La question de l’expertise interroge ses propres gestes professionnels et ses hobbies. Quand sa profession est «enseignant», être rédacteur fait-il de vous un expert ou un amateur éclairé au sens noble du terme. Un effort de définition paraît nécessaire, en ajoutant une catégorie : le bricoleur.
Un premier effort de définition
Selon le dictionnaire Le Robert, un expert peut être qualifié comme celui qui a acquis une grande expérience par la pratique ou comme une personne choisie pour ses connaissances éprouvées.
On n’est donc pas expert parce que l’on a obtenu un grade universitaire. Le professionnel ne deviendrait expert qu’avec l’expérience. Enseigner c’est se poser et trouver des réponses partielles, progressives et évolutives dans le temps sur la ou les disciplines que l’on enseigne. Autrement dit un enseignant serait un expert en permanente construction. Pourtant être professeur aujourd’hui se résume-t-il simplement à l’expertise ?
Ken Robinson évoque l’amateur éclairé, c’est à dire une personne qui a un niveau de connaissances très proche du spécialiste. D’ailleurs, le dictionnaire parle bien de l’amateur comme celui qui aime, cultive et recherche.
On ne peut pas faire le métier d’enseignant sans une certaine passion. Un enseignant n’est pas un chercheur en sciences de l’éducation mais il peut faire appel à ses qualités d’amateur éclairé. Il a le goût de son métier, de toujours chercher à aller plus loin. Comme dans une relation amoureuse, former ne souffre pas de la routine. La curiosité est un solide rempart à l’ennui.
Correspondre pour vérifier ses acquis
Avec l’introduction du numérique pédagogique, de nouvelles questions se sont posées. Que faire d’outils qui permettent deux situations de communication contradictoires : s’isoler ou partager ?
La plate-forme E.twinning permet d’entretenir des correspondances avec des élèves de toute l’Europe. Freinet avait expérimenté dans ses classes ce système qui permettait à l’élève d’expliquer ce qu’il avait fait en classe dans la semaine à son correspondant. L’élève est en capacité de résumer sa semaine de manière explicite. C’est un bon moyen d’évaluation implicite.
L’amateur éclairé butine l’information pour améliorer ses pratiques pédagogiques, s’adapter à un nouvel outil et intégrer un nouvel instrument. Cette opération fait appel à l’instinct de bricoleur de l’enseignant. Nombre de scénarii pédagogiques montre à quel point les enseignants sont créatifs. Ils détournent les applications, les logiciels à des fins pédagogiques.
Coder pour apprendre la conjugaison.
Quel lien peut-on faire entre l’orthographe et utiliser Scratch en classe de français ? De prime abord, la tendance serait de laisser cet outil aux professeurs de mathématiques experts de l’algorithmie. Pourtant quand l’élève souhaite que le chat fasse une opération, il nous raconte une histoire. Il doit concevoir un scénario pour prévoir chaque mouvement. Toute erreur dans la programmation de l’élève metteur en scène entraîne un défaut de sens qui empêche l’histoire de bien se dérouler.
En poussant la réflexion, la comparaison est assez simple avec l’enseignement de la conjugaison. Écrire « j’aimerai » au lieu de « j’aimerais » change complètement le sens de la phrase. Imaginez les catastrophes dans les lettres de motivation. Le bricoleur dans ces cas là fait appel à l’expert par un simple « et toi comment tu fais ? ». Faire des mathématiques en français et inversement, voilà que l’on vient de franchir le Rubicon.
Être enseignant c’est être : expert, amateur et bricoleur. Il fait appel à ses différentes connaissances, savoir-faire et capacités créatives pour adapter son enseignement au plus prêt des besoins de l’élève.
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