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Publié le 07 avril 2015 Mis à jour le 07 avril 2015

Les sens du style

La créativité pour progresser avec style.

Old Mods, Sergio Calleja, Wikimedia Commons

Le style est une affaire de goûts et de couleurs. C’est un message que l’on adresse à l’autre de manière consciente ou parfois inconsciente. Le style est intimement lié à la créativité et aux interactions avec la société. Chacun s'exprime, discute, propose et améliore.

Dick Hebdige résume bien cette idée quand il parle des sous-cultures adolescentes.

« Le sens du style sous culturel, c’est donc avant tout communiquer une différence et exprimer une identité collective. »

Le sens du style c’est donc intégrer sa singularité dans l’effort collectif. Il peut être vu à la fois comme un front pionner et un travail collectif. La métaphore n’est pas sans rappeler les mutations opérées par le numérique sur l’éducation, la formation et le monde.

Le Style : une situation de communication.

Le style est une situation de communication qui permet à l’apprenant comme au formateur de mettre « sa patte » à l’apprentissage.

« L’Homme énergique et qui réussit, c’est celui qui parvient à transformer en réalité la fantaisie de son désir » Freud.

Le style est intrinsèquement lié à l’originalité. Le numérique est un champ des possibles immense pour l’enseignement et la formation à distance. Afin qu’il ne soit pas un code restreint pour le monde de l’éducation, il convient de donner des clefs de lecture.

En effet, à la différence du monde social, le style en matière d’éducation ne doit pas être confidentiel. Développer une démarche créative d’apprentissage doit être au service de l’ensemble des apprenants comme des formateurs. Le modèle S.A.M.R. (Substitution Amélioration Modification et Redéfinition) développé par Ruben Pentuedura est révélateur des évolutions que connait la formation à distance comme l’enseignement classique. Il permet au novice en matière de numérique de se situer et de mieux définir ses objectifs. Pour autant, le style est-il innovant ou révolutionnaire ?

Le Style innovation ou révolution ?

L’émergence depuis la seconde moitié du XX siècle, d’une nouvelle catégorie sociale : l’adolescence est une aide certaine à la réflexion. Colin MacInnes dans Absolute Beginners décrit Dean (le doyen)

«Les cheveux dégradés comme les étudiants sages, avec son éternelle raie sur le côté, une chemise d’un blanc éclatant, italienne à col rond, une veste courte taillée au style romain (deux fentes dans le dos, trois boutons...) les pantalons étroits sans revers, 42 cm de tour en bas au grand maximum, pompes pointues… ».

Le style n’est donc pas quelque chose de spontanée mais il obéit à des règles afin de répondre à la demande du groupe. Dans cet extrait, il s’appuie sur l’existant pour être sublimé par un code restreint compris par quelques-uns. Le style c’est donc l’innovation. Pourtant la comparaison avec l’adolescence s’arrête ici. Comme nous l’avons évoqué plus-haut, l’esprit qui anime l’enseignant n’est pas de communiquer avec quelques privilégiés mais de s’adresser au groupe de participants. Le but stylistique des méthodes d’apprentissage est de faire progresser l’apprenant.

Le Style : un bricolage.

Comme l’évoque Lévis Strauss,  le style est un « bricolage » où chaque graine d’enseignement répond à un besoin. C’est une figure fractale qui s’adapte à chacun. C’est un « bricolage » car elle doit évoluer et épouser le rythme des évolutions de notre société. Aujourd’hui, un grand vent de liberté souffle sur la communauté éducative. Le numérique par les possibilités qu’il offre permet aux enseignants d’augmenter leurs méthodes d’enseignement.

Tout un monde est à explorer, c’est pour cela que l’on peut parler d’esprit pionnier. Pour reprendre la comparaison du rapport entre l’adolescence et la société, le numérique, tout comme la génération « beat » en Amérique du Nord dans les années 1950 ou les « mods » anglais au début des années 1960, les lignes culturelles ont bougé. La culture numérique constitue une fracture dans la continuité historique de l’enseignement. Les savoirs ne peuvent plus être transmis selon les mêmes codes stylistiques.

Remplacer ou augmenter la manière d’enseigner ?

Pour autant, faut-il abandonner les anciennes recettes pédagogiques ? Pour réfléchir à cette idée, le formateur peut se référer à cette citation de Marc Bolan l’icône de T-Rex :

" Vous pouvez critiquer mon talent, mais pas mon tailleur". 

Il la prononce au tournant des années 1960 alors qu’il un jeune mods anglais de Londres. Le message est clair, si ma manière de voir le monde ne vous convient, reconnaissez que mon style est efficace.

D’une certaine manière, l’objectif du formateur se rapproche de l’esprit du message de Marc Bolan. Le sens de sa démarche n’est pas que son style soit compris mais que le design pédagogique mis en place soit efficient pour l’apprenant. Il n’existe pas un style d’enseignement efficace ou une méthode universelle. Pour différencier ou individualiser l’enseignement, il faut une palette de couleurs pédagogique. Le cœur de la créativité de l’enseignant ne répond pas à son égo mais aux besoins de l’élève. Contrairement à l’artiste qui développe l’art selon sa vision du monde, le formateur est un artisan au service des demandes de l’apprenant. S’il use de ruses pédagogiques, son travail se doit de répondre à des objectifs explicites pour l’élève et doit pouvoir être investi immédiatement.

Découvrir son style, c’est faire des erreurs.

Dans cette situation de communication qu’est l’apprentissage, il est nécessaire de toujours penser aux destinataires. L’enseignant doit encourager la créativité de l’élève sans pour autant qu’elle soit aussi énigmatique que le sourire de Mona Lisa. L’élève est un apprenti qu’il convient de guider. La créativité comme les nombreux exemples utilisés depuis le début de cet article est souvent le fait de l’adolescence. Elle s’exprime quand il recherche son style. Il adopte souvent une démarche d’investigation dans la mesure où il utilise le processus essai, erreur, remédiation.

Quand un apprenant cherche son style, il convient de dédramatiser l’erreur et de la mettre dans un processus plus long qu’est celui de la réussite. Qui n’a pas tenté des aventures stylistiques qui lui ont coutées.

Le style, c’est d’abord du travail.

Le style en matière d’apprentissage se doit d’être guidé, pour le trouver il faut le travailler. Les hommes qui s’inscrivent dans le panthéon du sport en sont souvent le symbole. Dans l’émission Enquête de Foot, diffusée sur canal+ le mercredi 25 mars, a effectué un reportage sur le jeune retraité du football Thierry Henry. Un des éléments frappants chez ce joueur d’exception est sa force de travail.

Si le talent était là, il a été travaillé, affiné pour le rendre exceptionnel. Il n’y pas de style inné comme de réussite acquise. C’est l’entrainement, la répétition des efforts qui le rendent systématiques. C’est un peu le cas de Jack Kerouac qui avant d’écrire le sublime Sur la route a dû procéder à de nombreux essais pour finir par l’écriture du rouleau.

Les plateformes d’apprentissage : cahier d’expérimentation du style.

Aujourd’hui, les plateformes d’apprentissage tel que moodle sont un creuset dans lequel le formateur peut laisser exprimer la créativité de l’élève. Elles sont des espaces sécures qui permettent de se tromper sans être jugés. Créer c’est se tromper, c’est aller d’échec en échec pour réussir. Une plateforme d’apprentissage est un cahier d’expérimentation au service de la réussite.

Quel outil est plus efficace qu’un wiki pour développer le style. Il est librement modifiable. Il peut être individuel pour s’ouvrir aux autres dans un deuxième temps. La créativité et le travail du style c’est une affaire de mise en confiance individuelle pour s’ouvrir aux autres. L’élève est comme un écrivain qui fait de multiples essais pour se lancer dans le monde.

L’exemple des poètes.

Pour conclure cet article, rien de tel qu’un extrait des fleurs du mal de Baudelaire

« La Nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles;

L'homme y passe à travers des forêts de symboles

Qui l'observent avec des regards familiers. »

L’auteur voyait le poète comme un transcripteur du monde au service des hommes. Le style est une correspondance verticale qu’il convient de rendre intelligible. L’objectif poursuivi est de dépasser le rôle du poète médiateur du monde vers l’élève émancipé et autonome. Par son engagement, le professeur cherche que le jeune apprenne à apprendre et donc à décrypter le monde. Il doit donc développer son propre style de lecture et retranscription du monde.

Finalement, le style d’enseignement est une boussole et un guide au service du style des élèves.

Sources

Sous-Culture le sens du style, Dick Hebdige, Zone, 1979.

Cinq leçons sur la psychanalise, Freud, Petite bibliothèque Payot, 1910.

Mods une anthologie : speed, vespas & rythm’n’blues, Paolo Hewitt, 2009, Rivages Rouge.

Le modèle SAMR : une référence pour l’integration réellement pédagogique des TIC en classe, Sebastien Wart, Ecole Branchée, 9 septembre 2013.
http://www.ecolebranchee.com

La Pensée sauvage, Levis Strauss, Pocket, 1990.

Enquête de foot, Canal+, 25 mars 2015.

Les Fleurs du Mal, Baudelaire, Hatier, 2014.

 


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