Les labs doivent leurs origines : au MIT qui en a élaboré les principes et une charte pour les Fab-Labs et aux programmes européens pour les Living–Labs. Les premiers viseraient à réindustrialiser la ville et créer de nouvelles valeurs sociales autant qu’économiques, les seconds à imaginer de nouvelles politiques de la ville, de nouvelles façons de vivre ensemble.
Fab-lab, living-lab, food-lab, green-lab, design-lab, tech-lab, média-lab et j’en passe se mettent donc à essaimer. Les « labers », ou "makers" ces habitants bigarrés des labs, sont-ils les humains d’un genre nouveau habitant des espaces jusqu’alors en friche, bien souvent réhabilités et redynamisés par des présences créatrices (artistes, entrepreneurs, hacker, associatif, designer, start-upper) ? A force de visiter des lieux où l’on fait, il est possible d’imaginer une forme de hacking des pratiques de formation. Et si ces lieux permettaient de rapprocher le dire au faire ? Et si au lieu « d’envoyer les collaborateurs en formation », puis de les attendre de retour au bureau, la tête gonflée de nouvelles connaissances pour qu’ils se mettent à agir dans le sens attendu (pédagogie déductive), ils partaient expérimenter et fabriquer pour revenir et bâtir leurs propres idées et projets (pédagogie inductive) ?
Voici 7 usages concrets d’un lab pour des groupes en formation qui devraient permettre d’hybrider la formation non pas seulement d’outils numériques, mais aussi de pensées métisses, de préoccupations sociétales ou pratico-pratiques.
Usage 1 : Le lab comme moyen de se projeter dans le futur
Le lab peut être utilisé comme un espace de projection du futur de son organisation de travail, ou comme moyen de dessiner un projet de service ou une politique publique. Dans un lab, par exemple celui de la "Nouvelle fabrique" il y a des matières, des odeurs, des matériaux mais aussi, des graphistes, des designers, des « artisans » (charpentier, soudeur, bricoleur, programmeur etc.). Ces tiers viennent avec une pensée pratique au bout des doigts, des questions « naïves ». Le mélange des genres et des publics est un moyen de sortir du toujours plus de la même chose. L’expérience de l’altérité peut être essentielle pour se projeter dans le futur et matérialiser la vision commune. Un lab peut ainsi être utilisés pour une formation à l’accueil, ou à l’aménagement d’un point de vente en matérialisant les lieux de travail et les fonctions jouées.
Usage 2 : Le lab comme approche de la dynamique de groupe
Pourquoi ne pas utiliser un lab autour d’un projet concret pour créer une dynamique de groupe? Un food-lab permettant de découvrir des pratiques culinaires, des animations autour du bien manger, peut surement apporter matière à réflexion sur les goûts de chacun et la façon dont chacun interagit avec les autres. Pourquoi ne pas fabriquer ensemble sa table de réunion et échanger sur le sens de la dynamique d’équipe, ce que signifie se réunir, collaborer ? Ce fondement commun ne serait-il pas un bon investissement ? Si l’on cumule ses heures de réunion, un cadre passe près de 7 ans d’une vie professionnelle en conciliabule. Non content de produire une œuvre collective et singulière, la table l’objet transitionnel est un prétexte à élaborer sur un acte managérial et de travail qui a du sens. L’objet témoin du labeur collectif rappellera les moments et débats fait à son encontre, lorsqu’il n’était qu’une planche de bois en devenir.
Usage 3 : Le lab comme moyen de tester des prototypes
Les matériaux de découpe laser, de gravure, d’impression 3D, de programmation arduino permettent rapidement de prototyper une idée. Imaginons une formation à l’urbanisme basée sur un maquettage rapide. C’est une piste à explorer pour rendre concret des projets. La « preuve du concept » peut être obtenue en se décalant dans un espace inhabituel avec des équipements appropriés pour passer de l’intuition à une première projection physique d’une pièce, d’un bâtiment ou d’un quartier. C’est aussi une fierté que de réussir un objet (même imparfait) qui matérialise l’ingéniosité humaine et qui donne à voir le pouvoir de création et d’émancipation des contraintes. Pourquooi ne pas investir un design-lab?
Usage 4 : Le lab comme espace concret de prise de conscience
Le développement durable c’est bien. Le cours vaguement moralisateur qui nous rappelle que nous sommes des pollueurs, en exhortant les bonnes pratiques, c’est pénible. Plutôt que de ressasser la litanie du développement durable, pourquoi ne pas passer concrètement à l’action et remplacer des formations qui parlent au cerveau par des expériences qui engagent la main? Il serait possible d’apprendre la culture hydroponique, de créer des cultures d’intérieur, de les installer dans son bureau ou espace de travail. Le lab aurait ici valeur de prise de conscience qu’il est possible de faire pousser des tomates, ou des fraises sur le rebord de sa fenêtre avec très peu d’eau. Cette prise de gout au monde végétal ne serait-il pas plus puissant qu’un discours édifiant sur le fait qu’il nous faudrait disposer des ressources de 5 planètes terre si les 7 milliards d’habitants vivaient comme des nord-américains ?
Usage 5 : Le lab créateur de l’esprit d’entreprise
Le lab quelle que soit son orientation est un écosystème fait de la chair de ses habitants du métal, du bois, du plastique de ses machines et matériaux. Pour donner le goût de relever des défis techniques et de le faire avec l’aide de compétences associées, un lab est idéal et sans danger. C’est un espace d’idéation pour des créateurs d’entreprise qui ont besoin de créer leurs idées, de les tester, d’apprendre à les communiquer. Ce faisant le lab n’aide pas seulement à produire un prototype, il sécrète également l’esprit d’entreprendre. Se frotter à un média-lab permet de s'initier au monde de la communication et d'envisager son projet de création d'entreprise dans ce domaine.
Usage 6 : Le lab comme moyen de promouvoir l’altérité
Il est des formations qui prétendent nous apprendre à vivre ensemble et à communiquer. Souvent un sociologue, un militant féministe ou un antrhopologue viennent nous expliquer de façon théorique comment nous nous comportons. Le propre des labs, par exemple le TCRM Blida de Metz et de faire se rencontrer des personnes d’origines, de sexes, de genres et d’expérience différentes. Du gamin de 12 qui programme ses legos à l’ingénieur en soudure à la retraite, il est possible d’expérimenter l’altérité, la différence et d’apprendre à communiquer, à prendre la parole, à tester son pouvoir de dialoguer avec l’autre autour d’un objet et d’une visée commune, parce que les Labs ouvrent des plages de temps pour la découverte de leurs activités. Ainsi le gamin de 12 ans peut apprendre comment il programme ses légos (cf Mindstorms Légos) aux autres et l'ingénieur en échange peut lui expliquer les rudiments d'un micro-contrôleur Arduino. Plutôt que d’exposer le schéma émission-réception au tableau blanc, pourquoi ne pas apprendre à communiquer pour de vrai, avec de vrai gens sur de vrais projets ? Un média-lab peut être un bon environnement pour apprendre à concevoir de façon collaborative une news letter, un site internet ou une émission de radio. Il peut servir à se familiariser avec des techniques internet et fournir un cadre propice pour expérimenter de nouvelles compétences de communication.
Usage 7 : Redynamiser un groupe démotiver
Parfois les formateurs s’échinent à « motiver des stagiaires ». Ils ont du mal à trouver la clé d’entrée pour les toucher, les mettre en mouvement et les intéresser. « Les jeunes ne s’intéressent à rien » entend-on parfois. Et si on les mettait en posture d'être responsable autour d’un projet qui compte pour imaginer la main articulée d’un handicapé par exemple (cf; Expérience du Fab-Lab Orléanais) ? Si on leur lançait un défi et qu’on les aidait à le relever ? Les labs peuvent sûrement aider à mobiliser autour d’enjeux qui comptent. Ne pas avoir de professeur mais des coachs qui aident à résoudre un problème concret, des accompagnateurs qui initient à l’informatique non pas dans l’absolu mais comme remède à un besoin, voilà une perspective à creuser.
Le monde des labs, des labers et des makers gagnera à trouver des débouchés ou des ressources financières complémentaires pour leurs équipements. Même si ce ne sont pas des "unités de profit", mais plutôt des moyens de réenchanter la ville, le soutien public dont ils bénéficient n'étant pas assuré, ils pourraient intégrer des projets et des idées de projet de formation métissés avec des préoccupations professionnels, de créateurs d'entreprise, de jeunes en insertion/orientation ou de demandeurs d'emplois.
Regardons régulièrement la lettre de Makery, le média des labs, et n'oublions pas les manifestations qu'ils organisent en réseau comme au Fab Lab Festival de Toulouse.
Référence
Charte des FabLabs - http://www.labfab.fr/charte-fablab/
Qu’est-ce qu’un Living Lab ? Guide exhaustif - NetPublic
http://www.netpublic.fr/2014/05/qu-est-ce-qu-un-living-lab-guide/
NF - Nouvelle fabrique - http://www.nouvellefabrique.fr/
Volumes - FoodLab - http://volumesparis.org/foodlab/
Makery - Le médias de tous les labs - http://www.makery.info
MédiaLab, la Révolution Numérique - Lettres et sciences humaines
http://www.flsh.fr/lettres-et-sciences-humaines/medialab-la-revolution-numerique/
TCRM Blida (Transport en commun du réseau Messin - Toutes les cultures réunies à Metz) - Incubateur - http://tcrm-blida.com/
MindStorm - Lego - http://www.lego.com/fr-fr/mindstorms/learn-to-program
FabLab Orléanais - http://fablab-orleanais.fr/
FabLab Festival
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