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Publié le 04 octobre 2016 Mis à jour le 04 octobre 2016

Comment se porte votre hippocampe ?

Utiliser son hippocampe pour prévenir les maladies neurodégénératives

Aujourd’hui, ce sont 47,5 millions de personnes qui sont atteintes de démences à travers le monde, soit 7,7 millions de nouveaux malades chaque année. Dans 60 à 70% des cas, la maladie d’Alzheimer est impliquée.

La France est un des pays les plus touchés par cette maladie neurodégénérative avec plus de 900 000 personnes atteintes et 225 000 nouveaux diagnostics positifs annuels. C’est donc près d’un cas toutes les 3 minutes. Et ce que les médecins décrivent comme une épidémie a un coût très élevé : 19,3 milliards d’Euros par an.

Au-delà des chiffres, la maladie d’Alzheimer a de nombreux impacts sur la vie quotidienne du patient, mais aussi sur celle de son entourage. Dans près de 60% des cas, une des conséquences principales est le risque permanent de fugue ou d’errance. Le malade, dans un premier temps tout à fait conscient, part faire une balade à proximité de chez lui. Puis, dans un second temps, il perd la notion de son environnement et peut ainsi parcourir au hasard plusieurs dizaines de kilomètres. Afin de prévenir ces moments d’égarements, ou de retrouver la personne disparue, il existe bien quelques solutions techniques ingénieuses. L’une d’entre se présente sous la forme d’un petit objet connecté fabriqué par une entreprise française et se prénomme Aloïze.

Mais où est passé pépé ?

Aloïze est une sorte de balise « Argos » que l’on fixe aux vêtements que porte le malade. Un petit boitier de 200 grammes comportant un GPS (système de positionnement par satellite), un GPRS (protocole de transfert de données pour téléphonie mobile), une carte SIM (carte à puce contenant de la mémoire) et une batterie d’une autonomie de 4 jours. Concrètement, Aloïze permet de géolocaliser le malade à n’importe quel moment en interrogeant un site Internet dédié ou en appelant un serveur téléphonique.

A la demande de l’aidant, Aloïze transmet les coordonnées géographiques précises (latitude et longitude) à une application qui les traduit en une adresse physique ou en la description d’un lieu (le malade pouvant tout aussi bien se trouver en ville qu’au beau milieu d’un champ à la campagne). Le positionnement du malade est alors communiqué à l’aidant qui peut intervenir si nécessaire. Aloîze permet ainsi de « récupérer » une personne égarée, mais également de déterminer un périmètre de sécurité, une sorte de « zone de vie », qui provoquera le déclenchement d’une alarme sur le téléphone de l’aidant si le malade en franchit les limites.

Mais avant de louer les bienfaits du GPS et d’en intégrer dans tous les pantalons et chemises de nos grands-parents, il serait bon de s’interroger sur le moyen d’éviter d’en arriver là. C’est-à-dire commencer par un peu de prévention. Et justement, puisqu’il est question de GPS, se demander si l’utilisation de cet outil connecté devenu totalement indispensable à notre quotidien, ne serait pas un facteur de risque supplémentaire pour la santé.

Les chauffeurs de taxi ont la grosse tête

Pour emmener leurs clients à bon port, les chauffeurs de taxi londoniens ont appris à évoluer dans un labyrinthe de 25 000 rues et presqu’autant d’attractions touristiques. Et ceci… sans GPS. Afin de mener à bien cette mission, ils utilisent leur propre représentation cérébrale de la ville de Londres : une sorte de carte routière mentale autrement appelée carte cognitive.

En vue d’établir cette carte mentale, ils sillonnent la ville pendant des années, stimulant leur mémoire spatiale, celle qui permet d’établir des points de repère dans un environnement puis de se déplacer directement d’un endroit à un autre. Or, lors d’une étude menée pendant 4 ans sur 79 chauffeurs de taxi londoniens, le professeur Eleanor Maguire de l’University College London a pu démontrer que la stimulation de la mémoire spatiale avait développé chez les sujets étudiés une augmentation importante du volume et des capacités d’une partie du cerveau appelée hippocampe.

De précédentes études ont par ailleurs prouvé que l’hippocampe était zone cérébrale cruciale pour maintenir une cognition saine, et stratégique pour le développement et l’entretien de ce que l’on appelle la mémoire épisodique, c'est à dire la mémoire des évènements de notre vie. A l’opposé, un hippocampe atrophié par manque de stimulation représente un facteur de risque, impliquant des troubles cognitifs liés au vieillissement et plus de chance de développer la maladie d’Alzheimer.

En résumé, stimuler la mémoire spatiale stimule l’hippocampe. L’hippocampe ainsi maintenu en bonne santé, les risques de maladie neurodégénérative diminuent. La question qui reste en suspens est : quelle est l’impact de l’utilisation du GPS dans cette équation ?

Sauvez votre hippocampe

Le Docteur Véronique Bohbot, professeur au département psychiatrie de l’Université McGill a remarqué que les gens adoptent parfois une stratégie de navigation géographique différente de celle de la carte mentale. Cette autre stratégie se nomme « stimulus-réponse » et développe des structures du cerveau appelées « noyaux caudés ». Il s’agit d’une sorte de mode d’auto pilotage basé sur les habitudes et des réponses réflexes à des propositions de notre environnement. Par exemple, tourner à droite quand la voix robotisée du GPS du véhicule que l’on conduit ordonne de prendre cette direction. Mais les études ont aussi montré que le développement des noyaux caudés se fait au détriment de celui de l’hippocampe.

Cela signifie-t-il que le GPS n’est pas tant « l’ami qui vous veut du bien » qu’il parait être lorsqu’il aide à retrouver un parent soufrant égaré dans la ville  Lui faire confiance et se laisser guider par lui empêcherait-il de développer son hippocampe et serait-il finalement néfaste à la santé ? John O’Keefe, prix Nobel de médecine en 2014, semble avoir choisi son camp.

Pour répondre à ces questions, il propose un certain nombre de conseils privilégiant toutes les opportunités possibles de faire travailler notre hippocampe. A l’utilisation « les yeux fermés » du GPS, il prône un emploi plus intelligent et réfléchi de cette technologie, quitte à accepter de se tromper parfois de chemin, afin que nos neurones ne perdent pas, eux, définitivement la tête.

Illustration : Thomas8047 via Foter.com / CC BY

Références

"Aloïze : Un GPS Pour Limiter Les Risques Liés à L’errance Des Personnes Atteintes D’Alzheimer." Senior Actu. Date de publication 17 janvier 2007. http://www.senioractu.com/Aloize-un-GPS-pour-limiter-les-risques-lies-a-l-errance-des-personnes-atteintes-d-Alzheimer_a6586.html.

Bohbot, Véronique. "La Mémoire Spatiale: Risques Et Bénéfices Du GPS Pour Sa Santé Cognitive | Dr Véronique Bohbot." Le Huffington Post. Date de publication 27 août 2015. http://quebec.huffingtonpost.ca/veronique-bohbot/gps-cerveau-risques-memoire-spatiale-hippocampe-sante_b_8039496.html.

Helderlé, Rodolphe. "Aloïze, La "balise Argos" Des Malades D'Alzheimer - ZDNet." ZDNet France. Date de publication 9 mars 2007. http://www.zdnet.fr/actualites/alo-ze-la-balise-argos-des-malades-d-alzheimer-39367705.htm.

"Le Cerveau Des Chauffeurs De Taxi Montre Que L'apprentissage a Un Impact Physique | Psychomédia." Psychomédia. Date de consultation 4 octobre 2016. http://www.psychomedia.qc.ca/memoire/2012-01-01/apprentissage-cerveau-chauffeur-de-taxi.

"L’ampleur De La Maladie D’Alzheimer En France Et Dans Le Monde." Fondation Pour La Recherche Médicale En France, Appel Aux Dons Pour Financer La Recherche Médicale| FRM. Date de consultation 4 octobre 2016. https://www.frm.org/alzheimer/ampleur-maladie.html.

Prioux, Julien. "Maladie D'Alzheimer : Un Coût De 19 Milliards D'euros Par an." Www.pourquoidocteur.fr. Date de publication 22 septembre 2015. http://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/12173-Maladie-d-Alzheimer-un-cout-de-19-milliards-d-euros-par-an.


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