Quand l'on évoque les données, on pense surtout aux possibilités ouvertes par leur utilisation en masse, leur analyse.
Parfois, le potentiel est tel que l'on oublie d'évoquer les aspects plus concrets du processus : comment se met en place, concrètement, dans une salle de classe, un outil de suivi d'apprentissage ?
Une expérience présentée lors du dernier congrès français d'acoustique nous raconte le déploiement d'un outil de visualisation en ligne, un "graphe de compétences", dans un parcours licence-master de l'Université du Maine... et les réactions respectives d'enseignants, étudiants et responsables pédagogiques.
Le principe
Dans ce type de graphe, chaque compétence est indiquée par un point.
Un module est donc représenté par un nuage de points, un ensemble de plusieurs compétences situées à proximité. En survolant un module on a les contacts du responsable pédagogique, en cliquant on accède à une page présentant soit une page du cours/TD ou un exemple d'évaluation.
La couleur du point indique le degré d'acquisition d'une compétence (non testée, validée partiellement, ...).
Le graphe de compétences, appelé "blason" permet à chaque étudiant d'avoir "une vision plus claire du chemin qui reste à parcourir, de ce qu'on attend de lui et de se situer par rapport au reste de la promotion".
Un principe clé de ce témoignage est la transparence : toute information est visible par tous, enseignants, étudiants.
Retours d'expérience
Les enseignants
Du côté des enseignants, on constate des niveaux d'implication hétérogènes. L'expérience a été lancée début décembre 2015, au sein d’une communauté d’une soixantaine d’intervenants, sur la base du volontariat.
Trois mois après, 57 compétences sont représentées dans le graphe, avec 30% des enseignants impliqués.
Les réactions des participants portent surtout sur la répartition des compétences entre enseignements : des enseignants semblent surpris des compétences visées par leurs collègues, les considérant liées à leur propre domaine.
L'outil de représentation met en lumière les redondances éventuelles et véhicule une meilleure harmonisation entre enseignements.
Les étudiants
Du côté des étudiants, l'élément frappant est l'acceptation, sans gêne particulière, de la visibilité par tous du graphe personnel.
Les étudiants se déclarent prêts à l'utiliser mais se posent de nombreuses questions sur l'utilisation par les enseignants : la possibilité de rattrapage de compétences non validées, les ajustements pédagogiques en cas de non validation par l'ensemble des étudiants. Nombreux s'interrogent sur le lien entre notes et compétences.
Les responsables pédagogiques
Du côté des "administrateurs", on affirme les intérêts du graphe: une meilleure illustration des liens entre différents modules, la possibilité d'une formation "à la carte", avec un accès aux ressources et un accompagnement différé pour ceux qui le nécessitent.
On envisage également la possibilité de traduire plus facilement un diplôme en liste de compétences, ce qui facilite le dialogue avec le monde socio-professionnel.
Conclusion
Le temps reste l'élément crucial. Le ratio efficacité/investissement doit être élevé, car renseigner les compétences reste un travail supplémentaire, qui s'ajoute au système de notation.
Comme toute innovation pédagogique, cette expérience de graphe des compétences dépend du soutien de la part de structures administratives, qui favorisera - ou pas - l’institutionnalisation et la diffusion de ces pratiques... comme l'espèrent les auteurs de l'article, dans un réseau d'échange entre formations ayant entrepris des démarches similaires.
Référence
J. Génevaux, B. Brouard, A. Pelat. Déploiement d'un graphe des compétences L1-M2 en acoustique-mécanique au sein d'une université. Congrès Français d'Acoustique 2016 (avril 2016). https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01291304
Voir plus d'articles de cet auteur