La e-formation se déploie progressivement. Elle commence, comme le craignaient les formateurs-animateurs, à substituer à des temps de face à face, des temps solitaires face à un écran. Les premiers à subir cette évolution sont les formateurs en bureautique.
Rappelons que, dans un pays comme la France, les formations linguistiques ou bureautiques représentent une décision sur deux d’achat en matière de formation. L’impact sera donc immense sur le marché tel qu’il est actuellement constitué.
Le besoin de coller au plus proche des besoins sur le terrain se fait plus fort à mesure que les responsables de formation cherchent à valoriser à moindre coût les apprentissages informels, notamment liés à la réalisation du travail, en utilisant des moyens numériques.
La e-formation s’imbrique plus fréquemment dans l’environnement de travail. Elle devient un « support de la performance ». Entre aide en ligne et apprentissage rapide, la frontière entre formation et travail n’a jamais été aussi poreuse. « Agir c’est apprendre et apprendre c’est agir » est le nouveau mantra qui vient remplacer l’ancien mantra comportementaliste diffusé par les catalogues de formation « A l’issue de la formation le stagiaire sera capable de… ». Travail et formation sont de plus en plus liés.
Voyons comment cette intrication entre apprendre et agir opère.
La préparation immédiate à l’action
Si certains serious-games sont ludiques et permettent un décalage, d’autres sont immédiatement conçus dans une perspective d’entrainement, juste avant un acte réel. Reprenant très précisément les protocoles à suivre en situation réelle, ils participent d’un aguerrissement, de l’acquisition de réflexe. C’est le cas de nombre de jeux d’intervention d’urgence immersifs utilisés dans l’environnement des pompiers professionnels, ou sauveteur secouriste.
Avec le micro-learning, il est aussi possible de lutter contre les temps morts de commerciaux passant du temps à attendre le prochain rendez-vous avec un client. L’envoi de courtes capsules vidéos vient combler ces temps morts et offrir une occupation utile : apprendre une nouvelle technique, la réviser juste avant de passer à l’action.
L’intégration de la e-formation sur la situation de travail
La situation de travail peut être rendue apprenante pour aider à la résolution de problème et conséquemment à des apprentissages intégrés. C’est par exemple le cas lorsque des notices ou guide de maintenance incluent des QR code renvoyant vers des vidéos de démonstration et de résolution de problème qui permettent d’accéder à des conseils pratiques.
C’est encore le cas quand des hotlines techniques sont mises en place pour une variété de professionnels pouvant de façon synchrone répondre à une demande au service de leur client, ce que l’on trouve dans le soutien à certains équipements médicaux de General Electric par exemple.
C’est enfin le cas quand des connaissances sont directement liées dans l’espace de travail, dans une puce RFID, une mémoire externe à laquelle se connecter. Cet enrichissement de l’environnement joue un peu à la façon de la notice d’emploi collée au-dessus de la toute nouvelle imprimante sophistiquée aux multiples fonctions, sauf que le mode d’emploi est devenu numérique et interactif.
Le soutien en cours de réalisation de la tâche
Des aides en ligne pour la réalisation de tâches se développent également. Dans les banques, on connaissait les systèmes d’aide à la vente, facilitant le diagnostic de profils de clients et guidant les questions pour augmenter la valeur de la rencontre. Désormais des outils se déclenchent pour contextualiser les apprentissages ou l’on en a besoin.
Il s’agit là d’apprentissages contextualisés ou situés qui tiennent compte de l’environnement de la tâche en train de se faire. C’est par exemple le repérage par le logiciel lui-même sur lequel intervient un collaborateur qui déclenche, un mode d’emploi voire une séquence pédagogique, quand il repère la répétition de blocages et perçoit la difficulté à avancer dans la résolution d’un problème. Une visite guidée se met en place la tâche et l’apprentissage se déroulent alors en même temps, comme dans la proposition du TTS Guide.
Il est possible de faire deux reproches à cette recherche de performance à tout prix. Tout d’abord tout le monde n’est pas spontanément à l’aise avec un apprentissage autorégulé. Il n’est pas si évident de se donner des objectifs d’apprentissage de s’auto-diriger, et de maintenir seul sa motivation dans la durée.
Ensuite les prothèses proposées mettent les individus sous dépendance de protocole et de processus, affaiblissant du même coup l’utilisation de leur mémoire et en même temps leur capacité d’adaptation. Pour finir l’ancrage et la transformation de ses représentations pour agir de façon durablement autonome nécessitent des temps de réflexivité et de conflits sociocognitifs avec les autres.
Mieux vaut donc utiliser ces aides à l’apprentissage en conjonction avec d’autres temps de formation, dans des écosystèmes d’apprentissage plus riches gardant une place prépondérante aux échanges avec les autres. La formation garde comme finalité l’émancipation des personnes et leur capacité d’apprendre à apprendre en permanence et pas seulement de s’adapter et performer dans une tâche.
Illustration : Stefano Cavoretto - ShutterStock
Référence
L’apprentissage autorégulé : perspectives en formation d’adultes - Laurent Cosnefroy - Cairn - Info
https://www.cairn.info/revue-savoirs-2010-2-page-9.htm
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