Tous les ans, fin janvier, à Paris, a eu lieu l'exposition "Portraits sémantiques", un récit d'époque issu de l'univers créatif de l'artiste Jeanne Bordeau (alias Jane Bee).
Tantôt architecte tantôt styliste en langage, cette conteuse d'histoires décrypte les tendances en langage de l'année qui s'écoule et donne vie à une série de dix tableaux thématiques, portant sur l'économie, la société, la communication, les ressources humaines, les "verbes" de l'année etc.
Sa technique, proche des tableaux de tendance des bureaux de style, s'appuie sur la sélection et le collage d'articles de presse. Les mots soigneusement choisis sont scénarisés et trouvent, dans leur assemblage, une cohérence et une force de frappe particulière, soulignées par la police, la taille des caractères, l'emplacement sur la toile de fond.
Cet univers de création va de pair avec une expertise dans le changement des organisations. J. Bordeau crée, en 2004, l'Institut de la qualité de l'expression, pour discerner les tendances de langage dans les marchés et doter les entreprises de stratégies ad hoc. Les méthodes (déposées) sont inédites et inspirantes : des diagnostics sémantiques à partir d'un corpus documentaire sur mesure (échantillons de documents écrits et rencontres des personnes clés dans la prise de parole) l'analyse des forces et des atouts du langage déployé, la charte sémantique pour "écrire moins, mais juste", le développement d'écoles d'écriture intra-entreprise.
Un regard sur l'exposition
Consciente du bagage lourd de l'année 2015, j'ai volontairement cherché dans ces portraits sémantiques des mots porteurs de promesses, des perspectives.
Dans le tableau "Verbes" une vraie convergence se dessine autour des verbes en "ré" : résister, réformer, repenser, se réorganiser, refonder...
Le temps serait-il au changement ?
Dans "ma" sélection de mots-clés de l'année 2015 : ubériser, la déstabilisation des marchés dans un monde où les intermédiaires disparaissent et où on devient "acteurs de sa carrière". Une société connectée dans laquelle "les robots sont à l'assaut du boulot", où dominent "licornes" ( des entreprises technologiques valorisées à des sommes faramineuses), algorithmes et Google alias Alphabet (cf. "Avec l'alphabet on écrit le monde") et l'on ose le néologisme datastrophe, la perte de contrôle ou d'accès aux données !
En éducation
Le regard vers ces portraits est loin d’être neutre : on cherche les sujets qui nous intéressent, qui nous motivent. Au premier regard, peu des mots concernent directement l'éducation, comme MOOC, un triste ennui à l'école.. Mais au fur et à mesure que l’on hume l’air du temps, des connexions se tissent entre les mots.
- Les verbes : "Refondons l'école". Repenser les rythmes scolaires, réorganiser le temps en salle de classe....
- Les concepts : devenir acteur de son propre parcours d'apprentissage, les données d'apprentissage et l'apprentissage par les données, la classe inversée et augmentée...
- De plus, la nécessité de se doter d'une stratégie de langage, pour mieux communiquer des projets pédagogiques, des recherches, des résultats publiés dans des rapports institutionnels....
De quoi nourrir un futur portrait (et une charte?) sémantique de l'éducation.
Illustration :
Références
TV5 Monde. Focus : Jeanne Bordeau. http://focus.tv5monde.com/lfbordeau/
L'institut de la qualité de l'expression. http://www.institut-expression.com/
L'Usine Digitale. "Avec l’alphabet, on écrit le monde [..]" (déc. 2015).
(Liens consultés en janvier 2016).
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