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Publié le 09 mai 2016 Mis à jour le 09 mai 2016

Enseigner le français international ou régional ?

Surtout bien se comprendre, là où on est.

L’enseignement d’une langue est souvent délicat. Il s’agit pratiquement de partir de zéro et de transmettre des données linguistiques, que ce soit au niveau du lexique (vocabulaire), de la grammaire, de la conjugaison, de l’orthographe ou encore de la culture.

Le français parlé en France n’est pas tout à fait le même que celui parlé au Québec, en Belgique, en Afrique, voire dans d’anciennes colonies (Vietnam, Madagascar…).

Une question se pose alors, quand on enseigne une langue, doit-on le faire sur une base internationale ou régionale ?

Pains au chocolat VS chocolatines

Pour commencer, pas besoin d'aller très loin. En France même, les différences lexicales peuvent être importantes d’un bout à l’autre de l’Hexagone. Le débat le plus enflammé reste celui concernant les « pains au chocolat » contre les « chocolatines »… ou plus simplement, le nord contre le sud ! En effet, ce conflit linguistique suscite bien des commentaires sur la toile, à tel point que plusieurs sites vous proposent de voter pour donner votre opinion et qu’une carte de France a même été dressée pour représenter les régions de chacun des protagonistes !

Faux-amis et ambigüités

De même, comment ne pas repenser à cet exemple que j’ai moi-même vécu, comme enseignante de francisation à Québec… L’objectif du jour était la découverte du vocabulaire des vêtements, et bien sûr, au Canada, on pense au froid, donc aux vêtements adéquats. Je me souviens de ma collègue qui me disait avoir eu beaucoup de mal à trouver des images sur Google de «foulard, tuque et mitaines ».

Immédiatement, j’ai cherché avec elle et je les ai trouvés, à sa grande surprise… mais en utilisant le vocabulaire international de « écharpe, bonnet et gants ». Comme quoi, les régionalismes ne sont pas toujours très pratiques dans l’enseignement de la langue ! Sans parler des contresens qu’ils peuvent provoquer (en l’occurrence pour le mot foulard). Cependant, il faut l’admettre, dans un tel contexte, l’apprenant ne sera confronté localement qu’à ces trois mots-là, donc en effet, pas vraiment important pour lui d’en savoir la variante internationale…

Mais alors, que doit-on faire ? En tant qu’enseignant de FLE, nous devrions savoir ces nuances lexicales propres aux différentes régions francophones, ceci dit, c’est plus facile à dire qu’à faire quand on voit l’étendue de l’espace de la francophonie en 2016. Impossible de maîtriser les petites finesses du français belge, suisse, des îles…

Certes, il est toujours bon d’en connaître quelques exemples, à l’instar des chiffres, qui déjà difficiles à comprendre dans leur logique linguistique, peuvent être davantage simplifiés dans d’autres versions francophones :

Ces chiffres compliqués

En effet, combien d’apprenants se sont interrogés sur l’explication lexicale de « soixante-dix, quatre-vingt et quatre-vingt-dix »… il est vrai que ce n’est pas très simple ! Si on va voir chez nos voisins Suisses, par exemple, cela apparaît beaucoup plus simple : septante, huitante / octante, nonante. On y retrouve même les correspondances hispanophones si proches linguistiquement parlant (setenta, ochenta et noventa). Alors pourquoi nous cassons-nous la tête ?

Ceci dit, nos amis Suisses sont-ils aptes à se faire comprendre dans le reste de la francophonie si ils disent « huitante » ? Oui… sans doute à 80%, donc cela fonctionne. Cependant, on ne peut pas en dire autant d’un Québécois qui viendrait acheter un « foulard » en France… ou des bas ! Car si pour lui, cela représente des « chaussettes », le Français international standard comprendre des collants féminins ! Pas vraiment la même chose…

Alors que faire ? La question se repose encore une fois… Cruel dilemme pour le professeur, doit-il s’en tenir au français strict et rigoureux de l’Académie française ou peut-il se laisser aller à enseigner le vocabulaire si spécifique à chacun des pays francophones ?

Finalement 

Enseigner une langue, c’est d’abord l’enseigner dans sa globalité, puis dans ses nuances. Certes, chaque endroit jouit d’un vocabulaire et d’une culture linguistique particulière à son contexte géographique, historique et social.

Le français est une langue internationale dont la grammaire et la conjugaison sont communes aux pays de la francophonie. La différence se verrait surtout au niveau du lexique et du vocabulaire. Peut-on parler de problème ? Non. Chacun utilise un vocabulaire propre à son identité culturelle linguistique. Le seul problème qu’on puisse avoir, c’est celui de l’incompréhension, ou du moins de la mauvaise interprétation. En effet, les faux-amis sont nombreux et un impair pourrait vite arriver, ce que personne ne souhaiterait.

En ce sens, l’enseignement du français doit rester international, mais aussi régional, afin que le locuteur en présence ne soit pas perdu dans le pays où il vit et dans lequel il pourra s’intégrer justement en appliquant ces particularités linguistiques inhérentes à la région francophone où il se trouve.

L’important reste donc bien de cultiver le régionalisme dans l’internationalisme et de faire ressortir la richesse de chaque spécificité linguistique francophone.

Illustrations
Pain au chocolat vs chocolatine
http://images.lindependant.fr/images/2012/10/08/un-site-pour-departager-chocolatine-et-pain-au-chocolat_254856_516x343.jpg
Parlez-vous français : nito, Shutterstock

Références

Le débat pain au chocolat / chocolatine :  http://www.chocolatineoupainauchocolat.fr

La carte : http://p3.storage.canalblog.com/38/98/247621/15620739.gif


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