Largement repris par les médias, le "choc" PISA (2012) a sacré la France championne des inégalités scolaires.
La thèse d'A. Riegert revient sur des sujets sensibles tels que la ségrégation, l'inégalité et l'influence par les pairs dans le parcours d'un élève en France.
Ségrégation à l'école
Une partie de la thèse détaille un état de lieux de la ségrégation, l'étude Ly-Riegert, présenté lors des travaux du CNESCO sur la mixité sociale à l’école (juin 2015).
Rappelons-en les grandes lignes : un élève d’origine aisée côtoiera presque deux fois plus de camarades de la même origine sociale qu’un élève issu de milieux plus populaires (la ségrégation "sociale").
Par ailleurs, un "bon" élève - un élève ayant des notes dans le premier quart de la distribution des notes - aura 50% de plus de camarades avec un niveau scolaire équivalent qu’un autre élève, une différence qui se creuse encore plus au lycée (par le choix des filières) : la ségrégation "scolaire".
Ce panorama inégalitaire devient encore plus complexe lorsqu’on introduit les disparités existantes entre zones géographiques ou établissements. Ou que l'on se projette dans la durée d'une scolarité.
Parmi les facteurs potentiels de ségrégation (surtout scolaire), la politique de constitution du groupe "classe" qui conditionne fortement l'environnement social qui se bâtit autour de l'élève.
Les pairs et les "cordées de la réussite"
La thèse soulève deux problématiques très intéressantes :
- L’effet des "pairs" – et d’un environnement familier - dans des moments délicats de transition scolaire, comme le passage du collège vers le lycée : en moyenne, un élève de collège retrouve au lycée huit camarades, dont 1,7 dans sa propre classe.
En étudiant un échantillon de 30 000 élèves avec des situations comparables (dossiers administratifs similaires – moyenne, origines sociales, choix de langues vivantes/options etc.), le chercheur a souhaité évaluer l’impact de plusieurs facteurs comme le nombre de filles, la taille de la classe, le taux de bons élèves ou le nombre d’anciens camarades.
Les résultats montrent qu'un élève "fragile" (à risque) qui ne retrouve pas dans sa nouvelle classe des camarades a plus de probabilités de redoublement ou de non obtention du baccalauréat.
D’où l'intérêt d'une réflexion en termes d'optimisation de la composition des classes, en tenant compte des profils des élèves et en privilégiant un scénario de "familiarité" avec l'environnement scolaire.
- Un impact mitigé de programmes du type "cordées de la réussite".
Le chercheur a réalisé une évaluation d’impact du programme de tutorat Talens, créé en 2006 afin de promouvoir l’accès aux filières d’excellence de lycéens issus de milieux moins favorisés.
Ce dispositif se base sur le bénévolat des tuteurs et le volontariat des participants; chaque tuteur suit un groupe de 8 lycéens sur une année scolaire, sur le temps du samedi après-midi.
L’analyse initiale d’impact se révèle surprenante : malgré une participation volontaire des bénéficiaires (et leur motivation) le programme ne semble pas avoir d'impacts sur les résultats au bac ou le taux d’accès aux classes préparatoires des grandes écoles.
Cependant, en catégorisant les élèves étudiés en deux sous-groupes (en fonction de leur note moyenne) le programme affiche bien des effets positifs, mais seulement sur les élèves avec des moyennes générales élevées. Les élèves avec des moyennes plus faibles sembleraient être affectés négativement.
L’une des causes possibles : le temps consacré au programme, au détriment du travail scolaire.
Des résultats qui montrent la nécessité d’un débat sur l’efficacité de ce type d’actions, qui visent pourtant l'égalité des chances… peut-être sans prendre assez en compte les profils d’élèves, leurs rythmes, l'adaptation des contenus etc.
Illustration : PhotoshopScaresMe.com via Foter.com
Référence
A.Riegert. Inégalités scolaires, ségrégation et effets de pairs. Éducation. EHESS, 2016. https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01333797
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