Des carabins de la faculté de médecine de Lyon s'activent, depuis 2013, pour rénover leurs cours.
Soutenus par leur doyen et des enseignants, ils ont réussi à impulser d'importants changements. Rencontre avec Paul, étudiant en 3e année.
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Thot Cursus : Pourquoi avoir voulu rénover vos cours ?
Paul : L'initiative a été lancée en 2013 par des étudiants en 3e année. Nous l'avons poursuivie. Plusieurs choses dysfonctionnaient : des amphis déserts, pas de vie de campus, des polycopiés de cours truffés d'inexactitudes... Avec cet état des lieux et l'envie manifestée par 83% des étudiants de changer, un groupe est allé voir le doyen et des enseignants. L'accueil a été excellent. Très rapidement, en 2014, les polycopiés ont été relus et validés par l'équipe enseignante. En 2015, un soutien à l'orientation s'est mis en place. Cette année, en 2016, nous avons lancé un cycle de conférence.
Début novembre, Cédric Villani, médaille Fields en 2010,
est venu parler médecine et mathématique.
Thot Cursus : L'envie de changement, c'est super mais c'est un lourd investissement pour les étudiants en médecine, à l'emploi du temps très chargé. Comment les avez-vous impliqués ?
Paul : Par un système de points bonus. Par exemple, des étudiants en 3e année qui s'investissent auprès des 2e années recevront des points supplémentaires. Par exemple : formation par les pairs aux gestes hospitaliers fondamentaux, investissement dans le tutorat d'Anglais, etc... Ces bonus peuvent impacter sur le classement des choix hospitaliers.
Bien sûr, nos enseignants se sont aussi impliqué (voir le témoignage vidéo ci-dessous) et un budget alloué à l'innovation pédagogique a permis d'acheter du matériel : mannequins haute fidélité et procéduraux. Ainsi, j'ai pratiqué ma 1re ponction lombaire en 3e année. Auparavant, il fallait attendre d'en avoir l'opportunité en stage hospitalier.
Voir le témoignage de Lucas Denoyel : la pédagogie par simulation :https://youtu.be/ORSxPOVzhws?list=PL_ZZHWrfptdRG91YaKVpwVbrOyH6CReED
Thot Cursus : Avez-vous gagné en autonomie d'apprentissage ?
Paul : On recherche l'inverse en réalité. Traditionnellement, les carabins travaillent chacun dans leur coin. Mettre en place des cours inversés, des travaux en groupe, de la formation par les pairs, permet justement de renforcer l'apprentissage collaboratif en s'affranchissant de cette autonomie forcée traditionnelle.
Quant au travail en amont pour les classes inversées (nécessité d'anticiper le cours), il est désormais intégré par une partie de la promotion, mais des progrès restent à faire. En effet, un nombre encore trop important d'étudiants délaisse les cours inversés car ils ne sont pas à jour dans leurs révisions et ne veulent pas s'y rendre en n'ayant pas lu le cours à l'avance. Ce problème pourrait être résolu en intégrant dans les emplois du temps facultaires des plages horaires de "travail en autonomie" (rendu possible par la diminution des heures de cours magistraux). Hormis ce bémol, les étudiants sont très satisfaits des changements. Sur 2 400 étudiants, l'indice de satisfaction est de 9.5 sur 10.
Thot Cursus : Les apprentissages relationnels (entre vous, entre les enseignants et vous) se sont-ils aussi améliorés ?
Paul : Le rôle du pôle IPE (Initiative pédagogique étudiante) consiste à faciliter les interactions enseignants/étudiants/élus étudiants/administration, c'est donc naturellement que la communication est renforcée et que la coopération est facilitée. Les étudiants sont dans une grande majorité très satisfaits de travailler en groupe.
Thot Cursus : La pression de la performance s'est-elle atténuée ?
Paul : Elle est relativement faible en 2e et 3e années d'études de médecine, mais le fait de travailler en groupe permet de se situer par rapport aux autres. Ainsi les étudiants voient ce dont les autres sont capables et sont d'autant plus motivés à travailler et à atteindre leur propre niveau d'excellence (on peut parler de pression positive).
La suite de notre cursus reste malheureusement teintée de compétition, avec la préparation d'un examen national classant (ECN) de la 4e à la 6e année. Un tutorat étudiant existe et s'efforce de faire perdurer cet esprit collaboratif et d'entraide au sein des promos, malgré le concours. Par ailleurs, nous essayons de développer d'autres initiatives pédagogiques pour améliorer le système actuel, qui reste encore perfectible. C'est l'exemple d'
Aspire (
Accompagnement et Soutien Pédagogique, Personnalisé pour la Réussite des Etudiants) initié par deux étudiantes en 4e et 5e année.
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