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Publié le 19 juin 2016 Mis à jour le 19 juin 2016

Comment Minecraft surpasse les cours d'informatique

Le jeu de base Minecraft est en lui-même un grand laboratoire d'apprentissage informatique

Cela fait quelques années que le thème de Minecraft et pédagogie est traité. Parce que le jeu de 2011 offre depuis quelques années une version pour le milieu de l’éducation. De nombreux enseignants l’ont mis en œuvre dans leur classe comme nous l’avons fréquemment montré. Toutefois, le jeu est en lui-même pédagogique. À une époque où les jeux vidéos commerciaux tentent de plus en plus de tenir la main du joueur — tout en, ironiquement, lui offrant de plus en plus de monde « ouvert » — le logiciel racheté par Microsoft ne le fait pas.

Et d’après un touffu article du New York Times, cela ferait de Minecraft le titre parfait afin que les jeunes générations maîtrisent le monde… virtuel, en tout cas.

La liberté de création

En fait, toute l’idéologie de Minecraft est née d’un mouvement éducatif très européen. L’introduction de blocs alphabétiques dans la tradition anglaise, allemande et scandinave a eu un effet important sur l’apprentissage du vocabulaire. L’avènement des Legos du Danemark a eu aussi un impact majeur, permettant de construire tout ce qui passait par la tête des enfants. Sous couvert de jeu, ils apprenaient néanmoins rapidement des préceptes de géométrie et même d’architecture. Avec cet héritage, le Suédois Markus Persson savait ce qu’il faisait en créant Minecraft. Un environnement virtuel dans lequel sont manipulés des cubes utilisés selon la volonté du joueur.

Une liberté absolue qui plaît d’autant plus qu’ironiquement, Lego opte de plus en plus pour des modèles préfabriqués qui doivent être montés comme prévu et rangés en attendant d’acheter un autre ensemble. Un terrain de jeu donc bienvenue qui a permis aux joueurs les plus acharnés de reproduire bloc par bloc de grandes constructions et même villes réelles ou fictives. Et le tout sans aucun tutoriel, du moins jusqu’à de très récentes mises à jour. En effet, les joueurs ont dû apprendre par eux-mêmes les règles de cet univers sans être tenus par la main. Toutefois, l’intérêt réside dans une communauté importante et pourtant peu connue : le redstone.

Un cours dissimulé d'électronique et d'informatique

Il existe une poudre de redstone, une pierre rouge qui peut donc être minée à différents endroits ou lâchée par des sorcières dans le mode où des monstres se promènent dans l’univers du jeu. La particularité de cette poudre est qu’une fois combinée avec un câble, elle permet de créer des circuits et des interactions diverses avec des boutons et des leviers. La découverte de ces mécaniques a permis à de nombreux joueurs d’expérimenter et de concevoir des rotors, des cubes fantômes, etc. Ou littéralement des machines de Rube Goldberg. En fait, toute une communauté se partage ces créations sur YouTube et Reddit. En voici des exemples.

Or, il y a tout de même des règles pour le fonctionnement de ces circuits. Des préceptes étrangement similaires à celles auxquelles répondent nos machines électroniques. Et voilà, selon le journaliste du Times, comment Minecraft apporte plus que n’importe quel cours d’informatique ou de robotique. Le jeu permet littéralement d’expérimenter avec de l’électronique à partir de cette poudre redstone.

Et ce n’est pas tout. Dans un contexte où tous cherchent à ce que les jeunes apprennent à coder, il y a un paradoxe évidemment. À l’époque des années 70 ou 80, l’informatique exigeait de connaître les rudiments du code pour effectuer des actions. Or, les jeunes d’aujourd’hui ont accès à des interfaces où il suffit de cliquer ou de tapoter du doigt pour que cela se fasse. Pourtant, sur Minecraft, apprendre des commandes à taper permet de littéralement transformer l’expérience. Il ne s’agit pas de tricherie; le jeu a été conçu avec ses scripts que la communauté Minecraft s’enseigne.

Tout par nous-même, mais pas tout seul

Les jeunes saisissent aussi l’art de l’utilisation d’outils graphiques, particulièrement avec les ensembles de textures que certains s’amusent à réaliser afin que leur Minecraft prenne des allures de dessin animé ou de divers jeux vidéos. Même l’aspect social est travaillé, car contrairement à d’autres jeux en ligne, ce sont les joueurs qui créent eux-mêmes des serveurs.

Ils apprennent donc à bâtir des codes moraux dans leur monde en ligne. Ceux qui l’enfreindront seront bannis et devront aller ailleurs. Il y a aussi toute la notion sociale d’échange de savoirs sur Minecraft. Que ce soit directement dans le jeu, dans des forums ou par le biais de vidéos écoutées en masse sur YouTube, les joueurs aiment partager leurs créations et comment d’autres peuvent les imiter.

Évidemment, tout n’est pas rose avec Minecraft non plus. Déjà, malgré une présence féminine assez importante (40 % sont des joueuses), il reste tout de même qu’elles sont parfois victimes de quolibets misogynes qui découragent certaines de se connecter sur certains serveurs. Il y a donc de la sensibilisation à faire. Mais, surtout, ce sont les mises à jour fréquentes qui peuvent parfois bousiller tout le travail accompli par la communauté. En effet, s’il est bien vu qu’un jeu qui a près de 6 ans soit toujours amélioré, certains de ces changements affectent complètement le travail de personnalisation des joueurs qui doivent alors recommencer.

À l'inverse, cela leur permet de dénicher les failles de cette nouvelle version et les corriger. Jusqu’à maintenant, aucune mise à jour n’a suscité de départs massifs du jeu. Toutefois, cette frontière est mince et il ne suffirait que d’un faux pas gâchant la liberté de la part de Microsoft pour que l’avenir du titre soit compromis.

Néanmoins, cette « génération Minecraft » retrouve en bonne partie ce qui a suscité le boom informatique dans les vingt dernières années du 20e siècle. Une liberté quasi totale de création et de personnalisation et un système de jeu obligeant les joueurs à apprendre par eux-mêmes, à réfléchir dans la conception de mécanismes et de structures et à développer un sens de communauté et de partage des savoirs.

Un plaidoyer encore plus grand pour son utilisation en classe, mais aussi une réflexion sur ce que pourraient être les espaces virtuels d’apprentissage qu’ils soient sous forme de jeux ou autres.

Illustration : chicgeekuk via Foter.com / CC BY-NC-ND

Références

"Redstone for Minecraft PE." Instructables.com. Consulté le 15 juin 2016. http://www.instructables.com/id/Redstone-for-Minecraft-PE/?ALLSTEPS.

Roberge, Alexandre. "Visiter Des Molécules Grâce à Minecraft." Thot Cursus. Dernière mise à jour : 27 avril 2016. http://cursus.edu/dossiers-articles/articles/27029/visiter-des-molecules-grace-minecraft/#.V2ddUTUp-24.

Thompson, Clive. "The Minecraft Generation." The New York Times. Dernière mise à jour : 14 avril 2016. http://www.nytimes.com/2016/04/17/magazine/the-minecraft-generation.html?_r=4.


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