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Publié le 19 décembre 2016 Mis à jour le 19 janvier 2022

Que transmettra l'Homo numericus à ses descendants ?

Pas d'objets, pas de souvenirs ?

Nos ascendants disparus nous ont laissé des albums photo, des boîtes de bibelots, des cahiers d'écoliers remplis de recettes de cuisine... Nos souvenirs de ces défunts sont indissociables de ces objets, de ces images et ces pages manuscrites.

Mais le numérique a pris le pas sur les objets. Les photos, les musiques et les écrits n'ont plus de matière... Qu'allons-nous donc laisser à nos descendants ?

Les objets ont une âme

Francis Ponge, et plus près de nous François Bon, l'auteur de Autobiographie des objets, nous ont convaincus que les objets avaient une âme. Ils portent en eux une part de nos souvenirs, et cristallisent des liens affectifs. Ils évoquent des ambiances, des couleurs, des tonalités, des époques.

 

Certains objets enrichissaient donc la mémoire de nos vies au fur et à mesure qu'ils se patinaient. Orhan PAMUK, prix Nobel de littérature, a écrit le Musée de l'innocence et a conçu un musée réel, où l'on trouve les objets évoqués dans le livre. Ce musée rassemble les objets souvent insignifiants qui cristallisent la mémoire d'une relation amoureuse, et qui provoquent la résurgence des souvenirs et des émotions. Le Madeleine Project témoigne aussi du pouvoir évocateur des objets.

...Et surtout les livres

Les disques et les livres qui nous parviennent des générations précédentes portent les marques du temps. Ils sont cornés, jaunis. Les annotations en marge sont  la mémoire des lectures successives. Ces altérations créent une histoire supplémentaire et nous font entrer dans la mini-communauté de ceux qui ont manipulé et transmis le volume.

Les objets ? Pas tous. François Bon nous parle des objets durables, ceux qui accompagnent nos vies ou que l'on retrouve régulièrement quand on va chez des proches. Les objets durables ont malheureusement disparu. Les  produits jetables, consommables, ou "à obsolescence programmée" ne portent avec eux ni souvenir ni émotion. "Le temps des objets a fini" nous dit François Bon.

Quelle émotion ressentiront nos descendants en parcourant les fichiers de nos liseuses ? Que diront ces fichiers de notre lecture, de notre attention ? Rien. Lu une fois ou cinquante fois, le fichier reste le même.

Certes, mais les objets numériques ont-ils eux aussi une âme ?

 Autant les objets anciens semblaient porter une histoire, autant les objets électroniques paraissent ringards et dignes du rebut lorsqu'ils prennent quelques années. Ils nous encombrent d'autant plus qu'ils ne sont plus compatibles avec rien. Nous avons aussi des cassettes, des mini-DVD, ou des cartes SD et des CD-ROM. Ces supports contiennent parfois plus de photos que les albums d'une vie, mais ils semblent sans consistance. On ne s'imagine pas les transmettre avec solennité. Tout au plus, on ferait une copie.

. floppy disk

L'obsolescence des techniques limite aussi les possibilités de transmission. Homo numericus produit des méga-octets de données tous les jours. Mais comme personne n'aura les équipements nécessaires pour en lire les supports, il n'aura peut-être pas l'équivalent d'une boîte à chaussure de photos et de lettres à transmettre à ses descendants !

Même après la mort, le vide numérique n'existe pas

Notre ambition ne se limite plus à exister à travers une boîte de biscuits en fer blanc et quelques cartons de chaussures remplis de souvenirs. Dans un monde numérique, on cherche à se survivre sur Internet. De nombreuses entreprises et start-up en sont persuadées, et nous proposent de gérer notre image posthume...

Des écrivains proposent leur service pour recueillir les témoignages de personnes qui souhaitent transmettre leur histoire. Il s'agit souvent d'initiatives familiales. Les récits ont un ancrage territorial et une résonnance avec la chronologie du pays. Les recueils sont ensuite distribués en plusieurs exemplaires au sein de la famille. On risque moins l'éparpillement qui guette un album photo ou une collection de bibelots !

 Mais la start-up eterni.me vous promet davantage. Elle vous offre l'éternité sur abonnement. Vous confiez vos souvenirs, vos idées, vos créations, vos histoires, vos convictions... et de nombreuses informations vous concernant à l'entreprise. Elle pourra ainsi alimenter un chatbot. Vos descendants poseront des questions, et le robot répondra à votre place, mais avec la matière première que vous lui aurez confiée...

Au 17 décembre 2016, plus de 34 000 personnes ont pris un abonnement. Combien de temps durera leur éternité ?

Illustrations : Frédéric Duriez

Ressources

Xavier DE LA PORTE sur Internetactu.net "Les machines à écrire comme objet de nostalgie"consulté le 17 décembre 2016
http://www.internetactu.net/2012/04/10/les-machines-a-ecrire-comme-objet-de-nostalgie/

Alloleciel "Internet et la vie éternelle" consulté le 17 décembre 2016
http://www.alloleciel.fr/guide/internet-et-la-mort

Vosrecits.com - histoires de vie et témoignages
http://vosrecits.com/histoires-de-vie-et-temoignages/article/histoire-de-vie

Catherine BOULLAY France Inter "Et si demain vous viviez pour toujours" - consulté le 17 décembre 2016
https://www.franceinter.fr/emissions/et-si-demain/et-si-demain-02-novembre-2016


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