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Publié le 23 mars 2015 Mis à jour le 23 mars 2015

Le potentiel par le jeu

Le jeu sérieux, un outil de valorisation

La vie, un jeu ?

En psychologie, on réfère souvent la vie à une pièce de théâtre où l’on se retrouve soit dans le rôle d’acteur, soit dans le rôle de spectateur, tout dépend du moment.
En éducation, on pourrait imaginer la vie comme un jeu dans lequel nous serions des pions sur un immense plateau de jeu de société aux limites indéfinissables et à tel point que l’on ne verrait pas tous les pions, ni les dés,  et où les bonus et pénalités arriveraient de toutes parts sans qu’on s’en aperçoive.
Nous, pions, sommes posés sur le plateau en naissant et progressons dans le jeu en vivant pour terminer le jeu en mourant.

La marelle, symbole de vie

Un jeu très ancien et représentatif de cette métaphore est la marelle. Si on analyse le plan de la marelle, elle commence par un demi-cercle représentant la terre, symbole de naissance et se termine par un autre demi-cercle représentant le ciel, symbole de la mort. Au centre des cases numérotées de 1 à 9 dont chacune pourrait représenter nos tranches d’âge par dizaine. Le palet (caillou ou autre objet utilisé pour le lancer) représenterait l’âme. Si maintenant, nous retirons les cases chiffrées pour se faire rejoindre les extrémités, nous avons un cercle représentatif de la Terre.

Cette analyse est assez représentative pour pouvoir prétendre que la vie est un jeu, ou du moins que nous jouons à la vie.
Certes, la vie est un jeu plus compliqué que celui-là et qui contient énormément de règles, de limites, de gagnants, de perdants, d’objectifs, de compétitions, etc.
Un jeu laborieux à jouer où il faut pouvoir employer des ruses pour tromper l’adversaire. Un jeu dur, cruel mais tout ce qu’il y a de plus naturel.
Et au lieu d’être un pion manipulé qu’on déplace dans le jeu, nous jouons notre propre rôle.

Oui ! On pourrait prétendre que la vie est donc vraiment un jeu.

Dans notre société moderne, nous vivons selon des règles et des défis spécifiques, et qui dit rêve et défis, dit jeu. Rien que le fait d’aller travailler tous les jours n’est-il pas un challenge où nous devons nous lever chaque matin et nous préparer, le but étant d’arriver à l’heure au travail ?
Au cours de la partie, nous devrons nous préparer et en chemin, respecter les règles du code de la route ou encore les règles de civilité selon le moyen de transport que l’on prend.

On ne le démontre plus, l’apprentissage sous forme de jeu, que ce soit chez les enfants ou les adultes, mènent à des résultats nettement plus concluants qu’avec une méthode traditionnelle. Nombreuses études et articles nous l’ont déjà confirmé.

J’ai vécu moi-même l’expérience à plusieurs reprises dans le cadre de ma profession de formatrice, laquelle a été gratifiante à plus d’un titre comme pour le cas d’enfants dyslexiques qui ont pu, non seulement s’améliorer en français et en mathématiques, mais aussi reprendre confiance en eux. Ou encore le cas du cercle vicieux d’un enfant perturbateur qui ne s’intéressait à rien parce que toujours réprimandé par ses mauvais résultats et qui un jour a joué à La Maison de Loupy, un jeu sur le bon comportement à adopter avec son animal domestique. Son chien était l’une des rares choses qu’il lui suscitait un intérêt. Sa concentration fut donc plus de coutume et de plus, il a obtenu, en fin de partie, un diplôme à son nom et les félicitations en prime de la part de tous. L’enfant avait découvert le plaisir d’être gratifié. Pour lui pouvoir revivre ce sentiment de héros, il commença à adopter une attitude plus adaptée de bon élève.

Certes, nous n’en avons pas fait un ange, loin de là ! Mais l’utilisation de jeu nous a permis de lui faire découvrir le potentiel qu’il avait en lui.

Homo Sapiens, Homo Faber … Homo Ludens

L’être humain a toujours utilisé le jeu comme moyen premier et naturel d'apprentissage. Apprentissage à la vie en société, au départ, au sein de sa famille, de son environnement scolaire, le jeu rend sociables.  Johan Huizinga, un historien néerlandais (1872-1945), prétendait déjà à l’époque que le jeu est inné chez l’homme (Homo Ludens), au même titre que le savoir (Homo Faber) et la fabrication (Homo Faber). Ces 3 caractéristiques font parties intégrantes de l’Homme et n’ont pas attendus les Nouvelles Technologies pour être révélées.

Des études le prouvent

Nombreuses études ont été réalisées sur les bienfaits psychologiques des jeux, comme le cas d’un groupe d’adolescents jouant à Tetris où il s’est avéré que ces derniers développaient de la matière grise.

Une étude dans un centre médical a pu relever que les chirurgiens jouant aux jeux vidéos plus de 3h par semaine commettaient 37% moins d’erreurs en salle d’opération que ceux qui ne jouent pas, qu’ils sont 27 fois plus rapides en intervention et suturent 33 %.

Une étude a été confiée à European Schoolnet par l’ISFE (Interactive Software Federation of Europe) sur les jeux électroniques dans le sens large du terme (éducatif, commercial, loisirs, etc.) qui a été réalisée dans 8 pays européens, à savoir l’Autriche, le Danemark, l’Espagne, la France, l’Italie, la Lituanie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Cette étude s’est portée sur des enfants du primaire au secondaire, 500 étudiants, une trentaine de décideurs politiques et d’experts, six études de cas, une revue de littérature scientifique et une communauté Internet créée à cet effet. Aucune distinction n’a été faite concernant les professeurs tant pour l’âge, le sexe, le niveau d’ancienneté, l’expérience des jeux électroniques, l’âge de leurs élèves ou les matières enseignées.

Un groupe expérimental et un groupe de contrôle ont été formés. Pour le groupe expérimental, les élèves jouaient seuls ou par petits groupes à raison de 20 à 25 minutes par jour, cinq jours par semaine en terminant le vendredi par un test.

Les résultats du groupe expérimental ont démontré un niveau deux fois meilleur comparé au groupe de contrôle en matière de précision et de vitesse de traitement. Les élèves les plus faibles du groupe expérimental progressaient mieux que les élèves doués du groupe de contrôle et présentaient un élan à continuer. La motivation est donc accrue et les élèves avaient une plus grande facilité de compréhension.

Une autre expérience en extra-scolaire se voulait d’offrir une aide aux élèves ayant de grandes difficultés, que ce soit par rapport à leurs résultats scolaires qu’à leurs capacités d’adaptation sociale. Les élèves en difficultés présentaient au départ des sentiments négatifs tels que la culpabilité, la lassitude et le découragement parce que leurs vains efforts ne leur apportaient rien. Certains en étaient arrivés au stade de la phobie à fréquenter l’école.

Jouer leur a permis d’inverser ces sentiments tout en progressant dans leurs aptitudes et leur permettre une critique constructive à défaut du punitif. Cela leur a permis de se sentir plus à l’aise sur le banc de l’école et donc de mieux se concentrer et de mieux apprendre.
Du point de vue des enseignants, le succès vient du ludique mais également d’être confronté seul aux défis où  chacun apprend à sa façon et à son rythme. Et surtout le fait que l’échec n’est plus condamné mais étudié pour en tirer un enseignement. On apprend de ses erreurs.

Une approche du travail collaboratif, des aptitudes sociales et communicationnelles ont été également plus vécues que d’ordinaire.

Pourquoi sommes-nous meilleurs au jeu que dans la vie ?

Jane McGonigal travaille en tant qu’infographiste à l’Institut pour le Futur aux USA où elle crée des jeux depuis 10 ans. Son objectif principal serait d’instaurer un moyen par le jeu pour qu’il soit aussi facile de sauver le monde dans la réalité qu’il l’est dans les jeux en ligne.

Dans son mémoire de fin d’étude, elle a étudié le comportement d’addicts à World Of Warcraft pour connaître leurs raisons de se sentir mieux dans un monde virtuel que dans la vie réel. Alors qu’ils sont capables de relever des défis en passant des heures à résoudre des problèmes, de recommencer autant de fois que nécessaire, de collaborer et de coopérer dans le virtuel, pourquoi ne le font-ils pas dans la vie réelle ?

Pour Jane McGoniga, nous pensons que nous ne sommes pas aussi bons dans la vie que dans les jeux. Peut-être justement parce que c’est un jeu et que tout est permis et possible. Dans un jeu, nous sommes prêts à tout pour arriver à nos fins et nous devenons donc meilleurs. Nous sommes enclins  à aider d’autres joueurs et sommes disposés à lutter pour résoudre un problème aussi longtemps qu’il le faudra. Dans la vraie vie, face à l’échec, confrontés aux obstacles, nous n’avons pas le même état d’esprit. Nous nous sentons vite dépassés, voire submergés. Nous sommes anxieux, parfois déprimés, frustrés ou cyniques. Nous n’avons jamais ces sentiments quand nous jouons, ils n’existent tout simplement pas. Le jeu nous procure la sensation de pouvoir tout accomplir.

C’est pourquoi Jane McGonigal s’évertue à trouver des moyens de transposer dans notre quotidien, ces sentiments positifs ressentis dans le jeu.

Lorsque vous entrez dans World Of Warcraft, vous y trouverez des personnages tout aussi différents les uns des autres, mais tous avec  la même attitude de vous octroyer leur confiance pour accomplir une mission. Une mission que vous serez capable d’accomplir selon votre niveau. On ne vous confiera jamais un défi que vous ne pouvez relever mais bien un à la limite de vos capacités.

Aussi, il n’y a pas de chômage dans World of Warcraft. Personne ne s’y tourne les pouces, tout le monde a quelque chose de précis et d’important à faire. On y trouve aussi des centaines de collaborateurs. Où que vous alliez, des milliers de personnages sont prêts à travailler avec vous pour vous aider à accomplir votre mission.

Dans la vie réelle, c’est tout autre. Au sortir de vos études, vous ne verrez jamais des centaines de personnes prêtes à vous faire confiance et vous tendre la main en vous offrant l’opportunité de faire vos preuves. Vous ne recevrez jamais de points bonus ou de badges de niveaux dans la vie pour une petite tâche accomplie car oui, il faut le dire, la vie ne nous offre pas de gratification pour tous ces petites besognes du quotidien, pourtant pas toujours évidentes à réaliser.

Toujours selon Jane McGonigal, tout ce temps passé à jouer, modifie nos capacités humaines en étant plus honnêtes, plus sociables, plus collaboratifs et plus persévérants. Les joueurs sont des individus pleins d’espoir et superpuissants. Ce sont des gens qui croient pouvoir changer le monde. Le seul souci, c’est qu’ils se croient capables de changer les mondes virtuels et non le monde réel.

Votre potentiel professionnel dans le jeu

Dans le domaine de l’emploi, des jeux comme Hair be12, pour n’en citer qu’un, permettent de mettre en avant les compétences d’un candidat par une mise en pratique tout en restant dans un lieu de confort chez soi et à l’abri du regard. De même que les salons de recrutement organisés dans les mondes virtuels en 3D donnent la possibilité de se présenter sans devoir se vêtir d’un costume et d’une cravate. Ces salons permettent non seulement de découvrir  des candidats qui ne se présenteront jamais, mais aussi de faire-valoir leurs potentiels en utilisant un avatar les représentant qui leur permet d’oublier les angoisses et frustrations.

Le jeu guérit les frustrations

Autre cas de figure très intéressant également que j’ai instauré dans mes cours d’initiation aux TIC pour les seniors. Certains d’entre eux éprouvent de réelles difficultés à manipuler la souris. Cette frustration est belle et bien présente et est due essentiellement à un état d’esprit. En les faisant jouer à Save Them Goldfish, un jeu dans lequel ils doivent sauver des poissons rouges en les retirant d’une poêle à frire,  le rôle de sauveur prend inconsciemment place au complexe, et leur permet ainsi de surpasser cette difficulté sans même qu’ils s’en rendent compte.

Le jeu aide la psychanalyse

En psychanalyse, le jeu prend de plus en plus de place en thérapie.  Il permet non seulement de découvrir par l’observation le comportement d’une personne pour mieux la cerner et d’employer une mise en situation pour le libérer en paroles, mais aussi d’apprendre à mieux se connaître et de mettre en avant les aspects positifs d’une personne qui se dévalorise.

Par exemple, Michael Stora, psychanalyste à Paris, utilise le conte de fée virtuel Ico, où l’enfant devient le héros et doit sauver et protéger la princesse Yorda contre la méchante reine et ses soldats.
Cette séance consiste à faire jouer un enfant pendant que les autres, enfants et spécialistes, observent son comportement dans le jeu.
Un petit garçon qui était placé en famille d’accueil, souffrait de profondes blessures narcissiques. Le père incarcéré et la mère héroïnomane dont il devait lui-même s’occuper. Ce petit garçon, dans son cadre familial très difficile, avait du endosser le rôle de "soignant" avec toutes les responsabilités d’un adulte.

Dans le jeu Ico, il doit donc s’occuper de Yorda, laquelle ne représentait autre que sa mère. A un moment, dans une partie du jeu, il se retrouve seul et doit franchir un gouffre. Au grand étonnement des autres, au lieu de tenter de franchir l’obstacle, l’enfant jetait son avatar dans le gouffre. Si les autres enfants ne l’avaient pas encouragé, il en serait resté là et la partie aurait été terminée. En fait, il n’avait aucune motivation à poursuivre à partir du moment où il devait se sauver lui-même plutôt que la princesse. Forcément, dans sa vie, il n’avait jamais appris à s’occuper de lui puisqu’il était responsable de sa maman. Il ne prenait donc aucun plaisir dans le jeu à réussir pour lui-même. Ce n’est que grâce aux encouragements de ses condisciples que Rachid prit plaisir à poursuivre et à découvrir le plaisir d’avoir de l’importance. Son comportement changea d’ailleurs avec sa maman qu’il invita sans mesure à se prendre en mains.
Dans cet exemple, preuve en est que le jeu permet de redonner valeur à une personne effacée et de découvrir l’importance qu’elle a à avoir, elle aussi des droits.

Les enfants et adolescents, que l’on retrouve dans les centres thérapeutiques, sont souvent hyperactifs, carencés ou présentent des troubles violents du comportement. Ils éprouvent généralement des difficultés à s’exprimer oralement. Jouer leur permet alors de communiquer leurs désirs, leurs sentiments voire leurs pulsions agressives. Le psychologue parvient ainsi à mieux cerner leur pathologie et peut leur venir en aide en mettant en avant leur ego.  Se créer, par exemple, un avatar à son image à l’aide d’un spécialiste, permet au patient de découvrir que la vision qu’ils ont d’eux-mêmes est tout autre, et souvent plus gratifiante, aux yeux des autres.

Toujours dans le domaine de la santé, il existe aussi des jeux pour aider les diabétiques, les asthmatiques ou les phobiques à gérer leur maladie et à se sentir moins en «hors marge ». Nombreux enfants diabétiques ont ce sentiment de ne pas être comme les autres et de ne pouvoir vivre comme les autres. Ces jeux ont pour objectifs de leur prouver le contraire.

Des exemples, il en existe à la pelle. Ceci n’est qu’un brève aperçu des opportunités que l’on peut avoir par l’usage des jeux. Ils sont un moyen efficace de mettre en avant  les forces plutôt que les faiblesses parce qu’on n’est jamais objectif avec soi-même.


Sources

Jeux de marelle - Laclasse.fr

Homo Ludens - Wikipedia

Quels usages pour les jeux électroniques en classe -
Patricia Wastiau, Caroline Kearney, Wouter Van den Berghe - European Schoolnet
http://games.eun.org/upload/gis-synthesis_report_fr.pdf

Jane McGonigal, le jeu peut rendre le monde meilleur - Conférence TED
https://www.ted.com/talks/jane_mcgonigal_gaming_can_make_a_better_world?language=fr

Les enfants du jeu - Intervention de Michael Stora - Les Rendez-vous du Jeu
http://www.les-enfants-du-jeu.com/_dynamique/revuesPresses01/fichiers/intervention-michael-stora-22.pdf

Quand le jeu vidéo fait du bien - Chloé Woitier - Le Monde
http://www.lemonde.fr/week-end/article/2011/02/11/quand-le-jeu-video-fait-du-bien_1467596_1477893.html

Jeux vidéo : le péril jeune ? - A. Joseph - Banque des Savoirs
http://www.savoirs.essonne.fr/thematiques/les-hommes/psychologie/jeux-video-le-peril-jeune/


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