Les groupes en ligne qui se créent librement et que l’on peut qualifier de connectivistes, apprennent à créer de nouvelles formes de régulation en leur sein.
Pour nombre des participants, c’est une expérience nouvelle, ou une découverte sociocratique. Dans ces espaces sociaux où l’on entre et l’on sort comme bon nous semble, chacun possède sa vision de ce qui devrait constituer le cadre commun d’interaction et d’apprentissage, les livrables à produire et le but à atteindre.
Ce cadre s’appuie sur une plateforme initiale auxquelles viennent s’adjoindre une multiplicité de plateformes ou espace physique ou en ligne apportés par les membres eux-mêmes.
Si je résume il y a la toile, ouverte au vaste monde, chacun y a le pouvoir de lancer des initiatives, ensuite viennent les réseaux physiques ou virtuels personnels et professionnels dont la force d'attraction dépend d'engagements mesurables, d'actes physiquement vérifiables des initiateurs. Il y a enfin plusieurs cercles sur Linkedin, Facebook ou autres plateformes d’échange au sein desquels des animateurs-facilitateurs ou personnes engagées cherchent à produire plus de sens et d’échange. Les animateurs, facilitateurs, ou personnes qui y sont engagées ont tous exprimé leur envie de l'être et ont pris des initiatives pour le devenir effectivement.
Aller plus loin
Dans des initiatives plus structurées qui cherchent à tirer parti de la dynamique connectiviste, des « groupes restreints », se mettent en place pour créer des intérêts communs, pour proposer des technologies, pour veiller à l'inclusion et faciliter la rencontre et la synergie de ces engagés en direction d’une ambition commune. Ce type de groupe restreint nait spontanément de rencontre physique et virtuelle, ou par la volonté de quelques-uns de structurer des processus d’échange naissant, et leur donner plus d’ampleur. Ils appuient les facilitateurs ou internautes engagés, les soutiennent dans leurs choix technologiques, favorisent les liens entre les facilitateurs, animateurs participants.
Chaque cercle a des frontières poreuses. Il n'y a guère d'écrits qui stipulent des règles a priori; un membre peut s’engager, devenir facilitateur ou participer au groupe restreint (parfois nommé team design). Les règles de constitution des différents cercles qui semblent émerger sont les suivantes:
- Initiateur : prend l'initiative, pose les bases exprime une envie forte cherche à la faire partager
- Membre : s'engage, vient voir librement, propose de nouvelles idées, prend un rôle technique, conférencier, mouche du coche, contributeur, dialogueur, vigie éthique, chercheur, etc.
- Facilitateurs : exprime une motivation forte, un soutien fait des apports, se met au service d'un groupe de pairs, d’un groupe en ligne imagine des moyens de faciliter en ligne, en présence en co-facilitation
- Groupe restreint ou « Team design » : se met au service des autres et du processus, coopte les membres, régule, administre, assume des orientations.
Ce type de système n'est pas démocratique, dans l’idée usuelle, car il n'y a pas de vote et de représentation. Il n’y a pour contrat social que l’envie de partager entre tous les membres, l’envie de se trouver un intérêt commun.
Ce type de système est peut être sociocratique, dans le sens où c'est l'envie de participer et la capacité de le faire effectivement qui contribuent à donner à chacun une influence sur l'orientation d'ensemble. Il renvoie aux principes de la sociocratie, ou les cercles s’influencent mutuellement. Dans ce type d’approche, ce sont les engagements effectifs des participants qui leur donnent un rôle, et non un statut social d’un membre a priori. Dans ces systèmes d’interaction celui qui agit est celui qui influence les autres parce qu'il leur apporte quelque chose d'utile. Il oriente le dispositif.
La régulation se produit par cercle (groupe restreint/team design - facilitateurs - groupes de pairs), en fonction des valeurs implicites prises en référence. La réciprocité, la bienveillance, le plaisir, la liberté et le partage sont parmi ces valeurs du net. Les internautes auraient une âme, ils partagent des vues communes. Les interventions trop critiques, peu créatives, ou qui ne s'insèrent pas dans un flux de conversations par ce qu'elles ne répondent pas aux besoins exprimés ont pour conséquence de faire fuir des participants ou de marginaliser l'auteur qui gêne les échanges ou occupe tout l'espace.
Les modes d'interactions qui se mettent en place dans ces espaces librement organisés ressemblent moins à une "gouvernance" ou à un "community management", mais bien plus à l'expression d'une communauté de pairs qui cherche à se construire à s'auto-réguler, à inclure et à apprendre ensemble.
L’apprentissage de la sociocratie préalablement citée participe d’un renouvellement des formes de leadership tendant vers un véritable communityship, un état dans lequel ce sont les membres qui expriment leur pouvoir d’agir et régulent ceux d’entre-eux qui se départissent des règles qui se mettent en progressivement en place.
Références
Sociocratie - Wikipédia - https://fr.wikipedia.org/wiki/Sociocratie
Les internautes ont-ils une âme ? - Paul Mathias - RSL - Revue Sciences / Lettres
Gestionnaire de communauté - Wikipédia - https://fr.wikipedia.org/wiki/Gestionnaire_de_communaut%C3%A9
Leadership et communityship - Henry Mintzberg - Gestion 3/2008 , p. 16-17 - http://www.cairn.info/revue-gestion-2008-3-page-16.htm
Voir plus d'articles de cet auteur