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Publié le 03 mars 2015 Mis à jour le 03 mars 2015

Apprendre : au-delà de la méthode, les rencontres

Passion, valorisation, émulation...

On trouve sur le Web quantité d’articles et de contenus consacrés aux stratégies d’apprentissage dans des domaines et des secteurs divers et variés. Certains sites promettent même de nous livrer les secrets de leurs méthodes censées nous apporter les clés de la réussite.

Ainsi on découvrira, sur le site d’information sur l’éducation et la pédagogie «Apprendre à apprendre», les 7 profils d’apprentissage, un «outil qui permet de cartographier sa façon d’apprendre et donc d’être efficace dans les apprentissages». Il existerait en fait, selon les auteurs de l'ouvrage, 86 façons d’apprendre. Et il nous est proposé d'effectuer en ligne un test, qui doit nous permettre de définir notre profil.

Une méthode ou des méthodes ? 

On pourrait aussi bien dire qu’il y a autant de méthodes que d’individus, comme nous le rappellent les deux auteurs du document édité en 2012 par l’école de commerce HEC de Montréal, qui apporte quelques pistes et règles de base pour aider les étudiants à organiser leur parcours d’apprenant.

Caroline Levasseur et Geneviève Bergeron y abordent en effet des thèmes comme la concentration et la préparation au travail intellectuel, elles y livrent des conseils pour la prise de note, la lecture, l’entraînement de la mémoire ou encore la rédaction. Tout en précisant bien que, «au risque de décevoir ceux qui recherchent la recette secrète de la réussite scolaire, on reconnaîtra d’emblée qu’il existe autant de méthodes de travail que d’étudiants et d’étudiantes.»

Et si la Méthode n’existe pas, comme il n’existe pas de recette miracle qui nous assurera un accès sûr à la «Connaissance», il revient donc à chacun de puiser dans son parcours les ressources et les moyens qui détermineront la construction de ses savoirs et savoir-faire.

Des rencontres avant tout

Mais il n’est pas aisé de s’aventurer seul sur ce chemin et c’est là qu’une ou des rencontres décisives, (que l’apprenti « apprenant » peut faire avec ce « formateur » qui ouvrira un nouveau monde à celui qu’il aura réussi à captiver) prennent toute leur valeur. Et ce sera alors la façon qu’aura un professeur d’aborder le savoir et l’enseignement, qui nous rendra confiant en notre potentiel et nous permettra de transformer nos aptitudes en compétences.

Comme en témoigne Daniel Pennac dans son ouvrage Chagrin d’école, dans lequel il convoque son itinéraire et sa souffrance de cancre pour apporter sa vision de l’enseignement, et sur laquelle les deux entretiens, qu’il a accordés en 2007 à l’Express, à François Busnel puis à Marianne Payot, nous apportent un éclairage. Devenu, à l’âge adulte, un enseignant soucieux d’installer ses propres élèves dans un « présent de l’apprentissage », c’est en puisant dans son douloureux parcours personnel qu’il tente de faire émerger l’envie d’apprendre chez les plus récalcitrants.

Dans son récit, il évoque les trois professeurs qui l’ont « sauvé », chacun à sa manière. Il parle de cette enseignante en Histoire, passionnée et passionnante. Il se rappelle son professeur de Mathématiques valorisant qui, face à des élèves revendiquant leur nullité, affirmait ne pas croire en l’ensemble vide, et qui partait de leurs acquis (aussi insignifiants leur paraissaient-ils) pour leur redonner la confiance et donc l’envie de persévérer. Et enfin il décrit le professeur de Français stimulant et encourageant qui, par le défi même qu’il lança au jeune Pennacchioni fâché avec l’orthographe, rendit un temps à l’auteur le goût de « l’étude » : il lui demanda en effet d’écrire un roman-feuilleton en un trimestre, sur un « sujet libre, mais (en le priant) de fournir (ses) livraisons sans faute d’orthographe, histoire d’élever le niveau de la critique ».

Le projet ou le défi à relever, la prise en compte des savoirs de l’élève, la « passion communicative » pour la matière à enseigner, autant de manières de s'engager dans l’enseignement qui se révélèrent des méthodes efficaces pour l’auteur.

Une façon d’aborder l’apprentissage

Lui-même, s’il se défend  bien d’apporter quelque méthode d’enseignement, fait part de ses expériences d’enseignant.

Professeur de français et de littérature, il parle de sa détermination à confronter les élèves aux textes littéraires, même les plus ardus, en leur demandant de les apprendre par cœur, tout en les guidant dans leur mémorisation, comme un défi à relever : leur faire ainsi exercer leur mémoire mais aussi les aider à former leur pensée, leur permettre d'accoler leur vécu aux écrits devenus références et d’entendre résonner l’écho de leur propre réalité à travers les mots écrits par d’autres, les laisser prendre plaisir à les dire simplement et se les approprier aussi.

Ses élèves se sont alors emparés de la méthode, qui devait les rendre capable de réciter à la demande tout texte appris au cours de l’année, pour la détourner, la complexifier même, en inventant de nouvelles règles : réciter plusieurs textes en alternance, les apprendre à l’envers,… Chacun devenant maître de ses apprentissages, au sein d’une classe que Pennac compare à un orchestre où chacun peut trouver sa place, le triangle comme le premier violon. 

Il s’agit alors pour l’enseignant, le formateur, l’animateur, de veiller à l’harmonie du groupe, en redonnant confiance à chacun, en ranimant parfois la flamme chez les uns tout en s’appuyant sur l’assurance des autres, à travers un projet porteur de sens, à la portée de tous, où chacun peut donner sa mesure. Une micro-société en somme qui s’organise, telle que Célestin Freinet avait défini sa classe.

C’est ce que nous rappelle le conseiller pédagogique Jacques Belleau sur le site de l’Association québécoise de pédagogie collégiale.  Avec Freinet, « les nouveaux rapports qui s’établissent dans la dynamique triangulaire caractérisant la relation pédagogique s’appuient sur la responsabilisation de l’élève en regard de ses apprentissages et du groupe, sur l’autonomie dans la gestion de ses activités d’apprentissage et de son temps, sur une approche naturelle (le tâtonnement expérimental) et personnalisée de l’apprentissage, sur l’ouverture à la vie qui donne du sens aux apprentissages. L’erreur, dans un tel contexte, devient non pas une pathologie mais plutôt un moyen de progresser ».

Daniel Pennac explique également comment il dédramatise l’étude de la langue en s’appuyant sur les interventions orales de ses élèves, ancrées dans leur quotidien et expressions de leurs peurs, de leurs doutes et de leur démobilisation d’élèves en difficulté. Une autre manière de donner du sens aux apprentissages. 

Ce sens que revendique l’enseignante de Mathématiques Stella Baruk qui, depuis de nombreuses années, multiplie les interventions et les conférences et dont la « méthode » est suivie par des enseignants convaincus du bien-fondé de sa démarche. Elle souligne en effet l’importance que l’on doit accorder à la langue dans l’apprentissage des mathématiques, trop souvent porteuse de contre-sens et de malentendus, « trop d’élèves confondant le sens mathématique des mots avec leur signification usuelle », rappelle Pascale Krémer dans son article publié sur le monde.fr en 2008. Stella Baruk propose un « enseignement repensé des mathématiques, fondé sur la langue, le sens et la prise en compte de l’erreur (…) constitutive de l’apprentissage ».

Des points d’ancrage pour un apprentissage réussi

De ces exemples, méthodes ou expressions pédagogiques, dont se sont emparés des formateurs et dont ont bénéficié des apprenants, émergent des invariants : 

On y  privilégie la construction par l’élève de ses savoirs, par le tâtonnement expérimental (dont se réclament des organismes comme la fondation la main à la pâte, citée déjà dans un article précédent). 

On favorise la collaboration autour d’un projet porteur de sens. Notons au passage que cette approche peut se pratiquer, par exemple, avec le site de micro-blogage Twitter à travers un projet d’écriture collaborative, où la contrainte des 140 caractères devient un atout majeur pour l’élève jusque-là terrorisé par l’idée de devoir produire des textes trop longs pour lui.

Ce type d’expérience s’inspire en effet de la démarche et des analyses conduites par l’Institut de twittérature comparée, « regroupement d’organisations vouées à la promotion de la twittérature dans différents pays de la francophonie (qui) comprend à sa fondation les entités autonomes française (Bordeaux) et québécoise (Québec) ». L’apprentissage collaboratif pourra être éprouvé par ailleurs à travers plates-formes d’e-learning ou cMOOCs favorisant les échanges entre participants et où chacun peut « apporter sa pierre à l’édifice ». 

Enfin, ces « méthodes » suscitent l’envie, et par là-même le plaisir, moteurs de l’engagement et garants de l’assimilation de nouveaux savoirs, savoir-faire, savoir-être…

Affronter l'inconnu

Autant de pistes à explorer, et d’ores et déjà empruntées (par enseignants ou apprenants), qui concourent à nous faire progresser avec confiance, dépassant nos peurs face à l’inconnu, à l’immensité des savoirs auxquels nous n’avons pas encore accès.

Et au fond, s’il n’existe pas une Méthode, la « meilleure » méthode ne serait-elle pas celle qui mobilise en chacun l’envie d’apprendre ?

Illustration : Flickr, Michaël, licence CC

Références :

Les 7 profils d’apprentissage », sur le site Apprendre à apprendre
http://www.apprendreaapprendre.com/reussite_scolaire/charte-ethique/

La boîte à outils, trucs et astuces de votre succès, méthodes de travail efficaces », par Caroline Levasseur et Geneviève Bergeron, HEC Montréal,
http://www.hec.ca/etudiant_actuel/ressources_pedagogiques/atelier_soutien_etudes/Atelier.etude.efficace.pdf

Une approche pédagogique alternative au collégial : la pédagogie Freinet », par Jacques Belleau, Association Québécoise de Pédagogie Collégiale,
http://www.aqpc.qc.ca/une-approche-pedagogique-alternative-au-collegial-la-pedagogie-freinet

Stella Baruk, le goût des Maths, une affaire de langue », par Pascale Krémer, lemonde.fr
http://www.lemonde.fr/le-monde-2/article/2008/09/12/stella-baruk-le-gout-des-maths-une-affaire-de-langue_1094437_1004868.html

J’étais un cancre gai, c’est ce qui m’a sauvé », par François Busnel, lexpress.fr
http://www.lexpress.fr/culture/livre/j-etais-un-cancre-gai-c-est-ce-qui-m-a-sauve_813046.html

Daniel Pennac », par Marianne Payot, lexpress.fr
http://www.lexpress.fr/culture/livre/daniel-pennac_822341.html

xMOOC, cMOOC…Qu’est-ce qui marche vraiment ? », par Mathieu Nebra, openclassrooms.com
http://blog.openclassrooms.com/2013/06/xmooc-cmooc-quest-ce-qui-marche-vraiment/

ITC, Institut de twittérature comparée
http://www.twittexte.com/ScriptorAdmin/scripto.asp?resultat=337598


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