Lorsque vous aurez lu cet article, vous pourrez utiliser le mot "myrmécologie" dans une phrase courante, vous n'imaginerez plus écraser une fourmi dans votre salle de classe, mais vous serez peut-être pris d'une envie folle de vous gratter !
Car en introduisant des fourmis dans son école, Ange Ansour a fait de ses élèves des apprentis scientifiques. Elle a ouvert sa classe de CM1-CM2 de l'école Paul-Vaillant Couturier à Bagneux vers l'extérieur. Les parents ont construit la fourmilière et l'ont rendue étanche. Le voisinage a montré une certaine curiosité, et la communauté scientifique s'est prise au jeu. Des fourmis qui font du "buzz", c'est incorrect d'un point de vue scientifique, et pourtant !
Pourquoi des fourmis ? Parce que c'est simple, et parce qu'elles ont une organisation collective nous répond Ange Ansour dans une émission de Rue des Ecoles de mars 2013.
Adopter une démarche scientifique
La recherche, ce n'est pas juste reproduire des expériences dont les adultes connaissent déjà les résultats. C'est faire ce qui n'avait jamais été fait ! Les élèves font des hypothèses, ils imaginent les dispositifs expérimentaux qui pourraient les valider, et ils réalisent les expériences. La même expérience est parfois reproduite à plusieurs reprises. Les enfants sont ainsi passés du questionnement à une méthode de résolution de problème.
Le mystère de la muraille
L'affaire a fait grand bruit et a éveillé beaucoup de curiosités. Les fourmis ont élevé une muraille... Pourquoi ? Peut-être pour évacuer leurs déchets ? Mais lorsqu'on retire cette murailles, elles s'empressent d'en construire une autre. Pour avoir plus d'obscurité ? Non. Si on réduit fortement la lumière, elles continuent d'édifier cette muraille de débris. La classe d'Ange Ansour a formulé quelques hypothèses, a sollicité d'autres classes, des scientifiques... Mais le mystère n'a pas été levé.
De la science, mais pas que de la science
Bien entendu, cette belle aventure est l'occasion d'aller au delà de la démarche scientifique.
Les enfants ont appris à communiquer de manière précise. Ils ont tenu un carnet individuel et un carnet collectif numérique. Ils ont échangé avec les adultes ou avec d'autres classes par mail et par twitter. Cette action donne l'occasion d'utiliser de nombreux textes, de lire et d'écrire mais aussi de communiquer à l'oral.
François Taddeï explique qu'ils se sont insérés dans "une communauté de savoirs", où chacun peut apprendre des autres.
Les enfants ont même créé des chansons autour de cette expérience.
Des activités pédagogiques ont été menées sur le même thème par d'autres écoles. Le site Les jeunes myrmécologues nous montre que la communication dépasse les frontières, et que l'envie de communiquer ne s'embarrasse pas des barrières de la langue !
Les enfants naissent chercheurs
Les enfants naissent chercheurs. C'est ce qu'affirme François Taddeï, qui a participé à cette aventure. Ils font preuve de curiosité, ils partagent une volonté de connaître le monde qui les entoure, et découvrent naturellement leur environnement par expérimentation. Ils apprennent aussi de leurs erreurs, comme les scientifiques. Progressivement, nous perdons cette compétence. Le système éducatif peut pourtant accompagner cette aptitude à la recherche et inscrire les apprentissages dans des activités qui favorisent l'expérimentation et la formulation d'hypothèses.
De nombreuses expériences
Mais bien entendu, ce n'est pas la première fois que des fourmis entrent à l'école. Les sites académiques fourmillent (!) d'exemples.
Ainsi, l'académie de Grenoble vous donne des conseils pour élever toute une série d'insectes : cétoines, ténébrions, coccinelles, vers à soie... et fourmis. Très généreux aussi, le site espace pour la vie de Montréal vous laisse le choix des insectes. Faîtes votre choix, mais ne les prenez pas tous !
Relais de sciences propose un fascicule entièrement consacré aux fourmis très utile pour se préparer aux nombreuses questions des enfants. Ils vous donnent aussi le mode d'emploi pour fabriquer vous-même la fourmilière. L'académie de Toulouse présente aussi un parcours pédagogique avec de nombreux documents consacrés aux fourmis.
Ce qu'il faut retenir, c'est une véritable cohérence et une participation importante des différents acteurs. Ange Anssour a su mobiliser très largement autour de ce projet. Elle a encouragé les jeunes enfants à communiquer et s'est elle-même beaucoup impliquée.
Le parti pris d'ancrer ce travail dans la communauté scientifique et dans une démarche de recherche avec François Taddeï reste néanmoins la véritable innovation responsable du succès pédagogique de cette action.
Le schéma ci-dessous rassemble cinq des nombreuses leçons à tirer de ce travail avec les jeunes élèves.
Illustrations : Frédéric Duriez
Ressources
Les enfants chercheurs : la recherche scientifique comme modèle d'apprentissage rue des écoles, France Culture, 30 mars 2013
Des élèves chercheurs et des fourmis - Stéphanie de Vanssay consulté le 5 mars 2015
https://ecolededemain.wordpress.com/2013/06/04/des-eleves-chercheurs-et-des-fourmis/
Des élèves et des fourmis - Stéphanie de Vanssay
https://storify.com/2vanssay/des-eleves-et-des-fourmis
élevage d'insectes à l'école
http://www.ac-grenoble.fr/ien.bv/IMG/pdf_elevages_d_insectes_a_l_ecole.pdf
Fourmis Relais d'sciences.
http://www.relais-sciences.org/odv/doc/cahier_fourmis.pdf
fabriquer une fourmilière consulté le 18 février 2015
http://www.relais-sciences.org/odv/doc/FA01_fourmi.pdf
Atelier élevage de fourmis consulté le 18 février 2015 http://pedagogie.ac-toulouse.fr/sciences31/spip.php?article66
Aménager une fourmilière - espace pour la vie Montreal
http://espacepourlavie.ca/amenager-une-fourmiliere
https://jeunesmyrmecologues.wordpress.com/
Et pour aller plus loin dans ce type de démarche :
Former des constructeurs de savoirs collaboratifs et créatifs : un défi François TaddeÏ - rapport à l'OCDE, février 2009
http://cri-paris.org/wp-content/uploads/OCDE-francois-taddei-FR-fev2009.pdf
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