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Publié le 23 mai 2016 Mis à jour le 23 mai 2016

La création d’un écosystème créatif

Transformer les systèmes de pensées et d’action

La créativité  serait une source de régénération de nos entreprises, de nos administrations malades du syndrome des gestionnaires qui à force de tout mesurer de tout régler comme du papier à musique tarissent toutes les sources de divergences, toutes bifurcations et toutes possibilités d’agir ou de penser de façon singulière.

Elle développe une force d’attraction incroyable : l’utopie, le rêve, l’imagination. La créativité se nourrit, de sensation, d’images et d’imaginaires. Dans nos sociétés sclérosées par le conformisme, le prêt à penser, les stéréotypes, les castes et trajectoires toutes faites, recréer des imaginaires fertiles  en idées nouvelles passe par la création d’un écosystème créatif.

Une parenthèse créative placée dans un espace balisé de formation, de production voire même d’innovation est bien insuffisant pour explorer de nouveaux sentiers. Elle s’exprime par des lieux, des postures et comportements, des méthodes, au sein de structure. Transformer les systèmes de pensées et d’action c’est créer les conditions d’émergence d’un écosystème créatif. En voici les principaux ingrédients.

Les espaces ou les lieux libèrent ou inhibent le potentiel créatif

Avez-vous observé les vidéos montrant la croissance d’une fleur en accéléré ? Avez-vous vu précisément comment sa croissance est conditionnée par son environnement immédiat ? Il en est de même pour les hommes qui circulent dans des couloirs ou travaillent dans des bureaux ou des espaces ouverts.

L’espace et le mobilier associé, jouent sur l’adoption de comportement coopératif ou conflictuel. C’est  pourquoi, l’architecture, l’aménagement intérieur des espaces d’interactions humaines sont si importants pour libérer du potentiel créatif. Aujourd’hui, on voit fleurir des creative-rooms, des bubble brain room, ou des salles connectées qui mettent à disposition des outils de créativité, des possibilités de silence, ou encore qui facilitent les liens avec d’autres organisations, grâce à des moyens technologiques ou des réseaux.

L’expérience des utilisateurs est particulièrement recherchée. C’est ainsi que des « labs » permettent des mises en situation. Les living-labs (food-lab, learning-lab, media-lab etc.), mobilisent les savoir d’utilisateurs experts ou novices, des primo-adoptant de tendance ou au contraire de quidam passionnés. Les  fab-labs et  tech-shops, se concentrent  sur le geste, le produit, la matière. Ils réintroduisent un rapport au concret, un droit à l’erreur et à l’exprimentation.

Quant aux hacker-spaces, ils offrent l’appui de communautés de bidouilleurs ou d’experts pour réinventer des langages informatiques et la liberté originelle qui les accompagne. D’autres espaces comme les centres de co-working ou les  nouvelles médiathèques cherchent à promouvoir la mise à disposition d’information, que celles-ci soit portées par des personnes ou des livres. Il s’agit avant tout des liens sociaux, des opportunités de rencontres et de découvertes improbables. 

Enfin tous ces espaces se situent dans une géographie de hub, pôles, réseaux, incubateur, grappes d’innovation, villages innovants, ou smart-cities. Cette géographie se place dans l’idée d’opérer des maillages d’idées, de compétences, de manière de poser les problèmes ou d’envisager les futurs souhaitables. Ces espaces qu’ils se situent à l’échelle de l’individu, du quartier ou de la ville produisent des émergences créatives, par effet de proximité aussi bien que de surprise.

Les postures et comportements

Les  espaces sont importants dans l’acte créatif, ils favorisent des passages à l’acte par les stimulations et invitations qu’ils autorisent. Les postures des acteurs qui vivent ces espaces sont transformées. Ces acteurs prennent le nom de marginaux-sécants quand ils font des liens entre des sphères sociales qui ne sont pas sensées se rencontrer, de, culturels-créatifs quand ils interprètent les normes ou les détournent selon leur envies ou besoins, d’artistes quand le seul critère de l’action n’est pas matériel mais intègre aussi une dimension esthétique, de primo-adoptant, quand ils enfourchent les nouvelles tendances à peine celles-ci dessinées.

Parfois des sociologues décrivent des socio-styles et baptisent ces individus aux comportements ou apparence différents des hipsters, des bobos, des vegans, ou des geeks. Toutes sortes de démarcation sociales, alimentaires, technologiques par lesquelles des individus se distinguent et réinventent des codes de tribus. Chacune de ces tribus (et il n’y a là qu’un minuscule échantillon) cherche à sa façon à construire son monde selon ses aspirations. Ils entament alors des  explorations, des voyages, des engagements associatifs, des approches culturelles  alternatives, des immersions, des études ethnographiques, des pratiques de non-directivité, de méditation ou de partage.

Et là encore ce ne sont que quelques pratiques parmi des centaines d’autres qui s’inventent dans le but d’inventer son monde propre. Chaque acteur porte en soi ses germes de créativité. C’est la mise en relation de professions, de mode de vie, de trajectoires singulières, d’âge de genre différent qui autorise les plus belles questions. Ces questions sont souvent au cœur des méthodes de créativité.

Les méthodes de créativités

Il existerait des dizaines de méthodes de créativité. Les ingénieurs en produit de méthodique, comme par exemple les tables de concassages, les créatifs  comme chez Walt Disney ont systématisé des logiques de scénarios, en partant de baguette magique, ou de scénario alternatif, ou de rétro-fiction,  les publicitaires ont inventé le brainstorming (tempête sous les crânes), d’autre ont tiré le fil en envisageant le makestorming ou le bodystorming.

D’autres ont imaginé que, comme  l’intelligence est multiple, il fallait envisager les problèmes sous différents angles. C’est la méthode des 6 chapeaux de couleurs de Bono, à partir de laquelle un problème est envisagé sous l’angle de la raison logique (chapeau bleu), sous l’angle émotionnel (chapeau rouge), sous l’angle de la projection vers le futur (chapeau vert), sous l’angle de la critique systématique (chapeau noir), sous l’angle de l’équilibre et de la critique positive (chapeau jaune) et enfin selon une vision neutre (chapeau blanc).

Les amoureux de la nature ont cherché dans son observation attentive des enseignements, c’est l’idée de bio-mimétisme, par laquelle la peau lisse des dauphins inspire la création de maillots de bain pour les champions. Des méthodes informelles ou structurées émaillent les pratiques. C’est ainsi que le co-design, le design thinking, le prototypage rapide, la méthode  C/K, ou la conception assisté des usages par les TIC, ou bien la méthode TRIZ.

Il ne faut pas oublier une autre famille de méthode qui fait la part belle aux approches artistiques, comprenant la facilitation graphique ou toute forme d’usage esthétique qui font  apparaître des liens sensibles. Ces méthodes ont en commun de célébrer les aléas et  les erreurs comme source de progression, de favoriser la rencontre d’esprits préparés et de situations imprévues propices à des fulgurances. Ces méthodes sont utilisées et soutenues par des structures organisées ou informelles.

Les structures organisées ou informelles

De nombreuses organisations créent leurs missions innovations, leurs équipes de recherche et développement, leurs clubs et réseaux d’innovateurs, ou d’échange de pratiques. Ces réseaux poussent les frontières du connu par émulation, envie d’apprendre et de progresser ensemble par défi et plaisir. Elles fréquentent des associations qui assurent la découverte et la promotion de méthodes (par exemple 27eme région, Innovacteur, Etalab etc.).

Elles organisent ou facilitent la tenue de meet-up (rencontres spontanées entre professionnels), de  hackaton (temps créatif pour imaginer des solutions nouvelles et audacieuses),  des défis (par exemple 24 h chrono pour créer une entreprise. Les organisations peuvent  aussi conférer de la liberté aux membres par exemple en leur octroyant du temps (1/2 journée ou 1 journée par semaine), ou bien en facilitant les espaces de transdisciplinarité. Car c’est souvent en dépassant les frontières des disciplines traditionnelles que de nouvelles émergent et prennent corps.

Cette transdisciplinarité est stimulée par les rêves humains. Car dès qu’un homme a un rêve, d’autres cherchent à le réaliser.

Les utopies mobilisatrices

Les utopies mobilisatrices cristallisent l’énergie, les ressources, le pouvoir de se projeter et l’envie d’utiliser les outils ou de tordre les usages pour qu’elles atténuent cette tension. Voler comme un oiseau, se déplacer très vite, être à plusieurs endroits à la fois, réparer un membre amputé etc. mais aussi vivre ensemble autrement : apprendre autrement, produire autrement, faire de la politique autrement (nuit debout), vivre autrement la ville (smart-cities).

Ces utopies sont de puissant leitmotiv qui donnent des buts élevés à atteindre. Plus le but est élevé plus le défi est stimulant à relever et soutient l’énergie. La créativité passe ici par la capacité à rêver à voix haute, à exprimer par des métaphores, les bénéfices escomptés, les promesses de lendemain qui chantent. La créativité est aussi affaire de vision et de partage de celle-ci.

Les financements et appuis

Quitte à redevenir trivial, toute utopie ne se nourrit pas que de passion fut-elle magnifique. La création d’un écosystème créatif a aussi besoin de sponsor, de financeur, de soutien matériel, de politiques engagées au côté des acteurs de terrain. Ces bailleurs de fonds, décideurs, acteurs de changement, communicant, publicitaires visent parfois la notoriété, la satisfaction de leur ego, l’envie de progrès pour tous. En tout état de cause, ils peuvent prendre des risques financiers pour des prototypes improbables, des cathédrales majestueuses, mais vide de toutes innovations. Le financement, quelle que soit la motivation poursuivie joue un rôle pour un passage à l’échelle d’une bonne idée à une idée qui peut transformer le monde.

Lorsque tous ces ingédients sont combinés, et d'autres encore qui nous échappent, un écosystème créatif est possible et des renouvellements sont alors possible dans les façons de rêver et vivre le monde. Mais la première étape est toujours d'essayer de faire quelques chose.

Illustration : Wonderlane via Foter.com / CC BY


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