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Publié le 30 juin 2015 Mis à jour le 30 juin 2015

Coder pour se construire, une école de la seconde chance

Entretien avec Anna STEPANOFF, fondatrice de Wild Code School, 29 juin 2015

Anna Stepanoff

Entretien avec Anna STEPANOFF, fondatrice de Wild Code School

Pouvez vous présenter vous et votre projet ?

Mes études m’ont fait connaître trois systèmes éducatifs différents : en Biélorussie, aux Etats-Unis et en France. Cette expérience multiculturelle m’a permis de mieux comprendre les forces et les faiblesses de chaque système et d’imaginer un modèle innovant.

J’ai un double parcours professionnel : j’ai d’abord enseigné pendant 2 ans à l’université Paris-1, puis travaillé dans le conseil où j’ai participé à des missions en stratégie et organisation. En 2013 j’ai créé une start-up éducative avec une volonté d’innover dans l’éducation et de réaliser mes projets et d’innover et expérimenter dans l’éducation.

Mon associé Romain Cœur, développeur professionnel, a rejoint le projet au début 2014 et ensemble nous avons créé une école numérique, Wild Code School, qui propose une formation intensive au développement web et mobile en 5 mois. Notre spécificité est d’être ouverts à tous les profils sans condition de diplôme et d’accompagner nos élèves dans la recherche d’emploi.

La Wild Code School, pourquoi ce titre ?

Wild c'est sauvage. Il est utilisé dans deux sens par rapport au cadre rural comme quelqu'un qui fait différement. C'est l'esprit du hacker. On se positionne en différence par rapport au système classique.

Quel est le profil de vos participants ?

Notre formation est particulièrement adaptée à des personnes en reconversion professionnelle ou à ceux qui ne se retrouvent pas dans le système scolaire classique. Nous recherchons des talents souvent passionnés par l’informatique mais qui peuvent avoir des difficultés avec l’approche théorique dominante dans les formations classiques.

La formation étant accessible à partir de 18 ans sans limite d’âge, toutes sortes de parcours initiaux y sont représentés : des jeunes sortis de l’école avec ou sans bac, mais aussi des bac+5, ou encore des artisans (menuisier, cuisinier, boulangère…). Nous tenons beaucoup à cette diversité des parcours qui est en soi une source d’enseignement pour nos élèves.

A quel type de profession se destinent-t-ils ?

Le premier métier auquel nous formons est celui de développeur web. C’est lui qui crée les sites internet et applications que nous utilisons au quotidien. À la fin de notre cycle de 5 mois, nos élèves peuvent postuler comme développeur junior dans une start-up, une PME, une collectivité. Ceux qui ont un goût prononcé pour la communication peuvent également devenir community manager ou animateur numérique.

Enfin dans certains cas, nos élèves vont poursuivre leur métier d’origine (cuisinier, journaliste, graphiste…) mais avec une nouvelle compétence acquise en programmation ce qui souvent leur permet d’accélérer leur carrière.

Quel est votre philosophie pédagogique ?

Notre pédagogie est basée sur 3 principes :

1/Apprendre à apprendre : on ne peut pas devenir expert en 5 mois aussi est-il indispensable d’apprendre  à apprendre pour continuer à s’autoperfectionner après la formation

2/ Ouverture et agilité : les nouvelles technologies évoluent sans cesse c’est pourquoi notre programme doit lui aussi évoluer en permanence pour s’y adapter. Nous avons mis en place une équipe Recherche et Développement qui effectue la veille technologique et améliore en permanence les programmes, les outils et supports utilisés.

3/ Pédagogie sur projets : nos élèves apprennent à partir de vrais projets pour des clients réels (association locale, entreprise partenaire, collectivité).

Participer à votre cursus demande une grande autonomie, quel type d'accompagnement proposez vous ou travaillez vous sur le même modèle que l'école 42 ?

L’autonomie est en effet indispensable pour réussir notre formation comme elle est indispensable pour devenir un bon développeur. Nous accompagnons nos élèves dans leur capacité à être autonomes dans leur travail à travers plusieurs dispositifs : tout d’abord nous avons mis au point une plateforme pédagogique numérique qui accompagne et personnalise les parcours de chaque élève, ainsi chaque élève a la possibilité d’avancer à son rythme et a accès à une multitude de ressources pédagogiques en ligne, c’est lui-même et non pas le formateur qui décide du rythme et de l’ambition qu’il veut donner à sa formation.

Deuxièmement, nous avons mis en place un système de mentorat où les élèves les plus à l’aise vont aider les autres. Enfin notre école fonctionne comme une grande famille où les élèves sont maîtres des lieux : nous leur donnons la liberté de s’approprier les locaux et d’une certaine manière la pédagogie elle-même puisqu’ils peuvent mettre en place des ateliers ou réaménager l’espace.

Quel est l'intérêt pour les stagiaires d'intervenir dans les établissements scolaires ?

L'élève, qui intervient en établissement, apprend le métier d'animateur et renforce l'apprentissage du code. C'est une manière de valider ses compétences. On apprend jamais mieux que lorque l'on enseigne. C'est, aussi, un partage entre l'école et le territoire. C'est un débouché supplémentaire. Un ancien élève va intervenir dans 5 écoles suite à cette formation. Il partage son savoir avec les enfants.

La Wild Code School, c'est finalement apprendre que l'avenir n'est pas figé ?

La technologie change très rapidement et ouvre des perspectives. Il est difficile de s'inscrire dans un avenir lointain. Avec le code, on apprend l'agilité, l'adaptation permanente à l'environement.

Outre l'aspect numérique de la formation, que souhaitez vous apporter à vos stagiaires ?

Outre l’apprentissage du code et de la programmation nous insistons beaucoup sur la capacité à devenir autonome dans ses apprentissages sur le long terme. Nous avons mis au point plusieurs ateliers et exercices qui permettent de renforcer cette capacité.

Par ailleurs nos élèves vont s’entraîner systématiquement à la résolution de problèmes. Nous cherchons à développer la créativité et à apprendre à nos élèves une méthodologie de la résolution de problèmes, parce que le développeur est celui qui doit concevoir des solutions. Enfin tous nos élèves forment une communauté soudée qui se renforce au cours des 5 mois de la formation et constitue ensuite un réseau d’entraide appréciable.

Dans quelle mesure votre école est une école de la seconde chance ?

Plusieurs de nos candidats nous disent dans leur dossier de candidature que cette formation représente pour eux une seconde chance, voire leur dernière chance de retrouver un emploi. En effet peu de formations professionnalisantes sont accessibles à des personnes sans bac.

Notre volonté d’ouvrir cette formation sans condition de diplôme et de la rendre accessible à tous les talents fait son originalité. Par exemple, dans notre première promotion, 50 % des élèves n’avaient pas le bac et 100% bénéficiaient des aides sociales (allocation chômage, RSA, suivi par la mission locale).

Quelles sont les raisons qui vous ont décidé à vous installer dans un territoire rural ? Peut-on dire que vous participez au désenclavement économique ?

Une formation en informatique peut être implantée dans n’importe quel lieu et pas nécessairement en ville, car tout peut se faire à distance. S’installer dans un territoire rural permet d’offrir un cadre de vie très appréciable, au calme, par ailleurs nous avons accès ici à des locaux spacieux et nous avons pu mettre en place une solution d’hébergement pour tous nos élèves en internat.

Notre projet est devenu un projet majeur du territoire, fortement soutenu par l’ensemble des acteurs car il apporte un nouveau souffle et beaucoup de dynamisme. Par les projets que nos élèves réalisent dans le cadre de leur formation, nous contribuons à la transition numérique du territoire. Ainsi nos élèves réalisent une vingtaine de projets par session, ce qui fait autant de sites internet et applications pour, par exemple, le centre de loisir local, les artisans ou les collectivités.

Quelles sont vos soutiens dans cette action ? Ont ils le rôle de mentor pour les personnes qui participent au cursus ?

Tout d’abord nous sommes soutenus financièrement par des partenaires publics et privés comme le Conseil départemental d’Eure-et-Loir, la Communauté de Communes des Portes du Perche, le Crédit agricole, HP, GFP, ERDF. Par ailleurs nous avons constitué un réseau des mentors professionnels du numérique qui interviennent régulièrement dans le cadre de notre formation et qui ont pu accueillir plusieurs de nos stagiaires et ont déjà réalisé quelques recrutements.

Votre école est elle finalement une interface entre la formation, le monde rural et le monde de l'entreprise ?

Notre école permet en effet de fluidifier la communication et les échanges entre plusieurs acteurs du territoire à travers, par exemple, l’organisation d’événements. Il y a 2 semaines, nous avons organisé un hackathon sur le thème de l’e-agriculture qui a réuni une centaine de participants et qui a permis de développer une dizaine de projets innovants à la frontière du monde agricole, du monde de l’entreprise et du numérique.

Quel bilan tirez vous de cette année d'existence ?

Nous avons été agréablement surpris par la rapidité avec laquelle nos élèves ont pu trouver stages ou emplois après cette formation. Un mois après la formation, 70% de nos élèves ont trouvé une suite à leur parcours. Nous avons été régulièrement sollicités par des entreprises recherchant des développeurs.

Aujourd’hui trois mois après la formation, nous ne pouvons plus répondre à leur demande faute d’élèves disponibles. Nous avons aussi été surpris par l’intérêt que notre projet a suscité bien au-delà des limites du département : pour notre deuxième session nous avons reçu près de 260 dossiers de candidature venant de plus de 60 départements français et de l’étranger.

Nous avons donc aujourd’hui décidé d’augmenter notre capacité d’accueil. La prochaine promotion accueillera 45 élèves et dès février 2016 nous projetons d’ouvrir d’autres sites dans le cadre d’un réseau des écoles Wild Code School.

Nous sommes aujourd’hui en recherche de territoires souhaitant nous accueillir et de partenaires pour nous accompagner dans le développement de ce réseau.

 

Wild Code School - http://wildcodeschool.fr/


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