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Publié le 19 décembre 2016 Mis à jour le 19 décembre 2016

Transmission intergénérationnelle et futur émergent

Quand le futur dit de quoi est fait le monde d’aujourd’hui

L'expression « transmission intergénérationnelle » fait le miel des politiques, des penseurs, des pédagogues, des sociologues, des humanistes qui affirment une prééminence des traditions sur le futur à toutes les périodes historiques (voir le début de la tyrannie par Platon).

Ils se plaignent de l’indiscipline des jeunes de la jeunesse et de son oisiveté, de son gout de vivre. A travers cette récrimination constante, ne se plaindraient ils pas de leur jeunesse perdue ?

Ils théorisent la socialisation  (Durkheim), l’instruction (Jules Ferry) et son socle minimal universel d’abord lire-écrire-compter puis aujourd’hui de nouveaux savoirs numériques. Ce socle dont on se demande si au fur et à mesure de se sceller ne finit pas d’enfermer tout le potentiel créatif de l’enfant. Il n’y a qu’à voir comment ce génie créatif de l’enfance encore vif les premières années ne cesse de s’étioler au fur et à mesure du processus d’entrée dans la sphère des gens sérieux et de leurs activités laborieuses et productives. L’école nous aiderait par un processus assuré à perdre toute notre créativité.

La certitude du gâchis

Malgré ces critiques, nous continuons avec certitude sur le chemin continu de l’épuisement des sols (pollution), et des hommes (burn-out, risques psychosociaux, inégalités et misère).  Ces ravages de l’éducation abimant notre nature humaine et notre environnement devrait nous alerter, quelque chose ne tourne pas rond pour que nous soyons adapté et habitué à entendre la fin progressive des espèces animales (Rapport Planète Vivante WWF), ou les guerres et déportations humaines sans broncher. Nous devrions nous interroger si le flambeau de la connaissance  que nous nous transmettons de génération en génération n’est pas aussi celui qui allume les incendies ? Cette flamme du savoir extraite du feu originel embarque avec elle, des braises nocives.

La transmission au sein des disciplines, par les corporations de métiers, les corps institués, écoles assises depuis toujours sur un lit au tracé bien compris  pourrait bien atteindre ses limites, tant le monde est fatigué de plus de la même chose.

Il y aurait lieu de trier sur ce qui se transmet du passé pour ne pas être trié par lui, par des héritages encombrants et des schémas de reproduction populistes. Les traditions de transmission sont à revoir, par exemple :

  • L’ordre des disciplines universitaires ou le mandarin fait la pluie et le beau temps sur ce qui vaut d’être pensé empêche trans et interdisciplinarité;
  • L’école, fermement allié au système de reproduction sociale dans de nombreux pays, lamine le potentiel de nombreux enfants;
  • Le corporatisme des métiers qui édicte le bon geste écarte ou boude des formes différentes[1].

La transmission scolaire qui concerne des milliards d’humains connait des critiques (unschooling, école à la maison), des dérapages (exclus), une homogénéisation des façons de penser (ex : 50% des formations du répertoire national des certifications professionnelles français comprend le mot management ou manager, comme si tout savoir humain était objet de gestion).

L’école reproduit trop souvent des inégalités et l’impossibilité d’aller contre le prescrit, provoque un rejet massif et une perte de sens pour ceux qui se sentent de plus en plus différent, notamment à force de fréquenter internet et d’appréhender d’autres visions du monde (pour le meilleur et pour le pire).

Écouter le futur : la vision de demain est le moteur du présent

Si l’on est d’accord sur ce constat et les limites des modèles actuels, du moins dans les grandes lignes,  il convient alors d’apprendre à écouter le futur. C’est une orientation nouvelle possible pour changer notre vision de la transmission et des rapports au savoir, à même de rebattre les cartes des inégalités entre les pays et au sein des populations. Regarder le futur est une possibilité :

  • Les socioperceptifs sont désignés par Alain de Vulpian comme des créatifs culturels, des empathiques, des rêveurs, ils regardent le monde tel qu’il pourrait être, ils ne se contentent pas d’assumer des héritages.
  • Une posture d’innovation bienveillante et inclusive se met en place.
  • Les défis, les challenges,  et projets des « makers » qui se préoccupent des questions vives et pratiques.
     

Modifier une position avantageuse

La transmission intergénérationnelle est affaire de discernement entre des traditions qui maintiennent des systèmes inéquitables et insupportables en place et continuent de les aggraver (cf travaux de l’économiste Picketty) et d'autres pratiques qui au contraire créent de meilleures conditions. Les  défenseurs de la tradition sont souvent les bénéficiaires du statu-quo, alors que les défricheurs prennent tous les risques et écoutent ce qui vient du futur.

Nous empruntons un temps la planète à nos enfants, aussi toute notre énergie devrait être consacrée à préparer leur avenir. La théorie U d’Otto Scharmer se concentre sur le monde qui vient. Elle vise à partir du corps de la tête  et du cœur à écouter les questions vives qui se présentent à nous sans détourner le regard. Elle propose un apprentissage de posture de présence à soi et aux autres.

Elle incite à élaborer collectivement des questions puissantes capables de nous mettre en mouvement. Ces questions incluent le devenir de la terre, des exclus, de nos enfants et des générations futures. Dans le mouvement qu’il a lancé par le moyen d’un MOOC international, Otto Scharmer s’adresse  au monde entier (en France via l’association Génération Présence).

S’il existe des forces de mort qui utilisent internet pour enrôler des bombes humaines, il existe aussi des forces de vie qui s’attachent à sentir et préparer le monde qui vient et nous incite à utiliser tout le potentiel technologique en sa faveur.

On se questionne à savoir pourquoi des semeurs de vie et d’espoir ne font pas plus la une de nos journaux. On peut se rappeler du dicton qui veut qu’un arbre qui tombe fasse plus de bruit qu’une forêt qui pousse. Il est temps de s’attacher à transmettre l'idée de ce qui pourait venir et pas seulement ce qui a été.

Le MOOC U.Lab d’Otto Scharmer vise cela. Les pratiques d’intelligence collective partagées en ligne ou au sein de hub dépassent la seule logique de visualisation de vidéo et s’attachent à transformer les énergies en mouvement social utile pour les hommes et leur maison : la planète terre.

Sources :

Transmission intergénérationnelle https://www.cairn.info/revue-savoirs-2004-1-page-67.htm

U.Lab https://www.edx.org/course/u-lab-leading-emerging-future-mitx-15-671-1x

Théorie U https://www.presencing.com/sites/default/files/page-files/TU-ExecSum-French.pdf

Mouvement des « makers » http://www.wave-innovation.com/mouvement-des-makers.html

Génération présence  http://www.generation-presence.com/


[1] L’ubérisation actuelle secoue nombre de métiers et oblige à se reposer des questions


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