus connues de l'Italie. Et les principes qu'elle propose sont proches de l'Attivismo. Les enfants manipulent, fabriquent, inventent et créent. Les enseignants limitent leur intervention, laissent un grand degré de liberté et le groupe a aussi un rôle. Concentrons-nous maintenant davantage sur des expérimentations moins connues, mais tout aussi passionnantes.

Giulia Civita Franceschi, "la Montessori del Mare"

Giulia Civita Franceschi recueille de jeunes garçons livrés à eux-mêmes et à la rue, qui semblent destinés à la violence ou à la déchéance, et qui n'ont aucun avenir. De 1913 à 1928, elle les forme sur un bateau, le navire-école Caracciolo à Naples.

Ce n'est pas un orphelinat flottant ou une préparation militaire. Le navire-école sera d'ailleurs fermé à l'arrivée de Mussolini. Il prône une pédagogie individualisée, bienveillante, où la liberté et l'initiative sont favorisées.

Giulia Civita Franceschi propose une pédagogie par l'action, par la coordination et la participation. La bienveillance, l'environnement affectif sont importants aussi. Un chien était la mascotte du bateau.

Des photos nous présentent les jeunes, orphelins et enfants abandonnés pour la plupart, lors de leur arrivée sur le bateau. D'autres nous les montrent lorsqu'ils sont complètement intégrés à bord. Ces photos, les courriers et articles de presse réunis lors d'une exposition récente illustrent les trois valeurs du bateau-école : dignité, citoyenneté, travail".

Giulia Civita Franceschi

Giulia Civita Franceschi se rattache aussi à la pédagogie naturelle. Elle consiste à retrouver la dynamique qui nous permet d'apprendre à marcher, à faire du vélo, à parler. Le regard bienveillant des adultes est un élément essentiel de cette pédagogie, comme le plaisir et le jeu.

À partir de la fin des années 20, la réforme Gentile et la montée du fascisme mettent fin à son expérience. Son regret aura été de ne rien avoir pu faire pour les filles.

Les soeurs Agazzi

Revenons sur terre avec Carolina et Rosa Agazzi. Rosa nait en 1866 et Carlina en 1870. Elles créent une école maternelle à Monpiano, près de Brescia, dans le nord de l'Italie. Leur pédagogie s'appuie sur la spontanéité, l'activité, la liberté, et la présentation des contenus à travers des activités ludiques.

Elles proposent à la fois une éducation sensorielle, aux couleurs, aux formes, aux matières par la manipulation des objets, une éducation intellectuelle, qui part de l'expérience et du concret, "une éducation des sentiments" : la gestion de l'agressivité, le travail en groupe... et une éducation esthétique, à travers le dessin ou la poésie.

L'apprentissage commence donc par la perception et la manipulation, pour arriver ensuite aux concepts et à une plus grande abstraction. Mais là où Maria Montessori conçoit des objets à visée éducative, les soeurs Agazzi se créent un musée du bric-à-brac, constitué de toute une série d'objets du quotidien.

soeurs Agazzi

Maurilio Salvoni

Maurilio Salvoni rompt avec la représentation dominante d'un élève immobile face à un maître qui explique. Dans son article "Les oubliés de l'éducation nouvelle en Italie (1910-1930)", Gabriella d'Aprile présente les idées qui l'animent : la spontanéité de l'enfant, la liberté, l'apprentissage "dans l'action et par l'action".

Maurilio Salvoni est codirecteur de l'Institut d'éducation de Milan. "C’est dans cet établissement qu’il instaura un apprentissage par la pratique de l’observation, de l’exploration, de l’expérimentation et du raisonnement à partir de faits concrets" nous dit Gabriella d'Aprile.

Maurilio Salvoni

Auteur de nombreux écrits et d'une correspondance avec d'autres pédagogues, il reste cependant méconnu dans le monde de la pédagogie.

Que reste-t-il de cette période ?

Les exemples apportés dans cet article ne sont qu'un faible échantillon de toutes les expérimentations qui ont été proposées au début du XXème siècle. À cette époque, l'Italie est un pays jeune, puisqu'il n'existe politiquement que depuis la seconde moitié du XIXème siècle. C'est aussi un pays pauvre où les dialectes sont majoritaires et où une grande partie de la population ne parle pas l'italien.

On peut encore citer la bibliothèque de plein air de Michele CRIMI. La population locale participe et contribue par l'intermédiaire de dons. Les habitants amènent des livres, des objets, et même un microscope. L'école s'ouvre sur l'extérieur.

La réforme Gentile puis la montée du fascisme ont mis fin à toutes ces expérimentations. Les valeurs de liberté et de spontanéité qu'elles portaient sont devenues suspectes, et les approches plus cadrées et portées par un rapport maître-élève plus classique se sont imposées.

Cent ans plus tard, des actions pédagogiques peuvent cependant se placer dans la filiation des méthodes actives, naturelles et nouvelles de l'Italie du début du XXème siècle.

L'apprentissage par l'action, sur des situations réelles, où l'on privilégie l'entraide au rôle de l'enseignant est un principe que ne renieraient pas de nombreuses écoles de codage, à commencer par l'école 42. Son site indique qu'il n'y a pas de pré-requis, si ce n'est l'utilisation d'un clavier et d'une souris. La sélection se fait "dans la piscine", c'est-à-dire par une immersion d'un mois, qui permet d'observer les compétences et la motivation des candidats.

De multiples expériences retrouvent ces principes, sans nécessairement en connaître la filiation. On peut citer l'école maternelle créée par l'architecte Tezuka qui vise à promouvoir la liberté de l'enfant

L'école de Tezuka

Illustrations : Frédéric Duriez

Ressources

Bien entendu, les principales ressources bibliographiques sont en Italien, voire en espagnol pour les soeurs Agazzi.

Rai - La nave-asilo Caracciolo - visionné le 13 janvier 2017
http://www.raistoria.rai.it/articoli/r-a-m-la-nave-asilo-caracciolo/22598/default.aspx

Un article en Français qui présente d'autres pédagogues de l'éducation nouvelle en Italie :

Gabriella D'APRILE , « Les oubliés de l'éducation nouvelle en Italie (1910-1930) », Carrefours de l'éducation, 1/2011 (n° 31), p. 161-175.
 http://www.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education-2011-1-page-161.htm

Philippe MEIRIEU - "les pédagogues" consulté le 14 janvier 2017
http://www.meirieu.com/PATRIMOINE/lespedagogues.htm


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