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Publié le 07 décembre 2015 Mis à jour le 07 décembre 2015

Susciter l’engagement de ses élèves

Une classe sans tire-au-flanc

Dans le cadre de son master, Marlène Douibi a mené une intéressante expérience pédagogique. Elle souffrait de voir certains de ses élèves ne manifester aucun intérêt pour son cours de science économique et s’est demandée comment susciter leur engagement malgré le contexte évident de la contrainte scolaire.

Loin de partir en croisade contre cette réalité, elle s’est plutôt appuyée sur ce fait : le statut actuel de l’élève est fait de contraintes : son temps, son attention, ses déplacements, ses communications et même ses possessions sont contrôlées et mises au service d’un objectif auquel il n’a pas totalement souscrit.  Alors comment le motiver ?

Une expérience

Son expérience a consisté à demander la même tâche mais sous trois niveaux de contrainte différents.   (La suite de ce texte est tirée directement de son mémoire.)

« La première méthode appliquée prenait la forme d’un apprentissage contraint, en ce que le texte, objet de l’apprentissage, était présenté comme devant être appris impérativement.  Pour renforcer la contrainte exercée, les enfants étaient au préalable informés du fait que l’apprentissage du texte serait suivi d’un contrôle destiné à évaluer la tâche effectuée. Plus encore, les résultats de ce contrôle devaient avoir un impact majeur sur leur passage en classe supérieure.

La seconde méthode se rapprochait davantage d’un apprentissage sans contrainte. Certes les élèves étaient également soumis à un contrôle de connaissances suite à l’apprentissage du texte, cependant, le résultat obtenu à cette évaluation ne devait pas avoir d’impact sur la suite de leur scolarité.

La troisième méthode qualifiée de «non dirigée», outre l’apprentissage du texte, les  élèves n’avaient pour tâche complémentaire que de répondre à des questions relatives à l’intérêt ou à la difficulté que le texte présentait à leurs yeux.

Constatation

L’intérêt porté à l’égard de la tâche à effectuer était ainsi d’autant plus important que le degré de contrainte exercé était faible. Plus encore, seule la troisième méthode demeurait favorable à un apprentissage de long terme, du fait du degré d’autonomie accordé aux élèves.

L’exercice de la contrainte dans le cadre d’un apprentissage ne serait donc pas toujours  conciliable avec la recherche de la motivation chez l'élève.

Les limites et les bons usages de la motivation extrinsèque

La motivation extrinsèque (extérieure au sujet) se présente en trois catégories :

  • La régulation identifiée, qui correspond au plus haut degré de motivation autodéterminée.  L’individu ne s’investit pas dans une activité uniquement sous la menace ou dans la perspective d’en tirer une rétribution directe, mais parce qu’il a pris conscience de l’importance qu’elle représente pour lui.  Cette prise de conscience l’amène donc à accorder librement de l’intérêt à sa pratique. Au niveau scolaire, la régulation identifiée correspondrait à une prise de conscience progressive de l’élève quant à l’intérêt du travail scolaire pour son avenir.  L’élève choisirait librement de s’impliquer dans son travail afin de mener à bien son projet professionnel.
     
  • La régulation introjectée dans le cadre de laquelle l’individu prend simplement conscience de l’impact des contraintes sur ses choix, c’est-à-dire qu’il commence à intérioriser des contraintes auparavant extérieures à sa personne.
     
  • La régulation externe qui représente la situation d’un individu qui ne s’implique dans telle ou telle activité que par crainte d’une éventuelle punition ou en espérant une quelconque récompense. C’est notamment ce qui survient en cours lorsque les élèves n’acceptent de s’impliquer dans leur travail qu’«en  échange» d’une  note.  Ici, la contrainte extérieure a un effet négatif sur l’autonomie de l’élève, et donc sur sa motivation.


Si l’exercice d’une pression peut constituer un facteur de motivation, cette même pression doit impérativement être intériorisée par l’élève pour y parvenir.

Motivation intrinsèque : une question de sentiment de compétence

Selon CHARLOT(1997),  «il ne peut y avoir d’apprentissage sans désir d’apprendre». Sans ce désir, l’élève peinera davantage à se confronter à la tâche et à l’effort. Ici, deux conditions apparaissent sine qua non à la naissance de ce désir. D’abord, le travail doit revêtir un intérêt pour l’apprenant; il doit faire sens. D’autre part, l’apprenant doit être en confiance, c’est-à-dire travailler dans un climat relativement serein.

La motivation intrinsèque est celle qui rend l’élève focalisé sur l’activité elle-même, pour lui-même. La conséquence est que l’éveil de la curiosité et l’assiduité au travail sont suscités par l’intérêt que comporte l’activité, tandis que les risques de distraction et d’abandon face à la difficulté sont réduits.

Aucun intérêt pour la discipline ou une activité donnée ne peut être éveillé si l’élève s’estime incompétent. C’est donc le sentiment de compétence de l’élève qui importe, et non la compétence réelle.  À ce titre, les encouragements sont essentiels à la stabilité de l’effort, et c’est dans cette optique de persistance du comportement que le feedback est essentiel. Ainsi, si une certaine pression extérieure peut s’avérer nécessaire pour enclencher la mise au travail, elle ne peut être suffisante pour la maintenir dans la durée.

Il s’agit ici d’établir un environnement serein, notamment en instaurant des rituels et un climat de coopération ainsi qu’un droit à l’erreur, de sorte que l’envie de s’essayer à la tâche soit éveillée sans appréhension.

Conclusion

À première vue, lorsque l’on prend connaissance des résultats de l’expérimentation menée, la mise en place d’une activité motivante semble avoir porté ses fruits:

  • Les stratégies d’évitement destinées à perturber le déroulement du cours (déplacements inutiles ou non autorisés dans la salle, absence d’écoute des consignes, prise de parole intempestive, etc.) sont en apparence absentes.
     
  • Les analyses documentaires individuelles ont été effectuées sérieusement par une majorité d’élèves, ce qui témoigne de leur engagement dans cette première tâche d’apprentissage.
     
  • Les questionnaires diffusés en fin de séquence témoignent d’un intérêt certain non seulement pour le sujet traité, mais aussi pour la méthode de mise en activité appliquée.


L’implication des élèves dans leurs apprentissages se joue sur le plan de l’attractivité des activités proposées, quels que soient les leviers actionnés. Ces leviers sont nombreux (peut-être même trop nombreux pour être actionnés simultanément) et nous fournissent ainsi un panel considérable d’outils destinés à susciter la motivation des apprenants. »

Illustration : Gianluca Foto - ShutterStock

Référence

Susciter l’engagement des élèves dans leurs apprentissages  - Marlène DOUIBI - Master Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation
http://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01226767/document


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