La téléréalité regroupe des programmes très différents. C’est une étiquette bien pratique pour désigner un fourre-tout aussi bien télévisuel que juridique dans lequel est rangé ce qui ne rentre pas dans les catégories telles que nouvelles, actualités, reportages, séries, fictions, documentaires, œuvres cinématographiques, jeux, web séries, émissions éducatives, sport, musique, danse, vidéos clips, variétés, divertissement, analyse et débats, émissions dramatiques et comiques.
Cette production est mal connue bien que tout le monde en parle. Ceci reste étonnant car elle est loin d’être marginale.
Mais de quoi parle-t-on vraiment ? Pour vous aider à vous y retrouver, voici une classification non officielle (le CSA n’ayant pas encore dressé de typologie de ces d’émissions télévisuelles) et non exhaustive (il y en a plus de 2 000…).
Dans quelle catégorie situez-vous le Pensionnat de Chavagnes ?
1. Les compétitions
Les compétitions sont très variées en matière de production de téléréalité puisque l’on peut distinguer des sous-classes telles que les compétitions en milieu naturel souvent montré comme hostile (ex : Koh Lanta, en France, Naked and afraid aux USA), les compétitions en milieu fermé ( ex : Loft story, Secret story), les compétitions culinaires (ex : Top Chef, Cauchemar en cuisine ou Kitchen Nightmare aux USA), les compétitions artistiques (ex : The Voice, Danse avec les Stars), les compétitions globe-trotter (ex : Pékin Express), les compétions métiers (ex : Master chef, Qui sera le prochain grand pâtissier ?, Le meilleur tatoueur), les compétitions sportives (ex : Slash : le grand Plongeon).
Le concept est assez similaire d’une émission à l’autre : Les candidats sont réunis dans un même lieu et/ou autour d’une même mission/défi. Ces compétitions sont basées sur l’élimination par l’équipe elle-même (ce qui intéresse la problématique de la notion de fraternité et de solidarité), par des professionnels reconnus, par le public ou par l’échec face au défi à réaliser.
Les aptitudes physiques et mentales sont essentielles pour les émissions en milieu naturel ou les compétitions globe-trotter, mais elles peuvent aussi être calquées sur des compétences techniques ou des aptitudes créatives en matière culinaires, musicale, tatouage, …
2. Les feuilletons
Là encore, les productions sont nombreuses et déclinables selon des variables d’origine géographique (ex : les Marseillais, les Ch’tis), sociale ( Real Housewifes à Beverly Hill, Orange County, New Jersey), générationnelle (Les iueves à Las Vegas soit les vieux en verlan), minoritaire (The littlest groom met en scène des personnes de petite taille selon une variante du Bachelor). Quatre sous-classes apparaissent nettement : les feuilletons people (ex : Nabilla : en famille à Paris, les feuilletons «des « presque people » (ex : Giuseppe Ristorante : Une histoire de famille), les feuilletons couples ( ex : Bachelor, Gentleman célibataire, ), et les feuilletons interventionnistes ( ex : Super Nanny).
Le concept est variable mais sont mis en scène des personnages dans une fiction de réalité quotidienne. Il faut bien préciser que la téléréalité est le contraire de la réalité. Il s’agit d’un format dont la fabrication obéit aux règles et enjeux commerciaux de l’industrie du divertissement, aux savoir-faire des producteurs et des monteurs. Le montage est en effet l’étape clé de la production d’une émission car il sélectionne les scènes et les plans les plus accrocheurs pour en proposer un déroulé narratif.
Les techniques suivantes sont utilisées de façon quasi systématique : confessions face à la caméra, voix off, suspens maintenu, musique de fond, plans rapides. A ceci s’ajoutent les ressorts empruntés à l’écriture de fiction : jalousie, tromperie, pulsions exacerbées, violence qui s’exprime alors de façon verbale et gestuelle.
La spécificité des feuilletons est de se nourrir de nos fantasmes, de proposer une réalité composée de rapports humains conflictuels et d’alimenter nos pulsions voyeuristes. Les feuilletons interventionnistes s’inspirent de situations quotidiennes qui dérapent et échappent aux protagonistes nécessitant l’intervention d’un tiers salvateur, sage et expérimenté.
Au-delà des critiques, ils permettent une étude sociologique, une analyse des rapports sociaux, voire une approche psychanalytique de nos peurs et névroses.
3. Les expériences
Ces émissions de téléréalité sont tournées autour d’animateurs qui expérimentent des voyages, des rencontres dans des lieux présentés comme uniques voire extrêmes, accompagnés de personnalités connues du show business.
Ces figures célèbres sont destituées de leur notoriété pour se confronter à des rapports humains dans des environnements inconnus. On peut citer dans cette catégorie Rendez-vous en terre inconnue qui propose le concept suivant : une célébrité française, un animateur télé et des villageois qui vivent selon des modes de vie et des standards éloignés se rencontrent. Chacun d’eux vivra durant quelques jours une « expérience humaine forte en émotions, inoubliable et réussie ».
4. Les spécialistes
Place aux vendeurs immobiliers (ex : One million dollars listing aux USA) ou aux patrons (ex : Patron incognito en France) qui présentent le travail quotidien dans leur entreprise. Le concept de Patron incognito est de proposer une vision idéalisée des rapports patronaux et d’employés modèles dans leur partie. En ce sens, cette émission ne peut s’apparenter à un documentaire car le montage et les effets scénaristiques sont très proches de ceux qui fondent le principe même de téléréalité.
5. Les dialogues politiques
Cette catégorie est assez récente et forcément peut-être contestable. Le principe est le suivant : des hommes et des femmes politiques répondent aux doléances de leurs concitoyens. Pourquoi assimiler des émissions comme Dialogues citoyens à la téléréalité ? Là encore, il n’y a pas de débat puisque les participants, les thématiques et les questions sont choisies, sélectionnées, orientées. On peut aussi aller plus loin et considérer que le plateau télé n’est pas un lieu neutre mais bien une zone de confort pour la personnalité politique et publique habituée à la représentation médiatique. Certains plus critiques parlent même de seconde maison,…
L’article de Mazarine Pingeot, professeur de philosophie de l'Université de Paris VIII, proposé sur le site theconversation.com propose une analyse sur l’immiscion de la téléréalité dans la sphère du débat politique. Ses conclusions sont d’ailleurs assez éloquentes sur la place et la valeur des institutions de la république et de ceux qui sont censés les représenter.
Cette problématique est d’autant plus passionnante qu’elle est au cœur des programme scolaires et l’envisager à travers la téléréalité offrir un nouvel angle d’approche.
Comment peut-on s’en servir en classe ?
1. Classer, c'est penser
Classer, c’est étudier, observer, chercher, décortiquer, trouver des caractéristiques communes. C'est déjà le niveau II de la Taxonomie de Bloom. Le tableau proposé en ressource est une base et peut-être réutilisé et complété par les élèves eux-mêmes à travers un travail collaboratif en classe ou en groupe. C’est une première phase de réflexion sur les méthodes et concepts sur lesquels reposent les émissions.
C’est donc une première étape dans la remise en cause de l'image que ce font les élèves de la téléréalité. C’est offrir aux apprenants l’occasion de comprendre que cette réalité est orchestrée, que c'est un produit de divertissement télévisuel obéissant à des règles et des procédés de fabrication précis dans une logique financière et économique.
Attention cependant. Si la présentation des objectifs de votre séquence est un impératif, les apprenants doivent avoir régulièrement à l'esprit ce dont ils doivent être capables à l'issu des différents travaux.
2. Agitez votre déroulé pédagogique
Vous pouvez tout aussi bien proposer de compléter un tableau que des quiz de ces émissions ou d’une émission en particulier, ceci afin d'amener vos élèves à en détailler le contenu. D’ailleurs ces quiz peuvent s’appuyer sur l’utilisation d’applications numériques sur portables, tablettes, ordinateurs. Vous pourrez y intégrer images, extraits vidéos, arrêt sur images, ….
Selon les problématiques et thématiques que vous souhaitez privilégier, les possibilités de scénarii pédagogiques et les outils sont nombreux et varieront selon les envies et le cadre que vous souhaiterez donner.
Illustration : Pittou2 via Foter.com / CC BY-NC
Références
Pingeot, Mazarine. "La Téléréalité a Exporté Ses Méthodes Et Sa Vision De La Société Dans Les émissions Politiques." The Conversation. Date de publication 21 avril 2016. http://theconversation.com/la-telerealite-a-exporte-ses-methodes-et-sa-vision-de-la-societe-dans-les-emissions-politiques-58088
Lechevallier, Pascal. "Twitter : Le Classement Des 50 émissions Les Plus Populaires - ZDNet." ZDNet France. Date de publication 16 juillet 2013. http://www.zdnet.fr/actualites/twitter-le-classement-des-50-emissions-les-plus-populaires-39792454.htm.
Prié, Amandine. ""Rendez-vous En Terre Inconnue" : L'émission Qui Vous Prend Pour Des Cons - Le Plus." Leplus.nouvelobs.com. Date de publication 2 novembre 2011. http://leplus.nouvelobs.com/contribution/210080-rendez-vous-en-terre-inconnue-l-emission-qui-vous-prend-pour-des-cons.html.
Taube, Isabelle. "Télé-réalité : La Fausse Vie Des Vrais Gens | Psychologies.com." Psychologies.com, Psychologie, Mieux Se Connaître Pour Mieux Vivre Sa Vie | Psychologies.com. Date de consultation 17 octobre 2016. http://www.psychologies.com/Culture/Medias/Articles-et-Dossiers/Tele-realite-la-fausse-vie-des-vrais-gens.
Campion, Benjamin. "Des Séries... Et Des Hommes - Regardons La Téléréalité En Face - Libération.fr." Des Séries... Et Des Hommes - Derniers Articles - Libération.fr. Date de publication 5 novembre 2013. http://feuilletons.blogs.liberation.fr/2013/11/05/regardons-la-telerealite-en-face/.
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