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Publié le 24 mars 2015 Mis à jour le 24 mars 2015

Tous les métiers se valent-ils ?

La lutte contre l'ignorance sous toutes ses formes.

Après l'indépendance, les pays africains avaient comme priorité absolue l'éradication de l'analphabétisme. Sans que ce fléau soit véritablement jugulé, les systèmes éducatifs axés plutôt sur l'aspect quantitatif, toutes proportions gardées selon les spécifictés de chaque pays, les jeunes diplômés en recherche d'emploi font maintenat pléthore.

L'éducation a véritablement joué pour une première génération le rôle d'ascenceur social puis inexorablement la dynamique trébuche et piétine. Le hic c'est que études, connaissances générales, culture ne riment pas toujours avec employabilité, exercice/maitrise d'un métier et rémunération sans laquelle on ne peut accéder à la dignité.

Sur le portail des PME / PMI du Burkina Faso  qui se veut une  vitrine de promotion pour toutes les entreprises africaines, on évoque un problème de taille, celui de la revalorisation de la formation professionnelle.

Un constat qui en dit long sur la dialectique éducation, formation et emploi: Dans presque tous les pays africains, un grand nombre de diplômés venus du cursus traditionnel d’éducation sont sans emploi, bien que les demandes pour des travailleurs capables existent dans l’économie. Il y a donc disparité entre la formation et la demande du marché du travail en aptitude professionnelle.

Des structures de formation inadaptées

Si la formation professionnelle semble parfois bien structurée dans les pays en développement comme dans le cas de la Tunisie (lire ici), il y a en fait un hiatus entre études et employabilité. On mesure les têtes bien faites à l'aune de l'insertion des jeunes dans le circuit économique et social pour la construction et le développement du pays. Le temps de l'uniformisation est passé, les profils de travailleurs cruellement manquants c'est la main d'oeuvre qualifiée.

De réforme en réforme, la place de la qualification technique et professionnelle dans le cursus éducatif s’est rétrécie comme une peau de chagrin. Des exemples frappants en Tunisie. Dans les années 60 il y avait des filières industrielles et commerciales, dans les années 70 il y avait les filières courtes administration et gestion, puis on a créé les collèges techniques dans les villes et tous les enseignants du professionnel de 1er cycle secondaire ont été répartis entre écoles primaires et centres de formation professionnelle. La réforme du système éducatif en 2002 n'a en rien arrangé les choses. Une enseignante me rapporte qu’au début de l’année, il y avait une classe de 5 élèves avec 2 profs avec en plus 3 décrocheurs avant la fin de l'année scolaire. C'est que les cours sont purement... théoriques, la formation pratique nécessitant des fonds introuvables pour le moment.

On observe donc une désaffection générale pour ces filières censées repêcher du retard scolaire et contrer les abandons. Le décrochage scolaire se mue alors en déchéance de jeunes abandonnés à eux-mêmes et exposés aux risques de délinquance. Ils deviennent des proies faciles pour des rapaces de tout genre (contrebandiers, fanatiques religieux) qui les appâtent avec des rêves fallacieux, des gains faciles en apparence et ils leur font emprunter les autoroutes de l’illégalité et du contre-Etat.

Récemment, on en est arrivé à une pénurie de main d’œuvre qualifiée, voire de main d’œuvre tout court. Une plaisanterie grinçante revient : « tu as besoin d’un médecin il vient en courant, tu as besoin d’un plombier il te faut courir pour en trouver ».

Chaque diplômé poursuit des mirages pour se réveiller blasé ou carrément abattu. Il aura entretemps cumulé formations et stages, contrats et intérim sans trouver chaussure à son pied. Ce n’est pas leur faute certes mais aujourd’hui l’esprit d’initiative peut payer pour peu qu'on ne baisse pas les bras. La mélancolie qui a empreint les états d'âme de la jeunesse européenne du XIXe siècle c'est du soft par rapport au désespoir qui empreint le vécu des jeunes africains et arabes déçus par des politiques qui les laissent en marge de la société.

Qu'en est-il de la valeur travail ?

Il s'agit, et dans un autre ordre d'idées, me semble-t-il parfois, plutôt d'une crise de valeurs. Car cette jeunesse frappée par l'inactivité structurelle travaille quand même ou du moins s'active par la force des choses dans le mauvais sens du terme. Ou c'est de la débrouillardise à la limite de l'illicite, ou c'est de la léthargie suivie d'activisme a-civique et destructeur. On ne sait plus où commence la créativité et où commence l'immoral, on ne sait plus si la faute incombe aux seuls décideurs ou au négativisme des individus. Un ministre qui, lors d'une saison exceptionnelle, a proposé à la jeunesse désoeuvrée de participer à la cueillette des olives contre une rémunération conséquente fait encore la risée de la galerie. On attend les réformes globales mais le court et le moyen terme sont occultés et on peine à faire la levée générale contre la pauvreté.

Un regard en arrière nostalgique certes mais en quête de renouvellement de certains modèles qui étaient excellemment opérants. L’apprentissage traditionnel des métiers se faisait dans des ateliers de couture ou des boutiques d’artisans. Aujourd’hui on parle de formation en alternance où se conjuguent le formel et l’informel mais où on voudrait surtout que la formation soit finalisée pour l’exercice  d’un métier.

Encore faut-il qu’il y ait des entreprises qui s’affilient dans des projets de formation ou acceptent de prendre des novices pour les former. Que la valeur du travail prime, qu'il n'y ait pas de sous métier ou de métiers mésestimés car on ne sait quels chemins amènent au succès.

FSM 2015

Un regard vers l'avenir, une propension à l'universel car par la mondialisation à tous les niveaux, on est tous solidaires et responsables de l'avenir de tout un chacun qu'on en soit conscient ou inconscient, engagé ou sceptique.

Le Forum Social Mondial, qui se tient à Tunis du 24 au 28 mars 2015 (c'est le deuxième forum de suite hébergé par la Tunisie, après l'édition 2013), avec des espaces ouverts de débat d'idées et d'élaboration de projets, représente une alternative aux politiques officielles et permet la pluralité des approches de développement.

Il se propose de faciliter l’articulation, décentralisée et en réseau, d’associations et de mouvements engagés, tant au niveau local qu’international, dans des actions concrètes de construction d’un autre monde, sans prétendre pour autant incarner une instance représentative de la société civile mondiale.

Une note d'espoir qui se conjugue avec d'autres actions comme la réouverture aujourd'hui du Musée du Bardo comme emblème de continuité, mobilisation et travail pour nous impliquer tous dans la problématique de la lutte contre l'ignorance sous toutes ses formes.

Illustration : Lonely, Shutterstock

Références

"Revaloriser La Formation Professionnelle En Afrique." Burkinapmepmi.com - Le Portail Des PME / PMI Au Burkina Faso - 1er Quotidien En Ligne D’informations économiques Et De L’entreprise. Consulté le 23 mars 2015.
http://www.burkinapmepmi.com/spip.php?article14313.

"Forum Social Mondial FSM 2015." Consulté le 23 mars 2015.
https://fsm2015.org/


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