« Nollywood », vous connaissez ? Certains avouerons que non, d’autres contournerons leur méconnaissance par un pratique « j’en ai entendu parler » et enfin, les plus « trendy » se targuerons d’un « évidemment ».
Jusqu’à présent (août 2014 exactement), je me rangeais dans la première catégorie (celle des incultes, si si….) avant de m’enthousiasmer à la lecture d’un article du magazine Long Cours (n°7) de Julien Blanc-Gras et Corentin Fohlen, découvert par hasard en attendant un café. Depuis, je m'interroge : pourquoi ce modèle n'est-il pas étudié dans nos cursus universitaires qui mériteraient bien de renouveler leurs cas d'école ?
« Nollywood , contraction des termes « Hollywood » et « Nigéria » est la dénomination qui s’applique au cinéma nigérian, en référence à l’industrie américaine et au « Bollywwod » indien, mais dont il se distingue à plusieurs titres. Car le « Nollywood » a sa propre spécificité et n’obéit à aucune des règles que nous connaissons en occident en matière cinématographique.
Pour preuve, voici quelques chiffres qui font tourner la tête et nous demander comment nous pouvons ignorer ce pan économique et culturel tant d’un pays mais aussi d’un continent car ce terme aujourd’hui représente pour nous autres occidentaux l’industrie cinématographique africaine dans son ensemble.
« Nollywood », une économie florissante
« Nollywood » représente 2% du PIB du Nigéria (soit près de 11 milliards d’euros) et génère plus de 300 000 emplois. La production cinématographique est impressionnante avec plus de 1 800 films tournés chaque année, soit 30 à 40 vidéos distribuées chaque semaine (le format VCD – Video Compact Discs - et plus rarement VHS ou DVD est le plus diffusé et commercialisé).
Avec un budget moyen de 15 000 à 30 000 euros, les réalisations sont donc facilitées. Nous sommes très loin des millions de dollars des productions hollywoodiennes et en comparaison la réalisation d’un film nigérian ne coûte pas plus que 3 à 4 secondes d’un film américain. En 2009, le chiffre d’affaires pouvait déjà être estimé à 300 millions d’euros, mais il est difficile de communiquer des chiffres actualisés car le nombre des copies commercialisées n’est pas toujours bien connu des producteurs eux-mêmes. D’autant que les canaux de distributions et les entreprises commerciales communiquent peu et ne permettent pas une évaluation exacte des ventes réalisées.
En termes d'emplois, cette industrie cinématographique utilise une main-d'oeuvre nombreuse tant pour la distribution active des vidéos (colleurs d'affiches, vendeurs de rue et boutiques vidéo) que pour la réalisation de ces films (techniciens et comédiens). Et nombre d’entre eux se forment sur le tas.
De mieux en mieux
Face aux critiques tenant à la qualité des films réalisés, les écoles de cinéma se développent afin de former des techniciens et réalisateurs et améliorer ainsi le niveau d’exigence attendu à l’international sans pour autant renier les spécificités culturelles liées à la langue et aux hommes et femmes de ce pays.
La visée internationale de cette industrie est d’ailleurs pour le moment centrée sur les communautés africaines réparties à travers le globe. C’est d’ailleurs sur ce créneau qu’IrokoTV (le Netflix africain) s’est développé. L’entreprise créée en 2010 par Jason Njoku emploie désormais plus de 100 personnes à Lagos, Londres mais aussi New York et offre 6 000 films dans son catalogue. Elle vise la manne financière qui devrait lui ouvrir ses portes dès que le débit Internet sera décuplé d’ici quelques années.
Mais cette recherche de l’excellence ne vise pas que le marché international : c’est en interne que les résultats sont aussi attendus. La classe moyenne se développe de plus en plus et est en attente de films en prise avec ses réalités.
Cette catégorie de la population qui a les moyens de s’offrir un ticket dans une de ces multiplex qui ont poussé à Lagos, veut y trouver des films correspondant à ses attentes de divertissement. Les salles de cinema doivent alors cibler ce public aux capacités financières élevées par rapport à la majorité de la population de ce pays.
« Nollywood », les raisons d’un succès
Les raisons sont économiques car les temps de réalisation sont réduits, les tournages en lieux réels et les salaires des réalisateurs, des acteurs et techniciens peu élevés. Certes, cette industrie a ses « stars » telle Omotola Jalade-Ekeinde ou Genevieve Nnaji (dont le cachet s’élève désormais à 17 500 euros par film et qui est aujourd’hui en droit de négocier ses conditions de tournage, grâce à sa célébrité). Mais ces stars qui n’ont rien à envier à celles des autres continents ne peuvent cependant pas prétendre aux mêmes cachets mais assurent le dynamisme de cette industrie.
Financement privé
Ajoutons que le financement des films est assez singulier. Si nos productions puisent largement dans le support financier des institutions publiques, il en va différemment au Nigéria. Le financement se fait sur des fonds privés et les réalisateurs sont souvent les producteurs de leur propre film tel Kunle Afaloyan, qui a réalisé en 2014 « October 1 » et qui n’a pas hésité à tout investir dans ce film qu’il espère voir un jour primé dans un festival international.
Reste que si l’ensemble des productions ont des budgets des plus limités, certains ovni tels « Half of a yellow sun" ( sorti début 2014) a réussi à monter le plus gros budget du cinéma nigérian soit 9 millions de dollars levés auprès de fonds privés.
Au-delà de cette approche financière, il ya certainement un facteur clé du succès de ce cinéma. Il est adapté aux attentes d’un public passionné pour les histoires où se mêlent amour, pouvoir et argent. Les scénarios sont parfois simplistes et les incohérences abondent mais ils reposent sur des contextes sociaux vécus ou connus du public.
Mais ce cinéma ne se veut pas social, il est avant tout divertissant et si les scènes de violence et de délinquance ne sont pas minimisées, elles ne cherchent pas à proposer un panorama victimisant de la société nigériane. Un bel exemple est celui de « Phone Swap », film réalisé par le cinéaste Kunle Afolayan qui utilise comme ressort central de sa comédie, l’échange malencontreux de portables. Et le portable est un véritable phénomène de société au Nigéria (certains Nigérians en possèdent pas moins de quatre !).
Cette dimension sociale et culturelle s’exprime littéralement à travers l’écran : de quoi en faire le pitch central de ce film largement récompensé et encensé par la critique.
Et si le public répond présent, c’est parce que ces films sont profondément ancrés dans la culture nigériane et de ses spécificités linguistiques et ethniques. Les langues Ibos, Haoussas, Yorubas et maintenant Edo ont permis l’émergence de ce cinéma à l’échelle locale mais la percée nationale tient à l’utilisation massive de l’anglais ce qui assure une ouverture vers les marchés africains et internationaux. Reste que les acteurs ne se départissent ni de leur accent, ni de leur langages corporels ce qui leur assure la bienveillance du public.
"Nollywood", un thème nouveau pour des supports pédagogiques actualisés
Le Nigéria a donc réussi le pari de produire à faible coût des produits en parfaite adéquation avec la demande. De quoi intéresser les pédagogues en charge de cours d'économie et de marketing ! C'est là un véritable cas d'école largement documenté à travers la presse et le Web.
Entre PIB, croissance, production, coûts de production, financement, ventes, chiffres d'affaires, commercialisation, canaux de distribution et perspectives, l'étude du "Nollywood" couvre largement les programmes d'économie. D'autant que l'aspect culturel permet une ouverture des plus intéressantes entre étude sociologique des consommateurs et stratégies marketing.
Et si vos élèves sont sur Paris, le Festival du Cinéma Nigérian aura lieu du 4 au 7 juin 2015 au Cinéma l'Arlequin. C’est l’occasion de découvrir des films qui parlent d’une Afrique filmée par des Africains et de sensibiliser élèves et collègues.
Sénat-groupe parlementaire d'amitié. "Le Nigeria, Incontournable Géant De L'Afrique." Accueil - Sénat. Date de publication 26 novembre 2009. http://www.senat.fr/ga/ga87/ga8711.html.
Un tout petit ouvrage vient de paraître. Il traite, en profondeur, de ce qu'on ne voit pas, ou à peine, sur la toile. Le constat de l'envahissement de cet outil ne doit en effet pas fnous laisser croire que toutes les dimensions de nos cultures sont en ligne...
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