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Publié le 12 avril 2016 Mis à jour le 12 avril 2016

École mutuelle et recherche-action : parenté pédagogique

Le développement de la libre-pensée passe par l'expérimentation

Après le passage de Napoléon, le nombre d’orphelins en Europe était devenu un problème majeur pour tous les États, d’autant plus que les coffres étaient vides. Pour occuper les enfants de la rue, il fallait des écoles, beaucoup d’écoles à construire avec très peu d’argent et beaucoup de professeurs… inexistants.

Observée aux Indes, une méthode d’enseignement participative semblait pouvoir répondre à la situation et était déjà utilisée en Angleterre. On a entrepris d’en adapter la formule et à partir de 1815 elle a commencé à se diffuser plus activement. Dans les années qui suivent la seconde révolution française (1830), plus de 2 000 de ces écoles ont été crées en France. «L’école mutuelle» était née.

Comment s’y prendre

Des écoles de 300 à 800 élèves avec un seul professeur fonctionnaient bien et leurs résultats dépassaient ceux des écoles traditionnelles pourtant mieux installées :  « Les élèves apprenaient en quelque trois ans le curriculum prévu pour six.». On y avait intégré des innovations comme les tableaux noirs, les ardoises et les aménagements mobiles.

Mais surtout, en plus des apprentissages de base, les élèves y apprenaient des compétences d’autonomie et de libre pensée : les élèves devaient enseigner aux autres de leur niveau ce qu'ils venaient d'appendre. Organisés en plusieurs stations, ce fonctionnement était particulièrement efficace au niveau de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Après queques années les plus âgés en arrivaient à s’intéresser à des sujets auxquels seuls les privilégiés d’alors pouvaient accéder.  Les finissants de ces écoles n’allaient pas se contenter d’une condition misérable et de réponses de droit divin. D'ailleurs ils ne s'en contentaient pas.

C’est pourquoi le pape Léon XII avait tenté d’interdire ces écoles et que les républicains laïcs y tenaient autant.  Mais le pouvoir centralisé qui se mettait graduellement en place, avec l’appui du pouvoir religieux, l’a perçue comme un irritant difficile à contrôler et a entrepris de la marginaliser à partir de 1833. Officiellement, l’école mutuelle n’était pas garante de la moralité et on affirmait qu'elle était «industrielle», inhumaine. Quelques dizaines d'années plus tard il n'en restait qu'une impression pour ceux qui l'avaient connue.

Réponse actuelle

En quoi l'école mutuelle, dans notre époque d'abondance, pourrait-elle servir de référence? En fait la situation est presque inverse et paradoxalement la réponse pourrait être la même: la mise en commun des capacités de chacun et le développement de la libre pensée.

Au départ il s'agissait de faire face à l'abondance d'enfants et à la rareté des professeurs et des ressources : tous devaient contribuer. Maintenant il s'agit de faire face à une abondance de connaissances et à des défis complexes auxquels personne, isolé, ne peut véritablement apporter solution.  Tous gagnent à collaborer, bien sûr, mais aussi à développer sa libre pensée: les solutions sont à découvrir et à créer.

Dans les écoles et dans Internet, il ne s'agit plus seulement de demander l'attention et la concentration mais aussi la participation. Les principes de la recherche-action dépassent ceux de la pédagogie par projet; la solution n'est pas trouvée ni même certaine : c'est le processus qui en constitue le principal apprentissage. On apprend à analyser des situations, à développer des réponses, à les mettre en pratique et à en tirer des enseignements. Le succès ou l'échec est secondaire.

Le réseau est devenu notre mémoire et notre bibliothèque. Le développement de notre pensée permet de poser de bonnes questions. La plus grande partie du chemin vers des solutions est composée de questions bien posées; c'est ce dont nous aurons besoin.

Illustrations : PD-Art - Giovanni Migliara - vers 1820 et
Royal Free School Borough Road, Londres. Les enfants récitant aux cercles.
J. Lancaster : The British System of Education, Londres, 1810.

Références

École mutuelle - https://fr.m.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_mutuelle

La pédagogie dans les écoles mutuelles au XIXe siècle - Pierre Lesage - Persée
http://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_1975_num_31_1_1592

L'ensorcellement scolaire : introduction à L'école mutuelle
http://seminaire.samizdat.net/IMG/pdf/A._Querrien_L_ensorcellement_scolaire-2.pdf

Le droit d’apprendre - Isabelle Stengers
https://enfance-buissonniere.poivron.org/Le_droit_d'apprendre


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