Publié le 18 novembre 2014 Mis à jour le 18 novembre 2014
En matière artistique, les maisons de vente ont sonné le glas des marchands d’art. Largement focalisées sur des transactions spéculatives, elles sont peu propices à la création. Il est donc désormais difficile de se dégager des logiques financières et de mettre en avant un artiste, pour l’intérêt artistique qu’il présente, et non pas par sa propension à être attractif et objet de plus-values conséquentes.
Pendant un temps critiqués (parfois à juste titre en raison d’une démarche calquée sur celle des maisons de vente), les marchands d’art, les vrais, aussi nommés galeristes sont aussi des travailleurs de l’ombre, passionnés et visionnaires, qui retrouvent aujourd’hui un peu de leur noblesse à travers le constat qui est fait du marché de l’art actuel.
Le Sénat français a présenté il ya plusieurs années dans un article dédié au marché de l’art, une approche historique et commerciale de l’évolution du marché de l’art. Cette ressource met l’accent sur la dichotomie entre ce qui fut commerce de l’art et ce qu’il est. C’est dans l’étude des pratiques commerciales qu’il faut situer le marchand d’art et revenir sur son rôle dans la diffusion des œuvres magistrales comme celles des peintres impressionnistes.
« L'objectif n'est plus seulement de produire moins cher compte tenu de l'état des techniques ou de répondre au mieux à la demande, compte tenu des goûts existants des consommateurs. Il s'agit d'innover, de trouver les technologies et les produits de demain et donc de s'engager dans une forme de concurrence radicale, qui restructure l'ensemble de l'appareil de production. Ce processus de destruction créatrice, qui caractérise le capitalisme, selon Joseph Schumpeter, se retrouve dans le marché de l'art. Le rôle du marchand d'art est moins de servir d'intermédiaire que de modeler le goût de ses clients dans un processus de subversion des valeurs esthétiques dominantes. »
Certes cette vision marketing de l’art peut choquer ou tout au moins interroger sachant que l’art a toujours cherché à s’affranchir de ces finalités mercantiles.
Cependant, derrière ce processus visant à valoriser pour mieux commercialiser les œuvres, il faut voir l’émergence de nouveaux talents. Le marchand d’art permet à l’artiste d’exister voire « fait l’artiste ». Car pour exister (et survivre …) il faut se faire connaitre, communiquer et utiliser les médias, publicité et critiques. Paul Durand-Ruel avait bien compris l’importance de cette stratégie qui lui a permis de mettre dans la lumière et favoriser la création artistique de nombreux artistes de sa génération.
Car il ne s’agit pas de réduire le rôle des marchands d’art à la vente au plus haut prix d’une œuvre. Vendre une œuvre, c’est permettre à l’artiste d’exercer son talent, assurer l’évolution de sa production et la révélation du génie. C’est aussi permettre aux collectionneurs d’assouvir leur passion frénétique pour l’art, dont le grand public bénéficie un jour ou l’autre grâce aux donations faites aux musées le plus souvent par le collectionneur de son vivant, ou de ses héritiers qui préfèrent laisser à la communauté l’héritage posthume de leurs parents plutôt que de céder à l’attrait du marché spéculatif. De plus, si l’on s’intéresse au rôle de ces découvreurs de talents, ils ont tissé des liens étroits avec les musées et donc favorisé la découverte et la sensibilisation du grand public à l’art. Qui a découvert Degas, Monet, Cézanne ? Qui les a collectionnés ? A qui appartiennent aujourd’hui ces œuvres ? A l'origine du bien public, il a bien souvent un marchand d'art.
Le marchand d’art révèle et se fait passeur. Derrière les artistes contemporains dont la renommée dépasse le cadre national puisqu’ils sont primés à Venise ou Cologne, il y a bien souvent un galeriste qui a su présenter au travers d’évènements artistiques ces hommes et femmes qui seront les classiques de demain. Pour exemple, les artistes contemporains, tels Sophie Calle et Tatiana Trouvé dont les noms sont étroitement liés à la galerie Perrotin, Céleste Boursier-Mougenot (artiste désigné pour occuper le Pavillon français de la Biennale de Venise 2015) et la galerie Xippas, ou encore Anri Sala dont les photographies illuminent les murs de la galerie Chantal Crousel.
L’avant-garde artistique a besoin de trouver les moyens de son déploiement tant financier qu’artistique. Bien sur, tous ces artistes ne peuvent prétendre aux lauriers. Certains connaitront une reconnaissance par le public et par leurs pairs de leur vivant, d’autres seront oubliés. Les tendances d’aujourd’hui seront bousculées par les originalités de demain. En matière d’art la permanence n’existe pas et le marchand d’art se situe dans un mouvement. Ce mouvement est à la croisée des évolutions artistiques, économiques et historiques.
Illustration : Andersphoto, Shutterstock.com
Gaillard, Yann. "Marché de l'Art : les chances de la France." Accueil - Sénat. Dat de publication 1998. http://www.senat.fr/rap/r98-330/r98-330_mono.html.
Robert, Martine. "L'univers impitoyable des galeries d'art contemporain." lesechos.fr. Dat de publication 29 mai 2013. http://www.lesechos.fr/29/05/2013/LesEchos/21445-049-ECH_l-univers-impitoyable-des-galeries-d-art-contemporain.htm.
RMN - Grand Palais. ""Paul Durand-Ruel, le marchand des impressionnistes" ce dimanche sur France 5 "Paul Durand-Ruel, le marchand des impressionnistes" ce dimanche sur France 5." Dat de consultation 18 novembre 2014. http://www.grandpalais.fr/fr/article/paul-durand-ruel-le-marchand-des-impressionnistes-ce-dimanche-sur-france-5.
MOOC L'Impressionnisme, du scandale à la consécration. Associé à l'exposition sur Paul Durand-Ruel au Musée du Luxembourg. RMN-GP - Orange, du 20 octobre au 14 décembre : impressionnisme.solerni.org
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