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Publié le 14 novembre 2017 Mis à jour le 14 novembre 2017

Faire campagne : réseaux sociaux et porte-à-porte

La communication politique au temps des réseaux sociaux

Les élections américaines déploient des moyens considérables : publicités dans les médias, affiches, grands spectacles, déplacements d'équipes en avion... Et pourtant, depuis quelques années, le porte-à-porte est devenu l'arme essentielle pour toute victoire électorale, tandis que les réseaux sociaux amplifient chaque action et chaque déclaration des candidats.

Un porte-à-porte extrêmement ciblé

Cette technique de communication est sans doute aussi ancienne... que les portes. Mais elle a connu une véritable révolution ces dernières années, car elle s'appuie dorénavant sur un ciblage très précis. Il ne s'agit plus de taper à n'importe quelle porte. En croisant des quantités importantes de données (véhicules, types de logement, abonnements,...), on cible précisément les logements, mais aussi les personnes qu'il faut convaincre. Le militant sait qu'il doit rencontrer la mère, le père, le fils ou la fille lorsqu'il sonne à la porte. il ne sait pas comment le croisement de nombreux critères sont arrivés à cette conclusion. Mais il respecte le plan de tournée que le parti lui a confié.

Les affiches, les publicités, les sites et les meetings s'adressent à ceux qui sont déjà convaincus. Les autres n'y prêtent pas attention. Ces canaux de communication sont indispensables pour renforcer l'adhésion. Mais il faut aussi toucher les indécis, ou ceux qui ont fait leur choix, et qui pourtant ne se déplaceront pas nécessairement vers les urnes... Le porte-à-porte est justement l'outil de communication qui peut modifier les comportements.

Le contact direct est aussi le moyen de renouer avec un électorat résigné à l'idée qu'on ne s'intéresse pas à lui, et qui pense que l'issue du scrutin ne changera pas son quotidien. Le plus souvent, les militants quittent leur interlocuteur avec un engagement oral. Ce n'est pas une certitude, mais c'est beaucoup plus que n'importe quel autre canal de communication ne peut obtenir.

Dans d'autres pays, les politiques ont aussi adopté cette approche et font appel aux services de spécialistes du Big data et de la cartographie. Ainsi, Liegey Muller Pons, travaille déjà avec de nombreux politiques en France.

 

porte-à-porte

Les réseaux créent-ils une bulle ?

Le porte-à-porte crée la relation et permet l'engagement. Les réseaux développent le sentiment d'appartenance. On ne suit souvent que les personnes qui nous ressemblent, qui partagent nos points de vue et nos centres d'intérêt. On convainc difficilement en 140 caractères, mais on peut affirmer des certitudes. Et les "like" et retweets les renforcent.

Au lendemain de la victoire de Trump, des journalistes se sont étonnés  de ne connaître aucun des millions de votants qui avaient choisi Trump. Ces journalistes sont en relation avec des milliers de personnes, mais dans une bulle, dans un cercle fermé d'intellectuels, d'artistes et de catégories sociales qui ont fait le choix de la candidate démocrate. Le sentiment d'ouverture que nous donnent les réseaux est trompeur. Nous suivons des personnes qui nous confirment dans nos convictions, et nous rétrécissons notre spectre alors même que nous croyons nous ouvrir. Philippe Silberzahn exprime des conclusions semblables sur son blog au lendemain de l'élection américaine. Les réseaux sociaux et les groupes d'affinité se construisent sur des affinités. Ils nous rendent aveugles à certaines évolutions sociales.

Ce mécanisme est important. Les réseaux des deux candidats à la course présidentielle ne proposent plus d'information. Ils égrainent les lieux des meetings avec des photos de foules. Le commentaire est redondant et inutile : "très bon accueil à .... De belles rencontres !" Et des milliers de personnes vont se charger de relayer ce message aux membres de leur réseau déjà convaincus. Les réseaux sociaux ne montrent souvent qu'une volonté d'échanger et de garder le lien. Mais c'est pour celà qu'ils sont indispensables.

Après les élections de novembre 2016, des partisans d'Hillary Clinton ont accusé Facebook d'avoir permis une diffusion très large à de fausses informations. Le fonctionnement des principaux réseaux fait que plus nous aimons et plus nous partageons un type d'information, plus il nous est présenté fréquemment. Progressivement, les démocrates vont surtout recevoir de l'information produite par les démocrates, et les républicains vont recevoir des contenus produits par leur courant politique. Ils seront alors renforcés dans leur conviction.

Marc Zuckerberg défend au contraire l'idée que l'utilisateur est le premier filtre de l'information qui lui est présentée :

« Le plus grand filtre du système, ce n’est pas que le contenu ne soit pas là, ou que vous n’ayez pas d’amis qui soutiennent l’autre candidat, (…) mais que vous le rejetiez quand vous le voyez. Nous ne cliquons tout simplement pas dessus, et vous savez que je ne sais pas quoi faire à ce sujet. Nous devons travailler là-dessus. »

Il n'en reste pas moins que les réseaux sont devenus pour beaucoup d'entre-nous la première entrée dans l'information et le lien social, et que les affinités qu'ils favorisent se fondent sur les ressemblances.

Une stratégie d'utilisation des réseaux

Des centaines de milliers de militants vont encore plus loin qu'un simple partage d'information. Ils adoptent une véritable stratégie de communication sur les réseaux. Morgane Tual montre dans un article du Monde que des communautés actives alimentent les réseaux. Ils utilisent la parodie, l'argumentation et parfois l'insulte. Certains messages ont ainsi emprunté les codes visuels de l'équipe adverse pour les décourager de voter.  Certains affirmaient par exemple qu'il était possible de voter jusqu'au mercredi, alors que le scrutin s'arrêtait le mardi, d'autres expliquaient qu'il fallait se présenter au bureau de vote avec toute une série de documents administratifs...

Enfin, Morgane Tual nous précise que Donald Trump aurait profité des "bots", qui envoient des tweets automatiquement. La formulation semble naturelle, et il est quasiment impossible de les distinguer de tweets émis par des humains. "Un Tweet sur cinq consacré à cette élection serait issu d'un envoi de messages automatiques, en grande majorité favorables au républicain" selon cet article. Mais le parti démocrate a lui aussi utilisé les bots, en proposant par exemple des parodies de Trump.

Le site Political bots nous montre l'ampleur de leur utilisation. Les chiffres annoncés sont plus importants que ceux du Monde : un cinquième des tweets favorables à Hillary Clinton et un tiers des tweets qui supportent Donald Trump seraient issus de bots, soit plus d'un million... Et si la popularité de la candidate démocrate semblait plus importante dans les sondages, celle du candidat républicain était très en avance sur les réseaux sociaux, comme le notait The Atlantic une semaine avant les élections.

Les candidats aux élections américaines ont utilisé une combinaison d'outils. Ils ont mis en oeuvre des campagnes de porte-à-porte et sur les réseaux sociaux, mais n'ont pas oublié les techniques plus traditionnelles comme les grandes manifestations, les publicités, les pancartes dans les jardins... Bien entendu, ces techniques n'expliquent pas le vote de millions de personnes, mais lorsque les élections se jouent à 1 ou 2%, elles peuvent faire la différence.

Les grands partis en Amérique du Nord et en Europe semblent convaincus de l'intérêt de combiner les échanges en face à face, et l'animation de millions d'adhérents via les réseaux sociaux.

 

Références

The Atlantic - Douglas Guilbeault, Samuel Woolley How Twitter bots are shaping the elections 
http://www.theatlantic.com/technology/archive/2016/11/election-bots/506072/

France culture - Guillaume Erner De la com au .com, comment le numérique renouvelle la communication politique et le militantisme émission du 26 avril 2016
https://www.franceculture.fr/emissions/l-invite-des-matins/de-la-com-au-com-les-nouvelles-strategies-electorales

Guillaume Liegey, Arthur Muller, Vincent Pons Porte à Porte Calman Levy - avril 2013
http://www.liegeymullerpons.fr/porte-a-porte/

Green european foundation Campaign handbook consulté le 12 novembre 2016
http://campaignhandbook.gef.eu/canvassing-door-to-door/

The conversation Big Data meets doorknocking: the political contest’s new frontier - consulté le 12 novembre 2016
http://theconversation.com/big-data-meets-doorknocking-the-political-contests-new-frontier-27822

Vladimir Bressler "Stratégie politique et technique électorale : l'efficacité prouvée du porte-à-porte" - publié le 12 décembre 2013, consulté le 12 novembre 2016
https://www.contrepoints.org/2013/12/13/149678-strategie-politique-technique-electorale-porte-a-porte

Numerama, article de Julien Cadot  "Bulles de filtrage : il y a 58 millions d'électeurs pro-trump, et je n'en n'ai vu aucun"- rédigé le 9 novembre 2016, consulté le 12 novembre 2016
http://www.numerama.com/tech/207428-bulles-de-filtrage-il-y-a-58-millions-delecteurs-pro-trump-et-je-nen-ai-vu-aucun.html

 

En complément de cet article, une réflexion sur la stratégie des deux candidats aux élections américaine, écrit avant les élections :

Martech today  article de Josh Todd "Election 2016 : Hillary Clinton and Donald Trump are failing at mobile"
https://martechtoday.com/election-2016-donald-trump-hillary-clinton-failing-mobile-192022


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