Articles

Publié le 19 septembre 2016 Mis à jour le 19 septembre 2016

Des innovations de rupture grâce à la méthode C-K

Oser et se donner les connaissances pour aller plus loin

Des dirigeables capables de porter des charges lourdes, un avion qui fait le tour du monde sans ravitaillement, un drone destiné au marché des particuliers ou encore un segway, qui permet de se déplacer à la verticale de deux roues... Ces produits illustrent la méthode C-K, destinée à favoriser l'émergence d'innovations de rupture.

Trois erreurs communes sur l'innovation

Dans une intervention filmée en 2013, Armand Hatchuel présente les erreurs courantes sur l'innovation ainsi que les grandes lignes de la méthode C-K qu'il a élaborée avec Benoît Weil.

Première erreur : croire que l'innovation se planifie

Armand Hatchuel formule trois critiques à l'égard des représentations courantes de l'innovation. Tout d'abord,elles imaginent l'innovation comme un processus raisonné et planifié. Au contraire, à l'origine de l'innovation, on recherche une chimère, un objet composite, dont on ne sait pas si il est réalisable, un "inconnu désirable", pour reprendre les termes d'Armand Hatchuel. Au cours de ce processus d'innovation, l'objet va changer de nature. Quand on se propose de faire un avion capable de faire le tour du monde sans escale, le résultat ne ressemble plus à un "avion", tel qu'on se le représentait au départ. La voiture qui consommera 2 litres pour cent kilomètres ne sera plus une voiture, telle qu'on la conçoit aujourd'hui.

Deuxième erreur : séparer la connaissance et la conception

Ensuite, elles séparent la conception de la connaissance. Des créatifs ou des designers feraient fleurir les idées, que l'on proposerait aux ingénieurs pour qu'ils les mettent en oeuvre, si ils les estiment réalisables. Les innovations naissent rarement de cette manière. Le segway n'aurait pas pu naître d'un brainstorming. En revanche, il a pu émerger de la connaissance des techniques gyroscopiques. Le plus souvent, la conception et la connaissance se nourrissent mutuellement.

Troisième erreur : chercher à optimiser

Optimiser, c'est négocier, faire des équilibres et des compromis. Cela signifie choisir entre des solutions connues, à partir d'un nombre de critères réduit. Si une entreprise veut augmenter l'autonomie d'un véhicule, elle peut augmenter la taille des réservoirs, réduire le poids, augmenter l'aérodynamisme... et donc pousser un peu plus loin les solutions qui existent déjà. L'innovation de rupture suppose en revanche de chercher des solutions très éloignées, dans des domaines de connaissances nouveaux.

trois erreurs

L'approche C-K pour favoriser les innovations de rupture

Des échanges réguliers entre concept et connaissance

L'approche C-K part souvent un produit idéal, une chimère, un assemblage de caractéristiques dont on ne sait pas vraiment s'il est réalisable. Pour avancer, les connaissances de l'entreprise ne suffisent pas. Les  groupes d'experts sont donc alimentés au cours de leur travail collectif par de nouvelles compétences et connaissances qui les amènent à explorer des zones nouvelles. Dans Innovation intelligence, Albert Meige et Jacques Schmitt montrent comment les concepteurs des montres Swatch ont dû explorer le domaine des polymères pour innover ou comment des fabricants d'aiguilles pour seringues se sont intéressés à certains moustiques.

Le modèle C-K propose donc des allers-retours constant entre les concepts (C) et la connaissance (knowledge), nécessaires pour que les objets prennent vie. Connaissances et conceptions s'alimentent dans un processus qui permet à la fois de créer des concepts originaux mais aussi de renouveler ses connaissances.

Il encourage les entreprises à cultiver leurs "idées folles", qui poussent à explorer des domaines de connaissances nouveaux, qui se révéleront très utiles pour les produits classiques de l'entreprise.

Ce qu'est le C-K

 

Bousculer les idées reçues : l'exemple de Solar Impulse

 A l'origine, nous expliquent Corsi et Michel, les connaissances en matière d'ingénierie d'aviation et de matériaux traditionnels ne suffisent pas, et comme le prévoit le modèle C-K, les concepteurs ont dû explorer d'autres domaines de connaissance issus des matériaux composites, de l'industrie automobile, des techniques d'assemblage ou encore des plastiques.

Le concept s'affine en retour, et semble devenir plus fou encore : un avion en plastique... "un avion, qui n'est plus un avion". Ce va-et-vient entre conception et connaissance n'est possible qu'en s'appuyant sur de nombreux acteurs, issus de disciplines variées. Les auteurs nous citent le design, les techniques de fabrication, la médecine, les pilotes, les structures, la météorologie...

Solar Impulse illustre le besoin d'une définition souple de l'objet. Car c'est un avion qui n'est plus un avion. Il en garde une forme approximative, mais ne pèse pas plus lourd qu'une voiture de milieu de gamme, et a la puissance d'une mobylette... Les idées reçues tombent une à une. Un avion n'est pas nécessairement lourd, il peut ne pas transporter son énergie, mais la capturer, il peut produire de l'énergie en volant, etc.

Et comme nous venons de le voir, les solutions viennent parfois de domaines très éloignés. Patrick Corsi et Claude Michel citent l'exemple d'un fabricant de bateaux, venu opportunément apporter son expertise.

 

Le modèle C-K très rapidement présenté a déjà de nombreuses illustrations. Il rompt avec une approche linéaire et raisonnée de l'innovation. Il insiste sur le lien constant entre conception et connaissance. Et surtout, il montre qu'on ne peut se satisfaire d'une connaissance "métier", et qu'il faut aller au devant d'autres connaissances et d'autres expertises pour sortir des solutions immédiates, et de celles qui ne feraient qu'optimiser l'existant.

Ce modèle démontre tout l'intérêt des entreprises capables de mettre en lien des experts dont nous avions parlé dans un précédent article.

Illustrations : Frédéric Duriez

Ressources :

M. PEYRI Casser les schémas mentaux pour innover  20 juin 2013 http://www.prospectivedesign-leblog.com/methode-dkcp-casser-les-schemas-mentaux-pour-innover/

Cayak-innov "nos offres" consulté le 17 septembre 2016
http://www.cayak-innov.com/nos-offres/dkcp/
Méthodologie d'une société de conseil spécialisée dans l'approche C-K

Armand Hatchuel : la théorie C-K 2013  vidéo d'une heure et vingt-cinq minutes. Le son n'est pas très bon les premières minutes, mais c'est assez vite rectifié
https://vimeo.com/80540286

Segway - Comment ça fonctionne consulté le 17 septembre 2016 http://www.segway.ch/fr/infos/funktionsweise.php

Patrick CORSI et Claude MICHEL Way of the Solar Impulse
Project - Revisiting an Inspiring Design Thinking Process at the Light of a DKCP Process in the C-K Framework 26 et 27 janvier 2015
http://cgs-mines-paristech.fr/tmci/wp-content/uploads/2015/02/Way-of-the-Solar-Impulse-Project-Revisiting-an-Inspiring-Design-Thinking-Process-at-the-Light-of-a-DKCP-Process-in-the-C-K-Framework.pdf


Voir plus d'articles de cet auteur

Dossiers

  • Transport réel

  • Changer d’idées

  • Semer les idées


Le fil RSS de Thot Cursus - Besoin d'un lecteur RSS ? Feedly, NewsBlur


Les tweets de @Thot


Accédez à des services exclusifs gratuitement

Inscrivez-vous et recevez nos infolettres en pédagogie et technologies éducatives

Vous pourrez aussi indexer vos ressources préférées et retrouver votre historique de consultation

M’abonner à l'infolettre

Superprof : la plateforme pour trouver les meilleurs professeurs particuliers en France (mais aussi en Belgique et en Suisse)


 

Ajouter à mes listes de lecture


Créer une liste de lecture

Recevez nos nouvelles par courriel

Chaque jour, restez informé sur l’apprentissage numérique sous toutes ses formes. Des idées et des ressources intéressantes. Profitez-en, c’est gratuit !